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Le nouveau modèle de développement économique, social, et écologique du Parti Socialiste
mercredi 28 avril 2010
Le Parti Socialiste s’est lancé depuis quelques semaines dans un cycle d’ateliers (participatifs évidemment) et de conventions diverses, visant à établir une plate-forme programmatique nouvelle pour les prochaines échéances électorales, et plus précisément pour l’élection présidentielle de 2012.
C’est Martine Aubry elle-même qui a donné le coup d’envoi de cette nouvelle étape intellectuelle ambitieuse du Parti Socialiste, lors de ses voeux du 12 janvier dernier :
« Nouveau modèle de développement économique social et écologique, chaque mot compte à mes yeux ! Nouveau, car personne ne se satisfera, ni dedans ni dehors, d’une pensée réchauffée. Modèle, parce qu’un catalogue de mesures techniques, aussi solides fussent-elles, ne saurait inscrire dans les faits l’offensive de civilisation que nous appelons de nos vœux. Développement parce qu’il s’agit encore et toujours de progrès humain. Economique, parce que sans économie réelle et sans une production adaptée aux besoins, pas d’amélioration pour les hommes. Social et écologique, car tel est l’horizon que nous assignons, nous socialistes français, à la social-démocratie du 21ème siècle : capital, travail, nature, les compromis qui fondent le contrat social doivent désormais faire la synthèse de ces trois facteurs. »
Le 19 avril dernier, un document de synthèse de 23 pages a été soumis au Comité de Pilotage de la Convention, reprenant les conclusions des 13 ateliers de travail qui ont eu lieu sur le propre réseau social du PS, la Coopol, et dans plusieurs villes de France.
Ce travail extrêmement ambitieux, visant comme son nom l’indique rien de moins que de refonder le modèle de développement de la société française et, nous le verrons, la société européenne, est soumis aujourd’hui même, 27 avril 2010, au Comité National du Parti Socialiste. Les premières informations qui nous parviennent semblent indiquer que déjà, le document de synthèse dont nous parlons ci-dessus a été modifié, amendé, dans le cadre de tractations entre courants du Parti. De plus, personne n’est encore sûr que le vainqueur des primaires de 2011 reprendra tout ou partie de cette plate-forme programmatique.
Toutefois, il nous a paru intéressant de commenter cette version préparatoire, puisqu’elle est issue de la base du Parti Socialiste, afin d’en analyser les premiers éléments, et les diverses modifications que les apparatchiks et autres éléphants auront apportées.
Une lecture approfondie de ce document nous permet d’affirmer que les idées contenues dedans se répartissent en quatre catégories, et nous n’allons n’analyser que celles-ci [1] : les pétitions de principes, les réformes qui existent déjà, les mensonges et omissions, et enfin le stupéfiant programme commun de l’UMP et du PS.
Les pétitions de principes
Ces pétitions de principes vagues reprennent quelques mots-clés de la gauche et de la gauche plurielle ou critiquant faussement sans réellement apporter de pistes de réformes claires. La "tyrannie du court terme", la "course au moins-disant social", la "spirale infernale de l’individualisme et de la marchandisation", le "bien-être plutôt que le tout-avoir", bref, ces innombrables expressions émaillant le document de synthèse n’ont d’autres fonctions que celle de remplir celui-ci de références de gauche, probablement pour mobiliser les troupes, à la manière de ce que font les églises de diverses religions avec leurs cantiques ou autres chants religieux.
Dans la même veine, il existe les anti-références, à savoir toutes les expressions portant une critique sur leurs adversaires politique de la droite, mais sans dire vraiment rien de précis : le "droit du travail est remis en cause", "ils ne touchent pas aux causes, dont ils sont responsables", "les services publics sont réduits", etc.
Ces références et anti-références de gauche ont probablement leur utilité en terme de team building pour le PS, mais pratiquement aucune pour les citoyens. Pourtant, elles représentent une part non négligeable du document de synthèse.
