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J’accuse le Parti communiste chinois

mercredi 9 juin 2010

Andrei Sakharov, Nelson Mandela, Vaclav Havel, Lech Walesa, voilà les noms avec lesquels, dans les années 1980, il fallut nous familiariser : symboles, acteurs, puis vainqueurs de la résistance à des tyrannies bestiales. De notre Occident, intellectuels et politiques, nous leur avons apporté soutien et confiance : notre solidarité a contribué à la libération de centaines de millions d’êtres sur des continents et dans des civilisations que certains, adeptes du relativisme, jugeaient imperméables à la démocratie. Celle-ci n’était-elle pas qu’occidentale ? Tandis que l’Orient ou le Sud, par on ne sait quelle fatalité, auraient été dédiés au despotisme, au mieux éclairé.

Aujourd’hui, retenons les noms de Wei Jingsheng, de Hu Jia, de Liu Xiabo : ils sont, pour la Chine, les nouveaux Havel, Sakharov et Mandela, les héros d’une dignité à venir, celle qui jusqu’à présent est déniée à un milliard de leurs concitoyens chinois, hommes et femmes en quête des mêmes droits que nous : chinois, mais avant tout, nos frères et nos sœurs en humanité.

Ces Chinois ne seraient-ils pas satisfaits de leur sort ? Sous la tutelle bienveillante du Parti communiste qui leur a conféré le droit de s’enrichir, à l’exclusion de toute autre aspiration, spirituelle, politique et morale ? La croissance comme destin : ce discours-là, complice de la répression communiste, pétri d’ignorance historique et de sinophilie primitive, est devenu une vulgate en Occident, autant qu’en Chine. Ce non droit à la démocratie, assez bon pour des Chinois adeptes de la servitude volontaire, autorise nos sinophiles en quête de visa, nos affairistes en quête de contrat, nos politiciens en quête de flatteries, à se précipiter à Pékin, sans état d’âme, surtout pas d’états d’âme. Les « dissidents » démocrates, Wei Jinsheng, Liu Xiabo, Hu Jia ne seraient-ils que des égarés ? N’auraient-ils rien compris à la « Grande Renaissance chinoise », pour reprendre la terminologie bétonnée du Parti communiste ? Il n’empêche que ce gouvernement chinois, mieux averti que les Occidentaux, n’est pas dupe de sa propre propagande.

Wei Jingsheng ? En exil, après dix ans de bagne pour avoir clairement exprimé en langage populaire une aspiration générale à ce que l’on appelle là-bas « La cinquième modernisation », celle de la démocratie. Hu Jia ? En prison, rongé par la maladie, sans soins, cerné dans un bagne de Pékin par des prisonniers de droit commun. Son crime ? Avoir dénoncé la relégation des malades du Sida dans la province du Henan, et dénoncé la corruption d’apparatchiks qui détournent les médicaments offerts à la Chine par des organisations humanitaires. Liu Xiabo ? Condamné à onze ans de prison, incarcé dans un « Centre de détention provisoire » à Pékin, il lui est interdit de lire, d’écrire et de communiquer ni avec son avocat, ni avec Liu Xia, son épouse. Son crime ? Avoir publié sur le Web, une charte dite 08 (2008), réclamant l’instauration d’un état de droit en Chine. À eux trois, ils incarnent l’aspiration de la société chinoise, aussi ancienne que sa civilisation, à la dignité politique et morale.

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Voir en ligne : J’accuse le Parti communiste chinois


Article paru originellement dans Le Monde.

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