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Du libre marché en Amérique

mercredi 8 septembre 2010

Échanges entre Daniel Rabourdin [1] et Damien Theillier [2]

La catastrophe sociale d’un siècle d’étatisme américain.

Daniel Rabourdin : Depuis 1980, l’Amérique s’est réveillée d’un siècle d’étatisme continu. Depuis 30 ans un retour de balancier s’opère. Pour la première fois quelque chose de décisif s’est passé en Occident : on a fait reculer l’État. Il faut dire que les américains sont allés bien avant nous et bien plus loin que nous dans l’expérimentation des thèses socialistes et soixante-huitardes. Depuis 30 ans, on a sonné la fin de la récréation c’est-à-dire la fin des immunités politiciennes, la fin de l’immunité morale des intellectuels, la fin de l’immunité financière des budgets publics, l’exigence d’efficacité des services publics, la remise à l’économie libre de nombreux secteurs. Dans cette progressive remise sur pieds, l’establishment a été profondément affecté. Les hauts fonctionnaires, les journalistes, les enseignants, les producteurs et les politiciens, comme tout le monde, ont du répondre de leurs actes.

Damien Theillier : Dans les années 60, la gauche entendait amener le paradis sur terre en prenant l’argent des uns pour le donner aux autres. Elle a en fait dégoûté les Américains sur trois points : 1° ils en ont eu assez d’être taxés, 2° ils ont rejeté les orientations que les fonctionnaires avaient décidées sans eux, 3° ils en ont eu assez de voir l’inefficacité des projets entrepris avec leur argent. La prise de conscience a commencé avec la faillite partielle de la ville de New York en 1975 qui a eu l’effet d’une bombe. Par suite, la victoire de la « Proposition 13 » en 1978, adoptée par référendum en Californie, a mis fin à l’augmentation des impôts par le gouvernement sans autorisation populaire. C’est le début de la « révolution conservatrice ».

D. R. : A mesure que les observations des historiens et sociologues du XXème siècle prennent forme, nous savons désormais, de manière empirique, qu’il existe une corrélation entre le « Tout-État » et la misère humaine. Alors qu’en 1960 la majeure partie de l’assistance publique n’existait pas, seulement 2% des enfants blancs et 22% des enfants noirs naissaient hors mariage. En 1991, après les millions de dollars consacrés par les gouvernements, les chiffres des enfants sans foyer unis ont enflé pour atteindre dans chaque communauté 22% et 68%. D’un côté des interventions de l’État, sans cesse en augmentation, de l’autre des maux sociaux en hausse. Accroissement des rouages sociaux étatiques, effacement des réflexes sociaux naturels (parents, amis, famille). La conclusion des sociologues est claire : plus l’État s’insinue dans la vie des gens, plus les mécanismes naturels se grippent et plus leurs difficultés s’aggravent.

D.T. : Pendant toutes ces années, les Américains ont déversé 300 milliards de dollars par an dans l’aide sociale de l’État, sans aucun résultat probant. Comme la sagesse populaire le pressentait, à mesure que les punitions se sont réduites, les crimes se sont accrus. C’est à peu près la même logique qui régit le déclin des connaissances à l’école : plus l’État s’y investi, plus les résultats chutent. Il y a désormais 90 millions d’illettrés aux États-Unis dont la plupart sont pourtant passés par l’école. Mais il sont passés par l’école publique, une école « sympa » mise en place par la gauche dans les années 60 : notes généreuses, égalitarisme des résultats, méthodes globales, mathématiques dites modernes.

« Do it yourself »

D. R. : La rébellion est venue d’Américains qui ont voulu remplacer ce « Tout-État » par un « plus de citoyens ». C’est un nouvel état d’esprit qui s’est diffusé. Dans l’aide aux plus démunis, pour prendre un exemple, ces hommes et ces femmes ont voulu enlever le fonctionnaire qui faisait du social, pour y remettre l’ami ou le grand-père qui sont le social. Dans les secteurs où le gouvernement centralisé avait tout normalisé, des Américains se sont aperçus qu’ils pouvaient faire bien mieux, notamment dans les domaines de l’emploi, de l’éducation et de l’aide aux pauvres. Une nouvelle évidence politique a pu se dégager : le gouvernement doit céder de son pouvoir. De plus en plus d’initiatives sociales et politiques ont été prises par des associations de familles, des associations d’entreprises, des syndicats spontanés ou des églises. Ce sont des institutions d’autorité naturelle, des institutions plus proches de l’homme, celles qui sont les plus compétentes à leur niveau.

