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Taxe bancaire internationale : la bonne solution ?
mercredi 23 juin 2010
À l’approche du Sommet de Toronto qui aura lieu à la fin juin, les ministres des Finances du G20 n’ont à la bouche que quelques mots : réforme financière, resserrement de la réglementation, taxe bancaire. Il est clair qu’après la crise économique de 2008, les pays dont le système bancaire a été sauvé par l’argent des contribuables ont tout intérêt à rassurer leur population.
L’idée d’une taxe bancaire internationale était le fer de lance des pays européens et des États-Unis, notamment. Mais en raison de la résistance du Canada, de l’Australie, du Japon et d’un groupe de pays émergents, cette option avait été mise de côté. Jusqu’à ce que le couple Sarkozy-Merkel la ressuscite tout récemment. A l’approche du G20, France, Allemagne et Grande-Bretagne ont ainsi annoncé le lancement simultané d’une taxe bancaire le 22 juin. Cependant, pour le moment, chaque pays demeure libre de prendre les mesures qu’il jugera appropriées pour garantir la stabilité de son système financier.
Nombreux sont ceux qui considèrent que la taxe bancaire n’est pas une solution viable à la crise financière mondiale. En fait, cette taxe équivaut à demander à des riches de mettre quelques réserves dans une cagnotte, dans laquelle ils puiseraient s’ils perdent trop d’argent en spéculant sans discernement sur les marchés.
Il y aurait au moins deux effets pervers. D’abord, les banques auraient moins d’argent à investir ou à prêter pour faire tourner l’économie. Ensuite, pire : non seulement, cela ne les empêcherait pas de spéculer, mais la garantie de ce fonds, ou « filet de sécurité » collectif, inciterait chaque banque individuelle à moins bien gérer ses affaires.
De fait, cette option est fortement controversée. « Lorsque 20% des banques taxées sont américaines, comment justifier l’utilisation des fonds disponibles pour sauver un pays comme l’Argentine ? » questionne Patrick Leblond, professeur adjoint à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa. Par ailleurs, le Fonds monétaire international (FMI) possède déjà des réserves servant à gérer les crises financières mondiales.
En outre, la création d’un fonds de 90 milliards de dollars pour renflouer les banques en difficulté, en cas de crise, ne contribuera pas à empêcher l’emballement des marchés. Pour M. Leblond cette taxe est « politique ». Selon lui, « c’est plutôt la mise en place d’une réglementation vigilante, une bonne capitalisation et l’imposition d’un plafond en matière d’endettement qui permettra d’éviter une nouvelle crise ».
La solution canadienne... à valider
Le Canada, qui avait mené une véritable croisade contre l’adoption de la taxe bancaire, avait remporté une première manche dans les discussions concernant la réforme financière mondiale. Selon lui, cette taxe pénaliserait les banques et nuirait à l’économie canadienne, car contrairement à de nombreuses institutions financières de pays développés, les banques canadiennes n’ont pas eu besoin d’être renflouées par les contribuables. En réalité, elles détiennent un ratio de fonds propres plus élevé (au minimum 10%) que ne le requièrent les exigences minimales internationales de Bâle.
« Une taxe mondiale priverait l’institution financière d’une partie de ses fonds propres, versés dans un fonds externe ou dans les revenus généraux du gouvernement, minant sa capacité d’absorber des pertes, estime le ministère des Finances. La taxe pourrait aussi entraîner la prise de risques excessifs, étant donné l’existence d’une garantie de l’État en cas de défaillance d’une institution ». Pour le gouvernement canadien, le meilleur moyen de prévenir d’autres crises financières, c’est de s’assurer « que les institutions financières du pays possèdent un capital suffisant, que le recours excessif à l’effet de levier est atténué et que de solides mécanismes de règlement sont en place ».
Pour l’Association des banquiers canadiens, il ne serait « pas juste que les clients et les actionnaires des institutions financières du monde entier paient pour les plans de sauvetage d’une poignée de banques ». Selon l’association, seuls un secteur financier stable et une bonne gestion du risque peuvent garantir le succès.
Mais advenant une autre crise, comment le gouvernement canadien protègera-t-il le public contre les faillites bancaires et l’effet de contagion qui pourrait en résulter ? Sa proposition : utiliser des fonds propres d’urgence pour constituer un fonds de risque systémique intégré aux structures de capital des institutions financières, par l’émission d’instruments de dette.
« Grâce à cette méthode, le coût du risque serait assumé par les actionnaires et les détenteurs de titres de créance subordonnés plutôt que par les contribuables, ce qui réduirait ainsi le risque moral au sein du système bancaire », explique un porte-parole du ministère des Finances.
De fait, les titres de dette seraient convertis en actions ordinaires quand une banque se retrouverait en difficulté, ce qui contribuerait à diluer la valeur des actions existantes. Mais cette solution n’est pas encore au point, selon certains experts. « Ce n’est pas une panacée, souligne M. Leblond. Cette proposition est encore très imprécise ». Michael Bondy, de PriceWaterCooperhouse, ajoute pour sa part que l’effet déclencheur qui justifierait la conversion des obligations en actions reste à élaborer. « Il faudra aussi déterminer si tous les titres de dette ou une partie seulement - soit suffisamment pour restaurer le capital de la banque - seront convertis en actions ordinaires. »
Quoiqu’il en soit, le système financier international est à un tournant. Les contribuables ne devraient pas avoir à payer pour les erreurs des banquiers. C’est aux propriétaires et aux cadres des institutions financières de rendre des comptes. Il faut ainsi remettre la responsabilité au cœur du système, en annonçant clairement la fin des plans de sauvetage.
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