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L’OMC va de l’avant

Seattle a été une péripétie, pas une crise. Les cassandres se sont trompées.

lundi 7 avril 2008

Les temps ont changé et l’OMC est désormais au coeur d’un débat passionné sur le problème phare de notre époque : la mondialisation. Ses travaux bénéficient de la même couverture médiatique que le sport ou la politique nationale. On n’en parle plus qu’en termes de triomphe ou de désastre, de victoire ou de défaite, passant sans nuance d’un extrême à l’autre.

Les rouages du système commercial multilatéral n’ont pourtant guère changé. Les négociateurs des gouvernements passent toujours des heures enfermés entre quatre murs pour discuter jusqu’aux aspects les plus minimes des questions commerciales internationales. Mais ils le font désormais à la lumière des projecteurs et sous les feux croisés que suscite le sentiment de rejet qui se fait jour contre la mondialisation.

L’OMC occupe aujourd’hui le devant de la scène et je m’en félicite. Elle accomplit un travail important, et les décisions prises dans son enceinte affectent l’existence des hommes et des femmes du monde entier. Ce n’est que justice qu’elle ait à répondre de ses actes.

J’ajouterai à cela que nous n’avons rien à cacher. Bien au contraire, nous avons de nombreux motifs de fierté. Le système commercial multilatéral est un puissant instrument de progrès à l’échelle mondiale. Au cours des 50 dernières années, les échanges mondiaux ont été multipliés par 15 : cela a probablement contribuer à élever les niveaux de vie et à faire reculer la pauvreté partout dans le monde plus que tout autre mécanisme créé par l’homme. À elles seules les négociations d’Uruguay ont eu des retombées positives dépassant 240 milliards de dollars par an pour l’économie mondiale. Un retour sur investissements plutôt bon, quand la contribution annuelle des gouvernements au budget de l’OMC atteint péniblement 75 millions de dollars. L’OMC assure également aux entreprises un cadre stable et prévisible en formalisant les engagements de libéralisation des gouvernements. Elle gère enfin un système de règlement des différends qui facilite le règlement des désaccords commerciaux entre les gouvernements membres et leur évite de s’affronter directement.

Sans doute, et peut-être était-ce inévitable, l’OMC a eu du mal à s’adapter au nouveau contexte dans lequel elle opère. Et nous commençons seulement à concevoir les réponses aux nouveaux problèmes auxquels certains souhaitent, individuellement ou collectivement, que nous nous attelions. Les pressions qui s’exercent dans ce nouveau contexte expliquent dans une certaine mesure l’échec des efforts faits à Seattle, en décembre dernier, pour lancer un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales. Pourtant, malgré la vive déception suscitée par cet échec, ce n’est pas la première fois — ni vraisemblablement la dernière — que les ministres des échanges ne parviennent pas à se mettre d’accord. Les anciens du GATT se rappelleront la tentative avortée de lancer un nouveau cycle de négociations à Genève en 1982, ou l’impasse rencontrée lors des négociations de Bruxelles en 1990. Aussi bien les médias que nos détracteurs n’en ont pas moins présenté l’échec de Seattle comme la mort de l’OMC. D’une simple péripétie, on a fait une crise.

Les critiques se sont fort heureusement trompés et les sombres pronostics faits tout au long des six derniers mois se sont révélés infondés. L’OMC a survécu et c’est à grands pas qu’avance un très important programme de négociations.

Premièrement, nous avons lancé avec succès de vastes négociations sur l’agriculture et les services. Ces négociations se déroulent beaucoup mieux que certains ne le craignaient. Ces deux secteurs représentent à eux seuls plus des deux tiers de la production mondiale. Une nouvelle libéralisation des échanges dans ces domaines est porteuse d’avantages immenses.

Un seul exemple. Selon un calcul de l’OCDE, les consommateurs et les gouvernements des pays riches versent chaque année 350 milliards de dollars d’aides à l’agriculture. Cette somme permettrait aux 41 millions de vaches laitières de ces pays de faire une fois et demie le tour du monde en avion et en première classe ! Imaginez les bénéfices que chacun retirerait d’une réduction de ces aides.

Deuxièmement, nous avons conçu un important programme pour aider les pays les plus pauvres du monde à bénéficier plus largement du système commercial mondial. Ce programme prévoit un meilleur accès aux marchés des pays riches, une assistance technique accrue, et un renforcement de la coopération entre l’OMC et les autres institutions mondiales qui oeuvrent pour le développement, notamment la Banque mondiale.

Troisièmement, nous avons mis sur pied un mécanisme pour aider certains pays en développement à respecter des engagements auxquels ils ont souscrit à l’issue des négociations d’Uruguay. Ceci a été une des sources principals de désaccord à Seattle.

Quatrièmement, nous nous efforçons d’améliorer le fonctionnement de l’OMC, dont chacun des 137 membres mérite le respect tout en étant légitimement associé à nos travaux.

Enfin, et surtout, 30 pays, représentant plus de 1,5 milliard d’individus, souhaitent entrer à l’OMC. C’est la meilleure illustration de la confiance dont bénéficie notre institution, et nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour faciliter l -adhésion des candidats dans les conditions adéquates. La Géorgie — notre 137e membre, depuis le mois de juin — est la quatrième ancienne république soviétique à nous rejoindre. La Russie elle-même s’emploie activement à défendre son dossier de candidature. La Chine, la Croatie et Oman sont en voie d’adhérer à l’OMC cette année, ce qui donnera à notre institution une dimension véritablement "mondiale".

Grâce à toutes ces avancées, il règne aujourd’hui au sein de l’OMC un climat beaucoup plus encourageant et positif qu’il y a un an. Il reste encore beaucoup à faire et nous ne devons pas relâcher nos efforts. Cependant, sur le plan institutionnel, nous sommes véritablement en mesure de faire sensiblement progresser le programme commercial multilatéral.

Bon nombre de nos détracteurs préféreraient que l’OMC opte pour l’immobilisme. Ils considèrent que notre institution fait déjà suffisamment de mal. Nous sommes conscients des nombreux problèmes et critiques qui ont été soulevés à Seattle, et plus récemment à Washington, et nous nous efforçons d’y répondre sérieusement. Mais nous ne devons pas perdre de vue notre mission essentielle : améliorer le niveau de vie de l’ensemble de la population de nos 137 pays membres et des 30 pays candidats à l’adhésion.

MIKE MOORE, Directeur Général, Organisation Mondiale Du Commerce

Publié le 07 décembre 2000

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