D. T. : Le revirement de civilisation en Amérique a été surtout visible dans un ras le bol vis à vis de ce « Tout-État ». C’est encore ce ras le bol qui s’exprime aujourd’hui avec le Tea Party, ce mouvement spontané de révolte contre la hausse généralisée des impôts ou la sécurité sociale obligatoire décidée par Obama. Aux États-Unis il existe une culture des lobbies, ces groupes de pression par lesquels les citoyens, pour se faire respecter, font entendre constamment et bruyamment leur voix. Un mouvement comme le Tea Party, permet au citoyen de retrouver une plus grande autonomie par rapport à l’establishment. Les grands partis s’en mordent les doigts. Ils aiment « gérer » les masses. C’est pourquoi ce mouvement est systématiquement accusé de populisme, voire de racisme par les partis au pouvoir et par les médias, en France, comme en Amérique d’ailleurs.

D. R. : Les gens n’attendent plus qu’on décide pour eux de ce qu’ils doivent apprendre, de l’information qu’ils doivent recevoir et des films qu’ils doivent aimer. Après la pensée unique, ils ont élaboré une information alternative. EWTN en 1982, puis Fox News en 1996, font partie de ces nouveaux médias qui ont révolutionné le paysage culturel et politique. Après la violence scolaire, ils ont mis sur pied une école à la maison. Désormais, des parents veulent savoir « comment » faire la classe à leurs enfants, des citoyens veulent savoir « comment » faire avancer un projet de loi, des adolescents veulent savoir « comment » être émotionnellement équilibrés. La même tendance à la personnalisation se retrouve dans l’industrie du livre. Les rayons appelés « self improvement » (« s’aider soi-même ») prolifèrent. Chaque semaine en Amérique, des milliers de livres du genre sont vendus.

Un libéralisme matérialiste et mercantile ?

D.T. : En Europe, on désigne souvent l’économie libérale comme la cause de tout mal. Le dollar engendre tous les vices. D’innombrables théories sont mises au point pour détourner les Français de ce capitalisme qualifié de « matérialiste », « hédoniste » et « mercantile ». L’intellectuel Européen, qu’il soit conservateur ou progressiste, n’est pas seulement irrité par l’ « american way of life », il la rejette en bloc. Et pourtant, nos ancêtres ont fait eux aussi du commerce. C’est peut-être même lorsque leur commerce marchait le mieux que notre culture était la plus brillante.

D. R. : Aujourd’hui en France, on va jusqu’à diaboliser les professionnels indépendants : ces docteurs, ces pharmaciens, ces cordonniers même, ou ces boulangers. Trop indépendants, trop passionnés par leurs affaires, trop heureux peut-être. On décide donc de les taxer. Pas trop cependant pour qu’ils continuent à aimer leur métier et à verser les impôts qui entretiennent le reste de la société. Les travailleurs « indépendants » et les entreprises sont les vaches à lait méprisées de nos sociétés.

D.T. : Parce que le libre marché fournit des richesses, il permet aussi à la bonté de s’exprimer à travers les œuvres de charité. Parce que le libre marché pousse les individus à se prendre en main, il permet un grand courage de vie et une grande religiosité face au destin.

Une société violente ?

D. R. : En France la violence du Tout-État est une forme d’oppression pour les plus modestes. Il y a la police de la pensée : la Halde. Il y a la police du travail : l’Urssaf. Le petit commerçant, n’a pas le droit d’embaucher ou de licencier comme il veut et qui il veut. Il y a la violence syndicale, il y a la violence fiscale, celle qui spolie les riches et qui les désigne à la vindicte publique (pensez à ce qui est arrivé à Madame Bettencourt, première fortune de France, au mois de juillet 2010). Simplement cette oppression est plus ou moins masquée par le fait que la plupart des français aiment ce carcan du « Tout-État » et ne se rendent pas compte que c’est un carcan. Ils y sont habitués, comme un troupeau de moutons suit son berger.

