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Les éléphants d’Inde ne disparaîtront jamais

La tragédie des communs au Zimbabwe

vendredi 23 avril 2010

Quand nous voyons une espèce en extinction, une ressource surexploitée, un bois rasé, une rivière polluée, nous devons nous rappeler de Hardin et du fatal destin des biens communs. La propriété privée est la meilleure amie de la nature.

Dimanche dernier, 18 avril, on célébrait au Zimbabwe le 30e anniversaire de l’avènement de la nouvelle république qui donna le pouvoir à la majorité noire du pays. Triste anniversaire en vérité. Il y a 30 ans, le président tanzanien Julius Nyerere déclarait au futur dirigeant du pays, Robert Mugabe : « Vous héritez d’un joyau. Préservez-le ! » Depuis, le joyau a perdu de son lustre. Et l’euphorie a tourné au cauchemar à partir de 1997, quand Mugabe cèda, sur une affaire de pensions, devant des manifestations violentes de « vétérans » de la guerre d’indépendance et quand, après avoir perdu un referendum en 2000, Mugabe se tourna définitivement vers le populisme autoritaire et laissa ces « vétérans » envahir les fermes dirigées par des Blancs. Plus de 4.000 exploitants blancs quittèrent leurs terres dans la précipitation et la violence. S’ensuit, dans ce pays jadis grenier de l’Afrique, la chute du secteur agricole qui emporta toute l’économie. Vint rapidement l’hyperinflation qui atteignit des sommets inimaginables (officiellement, 237.000.000% par an en 2008) et la production tomba au point mort. Finalement, l’ancien exportateur alimentaire devint dépendant de l’aide internationale pour se nourrir.

Les deux images suivantes, fournies par Google Earth (via Center for Global Development et Ogle Earth) montre le contraste entre les terres communales et les parcelles privées exploitées commercialement par les Blancs aux alentours de 2000, avant et après la « redistribution » des terres. Il s’agit là d’une lumineuse illustration d’un phénomène classique expliquant en partie l’effondrement de l’agriculture du Zimbabwe : la « tragédie des communs » qui fait que les agriculteurs travaillant sur des terres communales ne sont pas incités à les maintenir en bon état et, avec le temps, laissent l’érosion les transformer en désert.

Avant la « redistribution » des terres (terres communales à gauche, propriétés privées à droite) :

Après la « redistribution » des terres (terres communales à gauche, propriétés privées à droite) :

« Ce qui est à tout le monde n’est à personne, » L’adage dit juste. On ne sait pas si Garrett Hardin le connaissait, mais il arriva à la même conclusion, sous un forme plus élaborée, dans son fameux article « The Tragedy of the Commons » paru le 13 décembre 1968 dans la revue Science.

L’idée qu’expose Hardin avait déjà été, dans une certaine mesure, approchée par Aristote et Saint Thomas d’Aquin. Et découverte à l’ère moderne par les économistes Armen Alchian et William Allen ainsi que par Ludwig von Mises. Mais ce fut Hardin qui vit son nom associé au tragique processus des biens mis en commun. Hardin illustre son propos avec « un pré ouvert à tous ». Tous les éleveurs voudront tirer profit de celui-ci. Mais tandis que tous emportent la totalité du produit de leur exploitation du pré, les coûts dérivés de cette exploitation ne sont pas assignés à ceux qui utilisent le pré, mais divisés entre tous ceux qui ont accès au pré communal dans un très clair processus de privatisation des bénéfices et de socialisation des pertes. Dans ces conditions, le désir de surexploiter la ressource n’est pas freiné par le coût induit par un usage excessif. Comme en plus, chacun tient le même raisonnement, tous se précipitent pour être les premiers à retirer le maximum possible, avant que la surexploitation n’épuise complètement la ressource et que personne ne puisse plus rien en retirer.

Il est impossible de minimiser l’importance des dégâts provoqués par cette catastrophique manière de gérer les biens. En Angleterre, la privatisation des terres communales, connue sous le nom d’enclosures, permit une énorme augmentation de la productivité des terres ; une révolution agraire qui précéda l’industrielle et rendit cette dernière possible. Et cela parce que la propriété privée, contrairement à la propriété communale, incitait à prendre soin de la ressource et faisait en sorte que celle-ci prenne de la valeur avec le temps.

