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Nuage de cendres

Excès du principe de précaution ?

lundi 19 avril 2010

De toute part, les autorités sont vivement critiquées pour la fermeture quasi-totale de l’espace aérien européen. Ce sont en particulier les compagnies aériennes qui ont dénoncé la décision

Les vols pilote, sans passagers, se sont multipliées, sans aucun dégat particulier jusqu’à présent. Selon Le Figaro, « Lufthansa et Air Berlin, ont vivement critiqué les autorités pour l’absence de calcul de la concentration de cendres dans l’atmosphère. Les deux compagnies ont mené ce week-end des vols intérieurs sans passagers et observé qu’« aucun dommage » n’avait été relevé sur les avions. « Apparemment jusqu’à 8 000 mètres, il n’y a pas de cendres volcaniques », a dit un porte-parole de Lufthansa »

De même la compagnie hollandaise KLM a fait voler un de ses avions entre Amsterdam et Düsseldorf samedi et huit sur la journée de dimanche, entre 10 000 et 13 000 mètres, à chaque fois sans problème. Air France a pour sa part fait voler un Paris-Toulouse dimanche. « Ces vols d’évaluation consistent à réunir des éléments permettant d’améliorer les connaissances de l’impact du nuage de cendres sur l’avion », ont précisé Air France et la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), dans un communiqué selon Le Figaro. Bilan : ce premier vol « s’est déroulé dans des conditions normales ». « Aucune anomalie n’a été rapportée », a indiqué Air France. « La fermeture de l’espace aérien résulte uniquement des données d’une simulation informatique du Vulcanic Ash Advisory Center à Londres », a par ailleurs déclaré Joachim Hunold, patron de la deuxième compagnie allemande Air Berlin dans le Bild am Sonntag, critiquant la confiance aveugle en les simulations d’un unique centre. « En Allemagne, il n’y a même pas eu de ballon météo pour mesurer - si et combien - de cendres volcaniques se trouvent dans l’air » a ajouté M. Hunold selon Le Parisien.

Les compagnies aériennes ont été rejointes par Gérard Feldzer, directeur du Musée de l’air et de l’espace du Bourget. Ce dernier est très dur sur l’absence d’évaluation des risques et une interdiction de principe : « Je ne comprends pas que l’on n’ait pas fait des vols tests avant samedi soir, ni envoyé des avions-renifleurs ou des ballons. Les compagnies aériennes ont fini par y aller toutes seules mais il n’y a pas eu jusque là de travail de fond sur le risque des poussières volcaniques » a-t-il déclaré au Figaro.

Les syndicats de pilotes ne sont pas en reste, alors qu’ils seraient les premières victimes d’accidents liés au nuage de cendre émis par le volcan islandais. Le principal syndicat de pilotes d’Air France, le SNPL, a ainsi réclamé des « éléments tangibles et concrets » pour établir que le risque est réel car « on n’en a aucun aujourd’hui » selon le syndicat. Erick Devivry du SNPL a ajouté : « le principe de précaution doit être étayé, infirmé ou confirmé ». Illustration frappante des excès du principe de précaution dans nos sociétés contemporaines. Guy Sorman commentait ainsi : « Serions-nous du principe de précaution, entrés dans l’excès de précaution ? ». Une analyse qu’il n’est pas le seul à faire.

Les propos du ministre français des transports, Dominique Bussereau, viennent renforcer les tenants de cette thèse. Devant l’absence d’études précises, celui-ci se justifie en déclarant : « Je pense qu’en matière de sécurité aérienne, on ne prend jamais assez de précautions ». Une analyse fausse, qui souligne à quel point l’aversion au risque est devenue maladive dans une Europe vieillissante : sur Slate, Jean-Dominique Giuliani ajoute : « Si l’Europe veut affronter le XXIe siècle avec succès, elle doit réapprendre à mieux gérer le risque, sérieusement et en commun, voire à l’aimer et à en diffuser la culture, de l’entrepreneur individuel au ministre, du pilote au contrôleur aérien, c’est-à-dire à donner l’envie de prendre des responsabilités individuelles. Et, pour cela, éviter toute décision qui pourrait apparaître comme trop rapide, insuffisamment justifiée, voire arbitraire. » Toute activité présente des risques, et il convient de voir aussi les bénéfices que représenteraient une réouverture partielle de certains couloirs afin de résoudre la crise actuelle, alors que les extrêmistes à la CGT et chez SUD bloquent toujours le rail.

Certes, certains vols test menés il y a plusieurs jours ont mis à jour un endommagement des moteurs de F18 finlandais. Mais la concentration en particules n’est pas la même partout et ces problèmes n’ont pas été rencontrés ailleurs.

Par ailleurs, les compagnies aériennes sont les acteurs qui auraient le plus à perdre d’une réouverture trop précoce de l’espace aérien. En plus de l’impact humain, un krach ou un accident aurait des conséquences désastreuses sur l’image de la société et sur ses comptes. Elles n’auraient donc aucun intérêt à minimiser les risques d’une réouverture du ciel. Plus encore, on a du mal à imaginer que les syndicats de pilotes aient envie d’envoyer leurs membres à la mort...

Complément (12h40) : L’Association Internationale du Transport Aérien a fustigé les autorités européennes pour leur manque de leadership dans les décisions concernant les restrictions de vol après l’éruption volcanique intervenue en Islande en fin de semaine dernière, et presse pour une refonte du processus décisionnaire dans ce type de situation. L’organisation estime à 200 millions de dollars les pertes quotidiennes des compagnies dont les appareils sont cloués au sol, dans un contexte déjà tendu pour la profession. Le directeur général de l’IATA juge incroyable que les décideurs européens aient attendu 5 jours pour organiser une téléconférence sur le sujet, et estime que la décision de fermer l’espace aérien sur des modèles théoriques concernant les nuages de cendres n’est pas acceptable, notamment parce qu’elle a été prise sans concertation avec les compagnies.


Illustration : le nuage de cendres au dessus de Bergen en Norv

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