D. T. : Le libre marché est un système social qui encourage d’abord ceux qui vivent vertueusement à continuer à vivre de la sorte. Dans ce système ils auront de fortes chances d’être récompensés. Mais dans ce système, le crime y est aussi fortement découragé par la punition, y compris par la peine de mort. Certes, le taux d’emprisonnement est très élevé aux USA. Huit fois plus élevé qu’en France. Beaucoup dénoncent la cruauté de ce régime, notamment pour les plus pauvres. Mais il faut bien souligner que le crime en Amérique recule depuis les années 90, c’est-à-dire depuis que le laxisme pénal des années 60-70 a pris fin. Il y a un mythe qui est soigneusement entretenu par la gauche autour de cette question de la violence aux USA. La grande majorité des violences commises par armes à feu concerne les règlements de compte entre gangs rivaux et ce sont les pauvres, les familles noires elles-mêmes, qui sont les premières victimes de la criminalité.

D. R. : En Amérique dans la plupart des villes, les fenêtres n’ont pas de barreaux, les portes ne sont pas blindées. Les assureurs ne l’exigent pas, comme en France. Pourquoi ? D’abord parce que les voleurs et les criminels sont en prison aux USA et qu’ils paient le prix pour leurs fautes.

D.T. : Alors qu’en France, avec le jeu des libérations anticipées, des programmes de réinsertion et l’indulgence des juges, il y a peu de chance de se retrouver en prison. Quand elles ne sont pas prononcées avec sursis, les peines sont divisées par deux. Le plus souvent elles ne sont pas exécutées. Résultat ? Tout le monde a peur et se barricade. Les maisons deviennent des prisons. On sait que les voleurs et les criminels sont en liberté dans la nature.

Les caractéristiques de l’American Way of Life

D. R. : Il y a dans ce milieu américain, si empreint de liberté, des attributs que l’homme juste peut relever : la courtoisie dans le service, une propension au contact humain et à la vie, une joie partagée et un bonheur sans complexe. Le dynamisme, le sourire et l’entrain des américains contrastent avec l’ennui, la grisaille et le « je-m’enfoutisme » de beaucoup de Français. Il y a aussi l’inventivité continuelle des hommes et des femmes de cette société. Pour celui qui n’y est pas accoutumé, c’est même une anomalie. Comment se fait-il qu’avec si peu de culture (d’après ce qu’on dit !), la population de ce pays fournit au monde tant de nouveaux produits et de nouvelles techniques mais aussi tant de nouvelles vertus ?

D.T. : C’est aussi un état d’esprit qui n’a rien à voir avec le mode de vie étatisé des Français. En Amérique, les hommes et les femmes ont l’initiative de leur vie. Ils sont libres de mener leur vie comme ils l’entendent, dans la mesure où ils ne commettent pas de crimes. Là-bas, il y a beaucoup moins d’obstacles à l’action individuelle que partout ailleurs. Il y a des balises, des zones rouges certes, mais pas de rail pour dire comment on doit faire les choses. Chacun peut faire son chemin en sachant qu’il doit rendre des comptes s’il franchit la zone rouge du respect d’autrui.

D. R. : Le libre marché n’est pas un système théorique, ni une idéologie, c’est la vie. Et la vie est imprévisible mais c’est ce qui fait qu’elle est belle. Vouloir tout planifier à l’avance, c’est tuer le mystère, la surprise. Les sociétés qui laissent s’épanouir cette vie, qui laissent l’intelligence développer sa créativité, sont des sociétés qui avancent. Le progrès vient de ces sociétés. Si une société veut planifier l’innovation elle ne réussit qu’à la stériliser. Planifier l’innovation est une contradiction. L’innovation c’est ce qui est imprévisible, ce qui surgit de la recherche, de l’observation, des besoins. Quel fonctionnaire aurait été capable d’inventer l’Internet ?

Se libérer du carcan de l’État social

D. T. : L’État fournit un cadre juridique qui permet d’arbitrer les conflits. Mais il ne doit pas décider de la taille des prises de courant. L’État qui prétend faire le bonheur des gens à leur place avec leur argent, l’État qui prétend éduquer les enfants à la place des parents, qui prétend connaître quels légumes on doit manger et quels films on doit voir est un carcan dont il faut se libérer.

D. R. : L’Etat social est censé protéger les gens mais il les emprisonne en anéantissant toute forme de responsabilité et d’initiative individuelle. On ne se sent pas concerné par les besoins d’autrui. On s’attend à ce que l’État s’occupe des sans-emploi, à ce qu’il loge nos grands-parents et offre l’argent pour payer les cartables de la rentrée. On ne le fait plus de soi-même. Un vrai retour à nos responsabilités passe par la possibilité de reprendre à l’État l’initiative dans nombre d’activités humaines. Et cela passe nécessairement par la possibilité des citoyens de placer leur argent dans les œuvres qu’ils veulent. C’est la solution, non seulement en matière de prévention du crime mais aussi en matière d’éducation, de politique des naissances et de chômage. Dans tous ces domaines, la situation demande que l’État recule et que l’homme avance.

