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Quel avenir pour l’assurance-chômage ?
mercredi 7 juin 2000
Fondamentalement, l’assurance chômage cherche depuis sa création le bon équilibre entre deux objectifs contradictoires : d’une part, éviter qu’un travailleur sans emploi ne se trouve dans une situation financière socialement insupportable (problème de l’indemnisation) ; d’autre part, faire en sorte que la différence de situation entre le non-emploi et le travail reste suffisamment significative pour laisser une place à l’effort individuel de recherche d’emploi.
Ce faisant, les prestations de chômage reçues par les uns doivent être payées par les autres, contribuables ou actifs employés. Donc l’indemnisation du chômage est une forme de contrat entre la société qui impose à tous un régime de cotisations obligatoires et la personne qui recherche un emploi (1). Seulement voilà, les termes de ce contrat n’ont jamais été clairement établis. Malgré son nom, le régime d’assurance chômage s’est en fait constitué par couches successives comme un régime d’indemnisation. Ce qui explique peut-être sa médiocrité, et plus largement la médiocrité du système français de recherche d’emploi. Il y a environ 2 millions d’emplois non pourvus, en même temps que 2,5 millions de chômeurs. Par conséquent, la somme des demandes d’emploi et des offres d’emploi non satisfaites à un moment donné, le mismatch du marché du travail, est de 4,5 millions, soit un tiers de l’emploi marchand !
C’est pourquoi la problématique de l’activation de l’assurance chômage au service d’une politique de retour à l’emploi devient incontournable. Plus exactement, c’est à un renouvellement de cette problématique qu’il faut s’atteler. En effet, dès la création du Fonds national du chômage (1914) ou de l’UNEDIC (1958), l’activation du régime était mise en avant comme une nécessité. Des prestations de chômage ont ainsi été versées aux jeunes ou aux agriculteurs qui n’avaient pas cotisé, dès lors qu’ils cherchaient un emploi dans les secteurs en croissance. L’objectif affiché par l’UNEDIC était bien d’accompagner la mobilité professionnelle et non de rester cantonnée à une indemnisation passive.
C’est dans les années 1980 que le discours sur "l’activation des dépenses passives" refait surface. Mais dans un contexte fort différent. En effet, comme le rappelle Carole Tuchszier, de l’IRES (Institut de recherches économiques et sociales), ce discours s’accompagne alors d’une réduction importante des droits des chômeurs, particulièrement marquée pour les précaires, les jeunes et les chômeurs de longue durée. Pour eux, l’"activation" préconisée par l’UNEDIC n’a guère de sens, puisqu’ils sont majoritairement privés du droit à l’assurance chômage : ces chômeurs sont renvoyés vers d’autres dispositifs gérés par les pouvoirs publics.
Mais a contrario une autre catégorie a été épargnée par les réductions de droits indemnitaires : les chômeurs de plus de 55 ans ayant cotisé longtemps au régime. Pour eux, le taux de couverture est demeuré très élevé, près de 90 %. Mais la logique n’avait strictement rien d’active puisqu’il s’est agi de les inciter financièrement à se retirer du marché du travail en les dispensant de rechercher un emploi. Ne restent finalement que les salariés déjà bien insérés dans l’emploi, licenciés depuis peu de temps : seule catégorie qui, jusqu’à présent, a été concernée par les mesures d’activation de l’UNEDIC.
On voit bien les limites d’une telle politique : peu développée quantitativement et concentrée sur les catégories de chômeurs les moins en difficulté. Peut-on parler de politique "active" de l’emploi dans de telles conditions ? Certainement pas.
Il nous semble donc, nonobstant les polémiques tripartites MEDEF/FO et CGT/gouvernement, que la réactivation - nécessaire - de l’assurance chômage imposera que l’UNEDIC réintègre dans sa politique indemnitaire le "risque précarité" auquel sont exposés les salariés précaires, les jeunes et les chômeurs de longue durée.
Notes
1 : Cette forme peut être qualifiée de contrat collectif implicite, par opposition aux contrats individuels implicites en vigueur dans les entreprises jusque dans les années soixante-dix, selon l’analyse néo-keynésienne. Voir entre autres P. Rosanvallon, La Nouvelle Question sociale, Seuil, 1995.