Quand un malentendu couplé à un manque de coordination au sein des dirigeants communistes est-allemands laissa le champ libre à la population pour renverser le Mur de Berlin et ouvrir le Rideau de Fer, apparut aux yeux des Occidentaux la réalité de l’économie socialiste et de ses conséquences sur l’environnement. Un choc impossible à dissimuler. Aucun des pires scénarios catastrophiques imaginés par les écologistes et supposés dépeindre la dégradation du milieu dans le monde libre ne pouvaient suffire à décrire les dégâts causés à la nature dans les pays socialistes. Et c’est de la même manière que le verger et le grenier qu’était le Zimbabwe il y a 30 ans est devenu le désert actuel.

Et c’est en faisant exactement le contraire qu’au Zimbabwe toujours – alors que dans le même s’effondrait l’agriculture – furent sauvés de l’extinction les éléphants. Jusqu’à l’avènement de la république du Zimbabwe, ces animaux souffraient également des tragiques conséquences des biens communs : ils étaient libres et n’appartenaient à aucun propriétaire privé. L’État rhodésien veillait sur eux et la loi les protégeait. C’est-à-dire que n’importe quel lord anglais ou tout autre qui disposait d’un bon fusil et de l’argent pour soudoyer les gardes pouvait se consacrer à leur extermination, sans trop de soucis. Car s’il existe un stimulant économique – que ce soit le prix de l’ivoire ou celui de la peau de tigre –, ce qui doit arriver arrive. Toujours. C’est ainsi que durant la première moitié du 20e siècle, la population des éléphants chuta de manière alarmante. De manière très significative, depuis que les éléphants ont été « privatisés » – échappant de cette manière à la tragédie des communs –, c’est exactement le contraire qui se produit. Concrètement, le nombre d’éléphants ne dépassait pas les 30.000, il y a 30 ans ; aujourd’hui, plus de 60.000 pachydermes vivent dans la zone.

Maintenant, sur chacun de ces plus de 60.000 éléphants existe un droit de propriété appartenant aux communautés indigènes locales sur le territoire desquelles se trouvent les troupeaux. Cela signifie que celui qui désire, par exemple, prendre en photo les mastodontes doit s’acquitter des droits d’image correspondants aux propriétaires légaux. Mais cela signifie surtout que les mêmes incitants qui poussaient naguère les indigènes à coopérer avec les braconniers sont les mêmes qui les amènent, dans la nouvelle situation, à les pourchasser sans merci.

Les éléphants d’Inde, les taureaux de combat, les huîtres et les chevaux arabes ne disparaîtront jamais. Leur futur est assuré car n’importe quel être rationnel qui possèderait des droits de propriété sur eux se préoccupera, dans son propre intérêt, de garantir la survie de l’espèce. Et il le fera en utilisant le mécanisme des prix. Parce que dans une économie de marché, à la différence de ce qui se passe dans les systèmes socialistes ou dans les monopoles au sein du capitalisme, la fonction des prix est d’informer la société sur le coût des biens qu’elle consomme et sur leur rareté ou leur abondance.

Dans une économie de marché, les prix relatifs expriment toujours la vérité sur la disponibilité des ressources que la communauté veut utiliser. C’est pour cette raison que les chevaux de course sont chers et les poulets bon marché. Il en est ainsi car le prix d’un cheval de course ou d’un poulet inclut toujours le coût que représentera pour les entrepreneurs le fait d’acquérir un poulain ou un poussin pour poursuivre le cycle d’exploitation. Sur le marché, tout a un prix et un coût. Pour cette raison, il semble froid et déshumanisé. Quand on ne comprend pas son fonctionnement, on pourrait le croire sans cœur. Or il en a bien un, mais invisible. C’est pourquoi, quand nous voyons une espèce en extinction, une ressource surexploitée, un bois rasé, une rivière polluée, nous devons nous rappeler de Hardin et du fatal destin des biens communs. La propriété privée est la meilleure amie de la nature.

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