Inventer ce qui existe déjà
Il y a ensuite un certain nombre d’idées, qu’aucun citoyen ne pourra lire sans ressentir un profond agacement, étant donné qu’elles correspondent à des choses qui existent déjà, en voici quelques exemples :
« La France doit se doter d’un Pôle public d’investissement industriel (2P2I). Financé massivement, mobilisable rapidement, décliné territorialement sous forme de fonds régionaux d’investissement, adossé à la Caisse des Dépôts et Consignations, à la Banque de France, à la Banque Postale et à Oséo, ce pôle public de financement et d’investissement industriel sera un outil majeur du pilotage de la politique industrielle nationale. Pour que son rôle d’orientation et de pilotage soit effectif, il a vocation à investir dans une part significative de l’industrie française. »
Nul besoin d’aller chercher bien loin : une telle structure existe déjà puisque créée en 2008, le Fond Stratégique d’Investissement (entre autres) ;
« Nous voulons enfin une vraie politique industrielle en Europe et l’émergence de champions européens. La politique de la concurrence ne doit pas faire obstacle à l’émergence de véritables champions industriels européens et d’un tissu compétitif de petites et moyennes entreprises. Nous proposons aussi une Agence européenne de l’Innovation Industrielle (AE2I), adossée à la Banque Européenne d’Investissement (BEI). »
Au niveau de l’Union Européenne, on compte déjà le septième programme-cadre (7e PC) pour la période 2007-2013, qui est doté d’un budget de 50,5 milliards d’euros pour la recherche et l’innovation et le Centre commun de recherche (CCR), réseau reliant sept centres de recherche de l’Union européenne.
« Une réforme d’ensemble du système financier est donc une priorité essentielle. Pour y parvenir, les produits dérivés devront être limités, la régulation du secteur bancaire devra être renforcée (notamment par le durcissement des « ratios prudentiels ») ; les organes de contrôle et de supervision étoffées. »
Non seulement cette idée relève des prérogatives d’organisme existants (Commission bancaire, Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, comité des entreprises d’assurance, etc.) mais en plus, ceux-ci ont d’ores et déjà été fusionnés depuis janvier 2010 pour former la nouvelle Autorité de Contrôle Prudentiel.
Il existe encore d’innombrables exemples dans le document, comme la volonté d’indiquer la consommation énergétique des appareils électro-ménagers (déjà en place depuis de nombreuses années), la mise en place de l’accueil de la petite enfance (les places en crèches, publiques, privées, associatives, existent déjà), l’achat direct de denrées agricoles du producteur au consommateur (cf. les AMAP, déjà existants), etc.
Comment les électeurs peuvent-ils faire confiance à un parti qui passe son temps à réinventer l’eau tiède en présentant cela comme une rupture innovante majeure ?
Les mensonges et omissions divers
Ici, nous n’en citerons qu’un, mais qui est de taille, et peut donner une idée de ce que peuvent être les autres mensonges de ce document de synthèse :
« [D]epuis quelques années, force est de constater que le taux effectif d’imposition des grandes sociétés françaises reste très inférieur au taux nominal de l’impôt sur les sociétés et se situe aujourd’hui autour de 13%. Les entreprises moyennes acquittent en pourcentage plus que celles-ci, or ce sont elles qui embauchent et dont on doit encourager la croissance. »
En soi, cet élément est vrai et incontestable, toute la question est de savoir pourquoi existe une telle réalité : la raison s’appelle le Régime du Bénéfice Mondial Consolidé, régime fiscal de faveur accordé par décret d’Etat à quelques grandes entreprises Total, Areva, Saint Gobain, Thomson, NRJ, Sodhexo, Renault, Aventis, Vivendi, etc.). Le mensonge de ce document consiste à faire croire aux électeurs que le PS compte faire quelquechose contre cela [2] en oubliant de préciser que ce Régime existe depuis... 1979 et que depuis lors la gauche a gouverné pendant 15 ans le pays.
Comment les électeurs peuvent-ils croire que ce que le PS fera demain ce qu’ils n’ont jamais fait hier ?
Le programme commun UMP-PS
Enfin, la troisième catégorie d’idées peut paraître surprenante : ce sont les idées partagées avec l’UMP [3].