D.T. : Laisser plus de liberté aux gens, c’est d’abord leur laisser une plus grande partie du fruit de leur travail et réduire ainsi les taxes énormes qui amputent leurs salaires. Mais réduire les impôts, c’est nécessairement aussi réduire les activités du gouvernement. Car si l’on veut réduire ses rentrées d’argent, il faut réduire ses sorties, ses dépenses. Cela veut dire réduire les programmes gouvernementaux, laisser à la nation réelle l’occasion de reprendre l’initiative qui lui avait été confisquée.

D. R : L’énergie d’une nation peut être absorbée par l’État... ou par la population. Si elle reste dans la population, elle est en général plus efficace, mieux répartie et plus productive. Une fois l’État ramené à ses fonctions de base, une fois débouté des autres secteurs de la vie, il devient possible de redonner aux mécanismes naturels de solidarité toute leur place. La question n’est donc plus de savoir comment l’État peut remplir ses tâches mais plutôt si ces tâches doivent bien être remplies par lui.

Les cobayes de l’Affirmative Action

D. T. : Le discours dominant de « l’industrie sociale » pendant un siècle a été premièrement que le pauvre était une victime et deuxièmement que celui qui devait le secourir était l’État. Premiers bénéficiaires, de la politique sociale étatique, les noirs en ont été aussi les premières victimes. En Amérique les noirs sont parmi les plus pauvres mais paradoxalement beaucoup de leurs intellectuels sont les plus ardents accusateurs de ce Tout-État. C’est le cas par exemple de Thomas Sowell. Selon Sowell, après avoir souffert de l’esclavage, les noirs ont été, en Amérique, les principaux cobayes des expérimentations sociologiques du XXème siècle : emplois assurés, santé surveillée, hébergement bon marché, intelligences prises en charge par l’école publique et les programmes sociaux pour jeunesse à risque. Aujourd’hui, les noirs réalisent que cette pitance bureaucratique est peut-être ce qui leur a fait le plus de mal : 70% des prisonniers en Amérique sont noirs, 68% des enfants naissant hors du mariage le sont aussi. (Voir aussi ici)

D. R. : Veut-on tuer un peuple ? Tuons son âme ! Pour cela épargnons-lui la peine de mettre en œuvre ses forces intérieures (dans le labeur, dans la création d’entreprises, dans la responsabilité parentale, dans la solidarité). Épargnons-lui, en somme, la peine de se prendre en charge, donnons-lui gratuitement ce dont il a besoin : logement ou allocations. Bientôt nous aurons éteint ce qu’il y a de plus vital en lui, non pas le corps mais la flamme intérieure. On a vu cela dans les pays de l’Est, on retrouve ce même regard éteint chez les noirs des ghettos, dans les réserves indiennes d’Amérique et, plus près de nous, chez les chômeurs à long terme. La vraie prise en charge des plus défavorisés passe nécessairement par l’effacement de l’État car l’État déséquilibre l’écologie de l’entraide. Il n’a aucune exigence à l’égard des bénéficiaires, il coûte plus cher et absorbe les revenus des citoyens qui auraient autrement donné de leur attention, une attention plus efficace.

Le homeschooling : un refuge de civilisation

D. T : Initialement d’origine protestante et religieuse, le mouvement du homeschooling gagne des familles de tous les milieux, y compris parmi les immigrants. Aujourd’hui on estime à deux millions le nombre d’enfants scolarisés à la maison. Un sondage réalisé par le Département de l’Éducation en Floride a montré que les 3/4 des parents enseignants à la maison le font à cause des niveaux scolaires désastreux de l’école publique et d’une ambiance malsaine. C’est aussi une alternative pratique au coût parfois prohibitif des écoles privées.

D. R. : Dans une société où les structures étatiques ne défendent plus de valeurs culturelles traditionnelles, les familles font un effort personnel pour retrouver leurs racines. Une fois qu’elles ont repris le contact, elles ne veulent plus voir leurs enfants retourner au « grand vide ». Par la force des choses, elles sont incitées à éduquer leurs enfants chez elles. Cela semble un mouvement de fond, inévitable pour les années qui viennent. Après tout, là encore, pourquoi donc serait-ce au gouvernement de décider ce que doivent savoir les enfants ?

