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N’oublions pas les responsabilités des hommes de l’Etat
A propos des inondations à répétition
mardi 3 avril 2001
Ce qui est intéressant et tragique, c’est de voir la récupération étatiste et collectiviste de cette fatalité. Sur place, sans doute, de nombreux fonctionnaires font ce qu’ils peuvent, eux mêmes profondément impliqués. Mais l’État central, lui, comme face à la plupart des situations exceptionnelles se révèle, à la fois, impuissant, lâche, démissionnaire en fait, mais communicateur. Sur quoi l’État central communique-t-il ? Sur quoi ordonne-t-il aux médiats de disserter ? Sur la faute des individus, des particuliers, des petites collectivités locales, des intérêts économiques privés, dans une affaire où, au contraire, les pouvoirs publics ont joué un rôle écrasant.
Des crues majeures touchent la Bretagne en cet hiver 2000-2001. Elles sont certes consécutives à des précipitations assez exceptionnelles. Mais elles ont été aggravées par les modifications subies par les paysages et les sols bretons depuis plusieurs décennies. Tel est l’avis de la plupart des géographes et des spécialistes de l’eau. En Ille-et-Vilaine comme dans les autres départements de l’ouest de la France, les autorités ont souligné la montée rapide des eaux. Cela est inhabituel dans une région tempérée : c’est plutôt un phénomène observable dans les paysages méditerranéens. "Nos tranquilles rivières océaniques ont quasiment été transformées en torrents tropicaux", a ainsi déploré le 7 janvier Mme Annick Cléac’h, qui est de géographe et maître de conférence à l’université de Bretagne occidentale à Brest. "Entre octobre et décembre 2000, il est tombé autant d’eau en Bretagne qu’en une année habituelle", a-t-elle observé. Elle qualifie le phénomène d’exceptionnel, mais "ni anormal, ni forcément en rapport avec le réchauffement du climat" (dont on nous a récemment rebattu les oreilles).
Ces précipitations ont durablement saturé le sol en eau. Mais elles ne suffisent à expliquer ni l’étendue ni, surtout, la brutalité des crues. "L’homme", dit Mme Cléac’h, a modifié depuis plusieurs décennies le milieu naturel breton, créant plusieurs facteurs aggravants. Avec la disparition des talus et des haies au profit de larges champs plus accessibles au matériel agricole moderne utilisé dans l’agriculture intensive, ce sont autant de retenues d’eau qui ont disparu dans la seconde moitié du XXe siècle. Ces aménagements étaient inévitables dans l’optique du développement économique, "mais cela a été fait sans penser aux implications sur l’hydrologie" conclut notre géographe. Cette remarque est essentielle, si on n’y prend pas garde. Ce que Mme Cléac’h met en cause, sans la nommer ici, c’est la politique du remembrement ; Or, cette politique a été le fait de l’État, appuyé sur le productivisme agricole de la technocratie.
M. Michel Riou, animateur de l’association Eau et Rivières en Ille-et-Vilaine va plus lois. "Certains agriculteurs", dit-il, en drainant systématiquement les fonds de vallées, les prairies et les marais pour les transformer en terrains cultivables rentables, ont supprimé ainsi des "zones tampon" de retenue de l’eau. Le résultat est, en hiver, que les sols sont lessivés, que toute la terre descend dans les cours d’eau, qui se bouchent progressivement. Et l’été venu, les rivières sont à sec.
Mais ce drainage systématique et abusif, ce n’est pas le fait de "certains agriculteurs", c’est le mot d’ordre impératif du productivisme agricole, c’est-à-dire de l’État.
Un autre élément aggravant est relevé Mme Cléac’h : le développement de la culture du maïs en Bretagne. Il est récolté en octobre. Après la moisson, les terrains sont laissés à nu, et pendant tout l’automne les eaux s’écoulent sans retenue vers le fond des vallées ce que les géographes appellent le thalweg.
Cette culture du maïs, exotique en Bretagne, c’est aussi le résultat du subventionnisme. Mais Mme Cléac’h, géographe et non économiste, ne le remarque pas.
De plus, "les travaux de voirie, dans les campagnes et en ville, ont imperméabilisé le sol", a expliqué Mme Cléac’h. Quand on recouvre le sol de surfaces dures, l’eau s’écoule sans retenue. Et c’est d’autant plus sensible dans les villes bretonnes, souvent installées en bas d’un véritable entonnoir hydrologique, au fond des estuaires. Quand la marée et les vents de sud-ouest se mettent de la partie, tous les facteurs se réunissent pour des inondations de grande ampleur. Les travaux de voirie, ce sont avant tout ce qu’on appelle des travaux publics…
La conclusion de notre géographe est intéressante à épingler : "Avec six milliards d’êtres humains sur terre, dit-elle, il y a des contraintes. On ne déplacera pas les villes. Ce qu’on peut imaginer, ce sont des bassins de rétention en amont, mais il faudra alors se mettre d’accord avec des communes peu concernées par les crues. Jusqu’ici on a vécu à crédit. Ces aménagements coûteront très cher", a conclu Mme Cléac’h.
Précisons que les propos de Mme Cléac’h et de M. Riou ne sont pas seulement de libres opinions de personnes certes compétentes dans leur domaine. Ces déclarations ont été complaisamment diffusées, après tri, sur les médiats de toute la France, par l’agence monopoliste AFP. Le grand public va donc retenir que ce sont les intérêts privés et les petites collectivités locales qui portent la responsabilité des malheurs collectifs.
Le grand public ignorera que les grandes catastrophes écologiques de l’humanité, provoquées par la min de l’homme, ont toujours été le fait de l’étatisme. Depuis l’aménagement désastreux du Fleuve Jaune par la Chine impériale, dans l’Antiquité, jusqu’au barrage des Trois gorges en Chine communiste, en passant par le désastre écologique soviétique, et jusqu’à la destruction du bocage en France depuis 1945, tout cela incombe à l’État, à l’étatisme sous la conduite des hommes de l’État, technocrates et politiciens, aux frais des particuliers.