« Nous souhaitons l’équivalent d’un Small Business Act qui favorise les PME et l’innovation. »
Ce projet a été ardemment soutenu par Nicolas Sarkozy (et François Bayrou) durant la campagne présidentielle de 2007, le président en a également reparlé le 30 juin 2007.
« Ce peut être une chance si la puissance publique est capable de mettre en place des dispositifs concrets qui sécurisent enfin les parcours et qui améliorent les transitions. C’est le défi de la sécurité sociale professionnelle, qui est comparable, par son ampleur, à celui auquel étaient confrontés les concepteurs de la sécurité sociale en 1945. »
Encore une fois, Nicolas Sarkozy a promis une telle Sécurité Sociale Professionnelle durant sa campagne présidentielle, et a mentionné ce point dans la lettre de mission de son Ministre Christine Lagarde le 11 juillet 2007.
Enfin, la réforme la plus structurante :
« La réforme d’envergure que nous préconisons passe donc par la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG pour constituer un seul impôt progressif, prélevé à la source. »
Evidemment, cette proposition a également été émise par la droite, par exemple par Jean-François Copé récemment.
Cette quatrième catégorie permet selon nous de montrer de manière éclatante que les quelques idées originales présentes dans le débat public français sont partagées par tous les partis de gouvernement. D’aucuns en profiteront pour souligner la faiblesse de la politique française. D’autres expliqueraient que ces deux partis invoquent souvent des objectifs différents pour une même réforme [4].
Mais ce serait passer en réalité à côté de l’essentiel ; si ces idées sont les mêmes, c’est parce qu’elles ont la même source, le même producteur, à savoir la technocratie, la haute fonction publique française, à laquelle une écrasante majorité de politique appartient par ailleurs [5].
Sachant que le document que nous avons analysé est en cours d’amendement par le Conseil National du PS, composé en quasi-totalité d’apparatchiks issus de la haute fonction publique, on peut imaginer que les pétitions de principes, les propositions de projets déjà existants, les omissions et mensonges divers, mais surtout les identités avec les propositions de l’UMP seront encore plus nombreux.
Rendez-vous le 22 mai pour une présentation du document final aux adhérents du Parti Socialiste.
[1] Notamment, nous laisserons de côté les multiples contradictions du document de synthèse, dont la plus flagrante concerne la Politique Agricole Commune. On peut y lire à la page 9 ceci :
« Les politiques libérales de dérégulation ont obligé les agriculteurs à modifier toutes leurs méthodes de production pour aller vers du toujours plus, quand eux souhaitaient faire mieux et, surtout, vivre décemment de leur production. »
Et également cela, toujours page 9 :
« En Europe, cela pose avec encore plus d’acuité la question de la réforme de la Politique Agricole Commune, qui ne saurait être synonyme de démantèlement. La régulation des marchés et le maintien des quotas sont une nécessité. »
Les mauvaises langues diront que ces deux points sont contradictoires, les plus gentilles affirmeront qu’ils démontrent l’immense créativité du PS, capable d’inventer une réforme à la fois libérale (dérèglementation) et dirigiste (règlementation).
[2] Ce qui serait selon nous peu souhaitable toutefois
[3] Nous ne retiendrons que les trois plus emblématiques, en laissant de côté la proposition de créer un Fond Monétaire Européen, ou la mise en place d’une contribution Climat-Energie (appelée par la droite Taxe Carbone) ou les innombrables autres points communs entre la droite et la gauche française
[4] Par exemple, concernant la fusion de la CSG et de l’IR, la gauche cherche à « aboutir à une fiscalité plus redistributive », pendant que la droite souhaite « faire en sorte que tous les Français paient l’impôt [contre la moitié aujourd’hui, NDLR] et se sentent dès lors concernés par la maîtrise des dépenses et la lutte contre le déficit
»
[5] D’ailleurs, on notera que la proposition de fusion de ces impôts a immédiatement été suivie de la proposition de fusionner les services du fisc et de l’URSSAFF, conséquence technocratique de celle-ci.