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Karachigate : le vent du boulet se rapproche de Sarkozy
mercredi 5 mai 2010
Mon confrère blogueur l’Hérétique mentionnait très récemment le chiffre consternant de la fraude en France, estimée à 115 milliards d’euros (oui oui, milliards). Je me demande si les détournements de fonds divers et variés par les politiciens ont été comptés dans ce total. En tout cas, une chose est certaine : les montants du Karachigate ne sont pas encore imputés, tant l’affaire est complexe…
Et le mot “complexe” est, comme toujours en France dès qu’on vend des armes, un bien faible palliatif à une absence de mot dans le dictionnaire pour synthétiser facilement tout ceci :
* le bordel incroyable des commissions, rétro-commissions, empiffrages, gabegies, détournements, vols, combines et magouilles,
* les procédures bizarres de justice au déroulement toujours pleins de rebondissements dont les verdicts, généralement très cléments pour les politiciens, ne sont pas les moindres coups de théâtre,
* les pincettes tailles XXL avec lesquelles la presse traite ces sujets et seulement lorsqu’au moins l’un d’eux aura eu l’audace inqualifiable d’évoquer rapidement un problème dans un petit entrefilet dans les pages locales, entre les horaires de pétanque hebdomadaire au Domaine des Tilleuls et la rubrique Mots Croisés.
Il faut se rendre à l’évidence : si l’Etat Français a déjà maintes fois fait la preuve de sa parfaite incompétence à traiter moult sujets, il est en revanche passé maître dans l’art d’aller fourbir les arsenaux des quatre coins du monde, en se servant largement au passage. Et puis, c’est facile, c’est le moutontribuable qui paye.
Je n’évoquerais que très rapidement l’affaire des frégates de Taïwan, pour rappeler que cette vente d’équipement militaire date maintenant d’il y a presque 20 ans, qu’elle aura réussi à mouiller un nombre considérable de pontes du gouvernement, mais qu’elle continue à coûter des centaines de millions d’euros et au moins autant d’épithélium anaux de contribuables. M’est avis qu’on en entendra parler encore un moment ; les ventes foireuses d’armes, en France, c’est comme les taxes et les impôts temporaires : ça dure.
C’est dire si la vente d’arme par la France aura permis la construction de nombreuses villas avec piscines, ou de jolis postes au chaud sous les lambris de la Vème, à des douzaines de politiciens.
D’ailleurs, le récent empressement de la République Populaire du Bisounoursland à filer des thunes qu’elle n’a pas encore à une Grèce qui n’en a plus du tout s’explique aussi par de juteux contrats d’armement. Étonnant, n’est-ce pas ?
On se lasse de la répétition, mais ça ne l’empêche pas d’exister, têtue.
Et pour le Karachigate, c’est, encore une fois, la même musique, le même air, avec quelques variations sur thèmes, des paroles un peu différente, et un refrain nettement plus agressif : cette fois-ci, des gens en sont morts.
L’affaire défraye de façon très irrégulière la chronique tant le sujet est – passez moi l’expression – explosif : non seulement, on y parle de sommes considérables, dont un beau morceau aurait été versé au parti d’Edouard Balladur, elle y implique donc un ancien premier ministre, mais en plus, cerise sur le gâteau, Nicolas Sarkozy serait mouillé, qui à l’époque était le porte-parole de sa campagne et ministre du budget dans son gouvernement.
Je disais “de façon irrégulière”, parce qu’en réalité, on sent très nettement qu’au fur et à mesure que les remugles puants de la corruption remontent les niveaux, les pressions pour que la lumière ne soit pas faite s’amoncellent de toute part.
« Le rapporteur de la Commission d’enquête parlementaire a insisté sur les “blocages absolus” qu’il dit avoir rencontrés dans son travail d’enquête, déplorant que le pouvoir exécutif n’accède pas à ses demandes de déclassification de documents liés à la vente de sous-marins Agosta au Pakistan. »
Loin des considérations plus ou moins farfelues de groupuscules gauchistes réclamant niaisement la tête de Sarkozy parce qu’il a le mauvais goût, bien que socialiste honteux, de s’afficher de droite, l’affaire des sous-marins de Karachi pourrait constituer, de façon cette fois parfaitement légitime, une véritable raison de demander des comptes à l’ensemble de la chaîne de responsables mouillés, au premier rang desquels le chef de l’État. Il y a de quoi faire.
En un an, on a progressé puisqu’on est maintenant certain que Sarkozy était au courant des transactions fumeuses (et fumantes) que ces contrats d’armement représentaient. Seul l’enrichissement personnel est encore en doute. Mais il y a un an, alors que l’affaire commençait à enfler, j’écrivais déjà :
« On en vient en tout cas à se demander pourquoi la vie politique attire tant de monde, au point que certaines élections présentent tant de candidats que la vache à lait l’électeur ne sait plus où donner du bulletin et de l’impôt. On peut aussi rester dubitatif devant l’opulence dans laquelle vivent les représentants du peuple, opulence qui d’ailleurs perdure bien après leurs mandats. Et on peut aussi s’interroger sur l’origine des patrimoines des leaders politiques alors que ceux-ci n’ont jamais travaillé que pour l’État et que ce dernier a des grilles de salaires connues qui ne permettent pas, même de loin, d’aborder les montants joufflus des comptes en banque officiels de nos augustes représentants. On frémit de plaisir rien qu’en imaginant les coquettes sommes dissimulées à droite ou à gauche, dans ces paradis fiscaux que chacun dénonce et qu’ils sont pourtant les premiers à utiliser et qui sont autant d’affaires croustillantes en puissance. »
Ces questions demeurent.
Et les réponses sont laissées au lecteur à titre d’exercice.