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Il y a privatisation et privatisation

samedi 12 juin 2010

Et voilà c’est parti : la Grèce annonce une série de privatisations. Pour les libéraux cela n’a rien de surprenant ni de révolutionnaire, c’est dans l’ordre des choses. Nos social-démocraties ont vécu largement au-dessus de leurs moyens (ou devrais je dire de nos moyens) et elles doivent maintenant vendre leurs bijoux de familles pour se renflouer.
Les libéraux devraient s’en réjouir ! Mais à bien regarder, pas tant que ça...
Ce qui pourrait poser problème n’est pas la production privée de biens et de services en tant que tel ; mais le processus de privatisation lui même.

De quoi parle-t-on aujourd’hui par privatisation ?

Rappelons un instant l’axiome centrale et principale de la pensée libérale (ou libertarienne) : la primauté de l’individu et de la propriété privée.

C’est l’individu et sa propriété privée qui sont souverains dans la société. Le corollaire de cet axiome est que toute chose (naturelle ou artificielle) est possédée par quelqu’un ; en conséquence il n’y a rien qui soit public ou collectif, car en ce bas monde toute chose (service, bien, terre etc..) qui a été produite l’a été par quelqu’un et il en est alors le légitime propriétaire. Toute propriété privée est légitime quand son acquisition n’a pas été faite par la force, en d’autres mots : volé.

Ce point là est fondamental et au cœur de cet exposé, car beaucoup d’économistes ont une approche trop utilitariste, « tant que ça marche et que ça apporte de la prospérité on continue ». Ainsi ils se réjouissent à l’idée de privatiser les biens et services par n’importe quel moyen, car ces derniers seront productifs et efficaces, ce qui est indéniable. Mais ils ne se concentrent que sur la supériorité d’une économie avec propriété privée des moyens de production. Ils éludent ainsi l’aspect moral des choses ; est ce que cette privatisation est légitime ? En d’autres termes a-t-on rendu le moyen de production (la poste, les transports etc...) à ses véritables propriétaires ?

Pour illustrer ce propos, revenons aux précédents cas de privatisations :
Prenons un exemple célèbre ; Renault. Renault au départ appartenait à une famille, c’était une entreprise privée, comme une boulangerie, et qui soudainement a été nationalisé au lendemain de la guerre, et cet acte de nationalisation est assimilable à un vol. Quel que soit le motif, bien public ou intérêt général, cela reste un vol, une spoliation, un pillage. On voit aujourd’hui notre Chavez faire de même avec sa bande de barbouzes en nationalisant les entreprises productrices de café de son pays.

Puis, pour diverses raisons on a privatisé l’entreprise, c’est à dire qu’on l’on remet l’entreprise sous un régime de droit privé. Si l’on suivait la logique libérale à la lettre, il aurait fallu rendre l’entreprise à son propriétaire légitime, c’est à dire les ayant droits de la famille Renault, sans que ces derniers n’aient rien à débourser.

Que s’est il passé en réalité ? On a divisé une partie de l’entreprise en un certain nombre de parts ou actions que l’on a mise en vente sur les marchés. Revendre quelques chose que l’on a volé, cela s’appelle du recel. Mieux encore, l’Etat reste actionnaire d’une partie de l’entreprise et en profite pour y placer ses « agents » à la tête de celle-ci. Le processus peut être encore plus pernicieux, non seulement les terres confisqués par l’ancienne RDA n’ont pas été rendue à ses propriétaires légitimes mais elles ont été racheté par les apparatchiks de l’ancien régime ; après le pillage des biens on procède toujours au partage du butin.

Mais qu’en est-il de ces entreprises qui ont été exclusivement créées par l’Etat ? Comment le processus de privatisation doit-t-il se dérouler ? Qui est le légitime propriétaire ? Et surtout qu’en est t’il des additions faites par l’Etat à l’entreprise qui a été nationalisé ?

Hans-Hermann Hoppe dans son célèbre ouvrage Democracy The God That Failed nous propose de façon limpide la solution à ce problème.
Je ne reviendrai pas sur la solution qu’il donne pour les entreprises de l’Union Soviétique et de ses pays vassaux où en théorie il y avait abolition du régime de propriété privée.

Je me concentrerai uniquement sur celui de nos social-démocratie où il y a coexistence de biens dit publics et de biens dit privés.

Il suffit tout simplement de reprendre l’axiome principal de la pensée libérale et de se poser cette question simple : qui est le légitime propriétaire du bien ?

On a déjà donné une partie de la réponse, le propriétaire originel dont l’entreprise a été spolié/nationalisé, mais qu’en est t’il des entreprises que l’Etat a crée ex nihilo ou des ajouts faits par l’Etat aux entreprises nationalisées ? L’État est selon les termes « propriétaire de l’entreprise » et qui finance l’État ? Tout simplement le contribuable. Ainsi le contribuable se trouve être le propriétaire légitime de l’entreprise public ou des segments ajoutés à celle ci quand elle a été nationalisé.
Ainsi c’est au contribuable que l’on doit restituer l’entreprise.

Mais comment procéder ?

En fonction de la contribution de chacun, c’est à dire par son taux d’imposition, qui définira sa part dans le financement de l’entreprise. On en déduira les allocations reçues, les subventions et les niches fiscales pour déterminer la véritable part de chacun qu’il a dans les entreprises d’État. Les fonctionnaires ne pourront être concernées, car ces derniers ne payent pas en vérité d’impôts (ils ne font qu’une rétrocession d’une partie du salaire que leur verse l’État... à l’État).

Ce n’est qu’après que chaque citoyen pourra disposer comme bon lui semble de ses actions, qu’il pourra alors revendre à des groupes financiers ou à de riches particuliers ou les garder. Ainsi le processus de privatisation aura été véritablement juste : il y aura eu retour du bien à son propriétaire légitime, qui dans notre cas est le contribuable.
Utopique ? Certainement, et aucun partie politique n’aurait l’audace d’inclure cette « privatisation » des biens publics dans son programme.

Mais cette réflexion n’en est pas moins essentielle, car elle rappelle à chacun que c’est le contribuable qui est le véritable propriétaire des biens de l’État et non pas les Hommes de l’État.

Car ce que l’on risque de voir dans les privatisations à venir (et qui risque d’être nombreuses), est un processus de redistribution de richesses entre puissants où des biens iront souvent à de puissants groupes financiers ou de riches et influents particuliers aux liens très étroits avec l’État,comme les banques qui sont des organismes paraétatiques (parfois même les acheteurs seront les hommes d’Etats eux même ou leurs proches) et où l’argent ira dans les mains de ces mêmes Hommes d’États en excluant complètement le contribuable dans cette opération frauduleuse.

La privatisation, et le libéralisme, sera alors de nouveau perçu comme un système inégalitaire fait uniquement pour les riches, dont la défense deviendra difficile.

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