D. T. : Les écoles à la maison protègent les enfants de professeurs qui œuvrent délibérément contre les valeurs de leurs parents. Face aux éducateurs sociaux, face aux instituteurs, parfois même face aux clercs, les écoles à la maison remettent à jour une priorité : les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Cette mise à l’écart des enfants au sein du foyer est indispensable pour leur permettre de cultiver leur propre identité. Naturellement cet isolement ne doit durer qu’un temps.

D. R. : Le père Joseph Fessio, théologien de réputation mondiale, a jeté sur le sujet un éclairage historique : « L’école à la maison est un signe d’espoir. En Europe, au temps des invasions, les moines abritèrent la civilisation pour un temps. Lorsque le calme fut revenu, la société médiévale put s’épanouir, en ressortant des bibliothèques de ces moines toutes les connaissances préservées. Pour moi, à l’aube du troisième millénaire, ces milliers d’écoles à la maison sont les monastères d’un monde troublé. Elles vont abriter les prochaines générations et des êtres formés ressortiront quand le calme sera revenu. Les maisons-écoles sont les graines de tout possible renouveau ».

Le retour de la Culture avec un grand "C"

D. R. : Ces dernières années aux Etats-Unis, ont vu se dérouler trois grandes révolutions culturelles :
- le homeshooling qui a permis de briser le monopole de la caste enseignante,
- Les talk-show hosts (Rush Limbaug, Glenn Beck) qui ont bousculé l’hégémonie des journaux de 20 heures, avec leur style direct, sans langue de bois,
- l’Internet, enfin, qui a permis aux individus d’échanger l’information sans passer par les agences de presse. L’information numérique a notamment permis à la nation réelle (syndicats professionnels, entreprises, associations de familles ou œuvres de charité) de se passer de la nation artificielle (médias, partis idéologisés, entreprises publiques).

Ces trois éléments qui vont puiser dans la population, et non dans l’establishment, la matière des idées nouvelles, ont réussi à provoquer un appel d’air favorable à une nouvelle culture, pluraliste et populaire. La population étant plus variée que les quelques centaines de créateurs "accrédités", une réelle diversité a pu en effet émerger aux Etats-Unis.

D. T. : En regardant ce qui s’est passé aux Etats-Unis et ce qui continue de se passer avec le Tea Party, je me dis qu’il reste heureusement en France quelques raisons d’espérer. Jusqu’à aujourd’hui, l’opinion publique était façonnée par la classe médiatique et culturelle, opposée aux valeurs de la société civile. Aujourd’hui, les règles du jeu commencent à changer. Les élites au pouvoir sont discréditées, les intellectuels ont perdu leurs privilèges, la presse est en faillite. Le moment est venu pour la société civile de s’engager sans complexe dans la formation de l’opinion publique pour influencer le pouvoir. Elle peut le faire à travers des référendums spontanés, des pétitions, des boycotts, des blogs, des manifestations actives, des créations artistiques, des think tanks…

D. R. : Un retour de la population dans la maîtrise de l’économique et du social, ainsi qu’un renvoi de l’Etat à son rôle d’arbitre, constituent en effet le seul terrain favorable à l’émergence d’une culture populaire et d’une vraie liberté.

D. T. : On retrouve ainsi un principe évident : plus le gouvernement laisse les citoyens se gouverner eux-mêmes, mieux il gouverne. C’était l’idée de Jefferson : « Gouverner mieux c’est gouverner moins ». Et le pouvoir ne peut le faire qu’en rendant au peuple l’initiative de la vie économique, de la vie culturelle et de la vie sociale. Il le fait quand il se cantonne à ses vraies responsabilités : celles de l’arbitrage à l’intérieur du territoire et de la paix à l’extérieur.


Article repris depuis le blog de Nicomaque avec l’aimable autorisation de son auteur.


[1Daniel Rabourdin a fait des études de philosophie à Paris puis des études de journalisme à San Francisco avant de devenir producteur pour la chaîne de télévision catholique internationale EWTN. Il vit en Alabama depuis 15 ans.

[2Damien Theillier est professeur de philosophie à Paris et voyage régulièrement aux États-Unis.

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