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Paul Krugman, la béatitude keynésienne
samedi 5 juin 2010
Le Prix Nobel expliquait ce jeudi à Interlaken le comportement que devait adopter les institutions européennes pour sortir de la crise. Selon lui, la BCE doit remonter ces taux d’intérêt lentement et surtout procéder « à une expansion massive de son bilan » en rachetant les titres trop risqués et à valeur trop faibles des PIIGS qu’il renomme par ailleurs « GIPSI » (sic !).
On comprend le raisonnement de Mr Krugman : la BCE va jouer le rôle de sauveteur, de prêteur en dernier ressort pour permettre aux Etats endettés de dépenser des fonds publics afin de relancer la croissance du pays. Le mécanisme est simple, l’Etat s’endette aujourd’hui pour injecter de la monnaie dans l’économie et cet excédent monétaire va être investi puis réinvesti en cascade dans l’ensemble des secteurs industriels puis tertiaire. C’est l’effet multiplicateur cumulé d’ailleurs à l’effet accélérateur. Fort bien.
Cependant, Mr Krugman oublie de nous expliquer sur quelle hypothèse repose cette politique simple et si efficace : la bêtise des gens ! Ou pour utiliser le terme économique consacré : l’illusion monétaire et la vision court-termiste des individus. En effet, pour que cela fonctionne, il faut que les hommes et femmes sur le marché se contentent d’utiliser l’excédent monétaire sans jamais se demander d’où il vient et comment il sera remboursé. Par ailleurs, il faut que les investisseurs et spéculateurs étrangers ne se posent aucune question quant à la situation financière de la BCE et aux risques d’inflation que présente une telle politique. Bref, il faut qu’ils n’observent que le présent et soient motivés par le gain immédiat et pire, le gain en valeur nominale (plus d’argent) et non le gain réel (un pouvoir d’achat de la monnaie plus faible du fait des risques et de l’inflation).
Malheureusement, nous avons vu dans les années 1970 que les gens ne sont pas bêtes, qu’ils s’adaptent et anticipent les changements futurs. Bien sûr, ils commettent des erreurs, mais la vérité est là : ils s’intéressent à l’avenir. Dès lors, deux phénomènes apparaissent.
1. La perte de confiance des acteurs sur les marchés financiers
Les spéculateurs s’interrogent sur la façon dont la BCE va « digérer » les achats de titres qui n’ont pas de valeur. Dès lors, ils demanderont des garanties plus élevés pour acheter des titres en euros, ou se montreront réticents à échanger des devises contre de l’euro. On retombe alors dans le piège de la chute de l’euro. (voir Pile je gagne, face tu perds !)
2. La création d’un comportement « opportuniste » pour les Etats endettés
Les Etats les plus endettés de la zone auront alors la garantie que peu importe leur comportement, ils seront sauvés par les pays de la zone ou par la BCE directement. Dès lors, un jeu pervers va naître entre les Etats de la zone. (voir FME et Loi de Gresham)
La BCE se retrouvera alors coincée avec des actifs sans valeur qu’elle aura pourtant acheté ! En réalité, elle aura donc simplement créé de la monnaie. Si les hommes et femmes sur les marchés s’en aperçoivent, ils le prendront en compte en considérant que ce n’est pas la richesse de la zone qui a changé mais simplement le nombre de pièces et de billets, c’est le début de l’inflation ou à tout le moins, de la perte de confiance des acteurs économiques dans l’euro.
En définitive, s’il existe quelques individus capables de comprendre ce que font les Etats et les institutions européennes, il semble que les prendre une fois de plus pour des idiots ne soit pas la bonne solution…
Voir aussi :
Taux de chômage naturel
Inflation
Voir en ligne : Paul Krugman, la b
Messages
1. Paul Krugman, la b, 6 juin 2010, 21:55
Article pertinent.