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Quelques réfléxions sur la réforme de la justice

mercredi 7 avril 1999

Notons tout d’abord que de tels propos paraissent pour le moins simplistes : les procureurs sont des magistrats, c’est certain, mais ce ne sont en rien des juges. Etre juge, c’est exercer une certaine fonction, ce n’est pas disposer d’un certain statut. Or les procureurs ne tranchent pas les litiges ; ils exercent seulement l’action publique. En somme, le rôle des procureurs est un élément non de la fonction judiciaire, mais de la fonction exécutive ou gouvernementale.

D’autre part, et c’est également un présupposé tenace, on affirme que les membres du parquet n’exercent pas une fonction politique, mais une fonction juridique. Il est vrai, et c’est l’évidence, que les procureurs ne sont pas des hommes politiques. Mais n’oublions pas que leur action est politique, dans la mesure où ils disposent de l’opportunité des poursuites, et ce dans le cadre d’une politique pénale. Ils contribuent d’ailleurs largement à déterminer cette politique pénale, et ils la détermineront plus encore après la réforme de la justice présentée par Elizabeth Guigou.
Les partisans de cette réforme croient dépolitiser un pouvoir ; mais en réalité ils ne font que le transférer de ses détenteurs actuels, les politiques, vers les procureurs. Une triple conséquence est à envisager : d’une part, la loi ne sera pas forcément toujours appliquée ; d’autre part, la loi ne sera pas forcément la même partout ; enfin, là où des procureurs décideront de poursuivre, d’autres ne le feront pas. N’oublions pas que, à la différence de la politique pénale des procureurs, celle du ministre de la Justice, elle, est publique. Ce qui est un gage de sûreté et de transparence pour les justiciables, et même plus simplement de sécurité juridique.

Enfin le projet de loi établit une fausse distinction entre responsabilité politique et responsabilité pénale des ministres, dans la mesure où chaque procédure a des conséquences politiques. Il est par conséquent normal que toute procédure de cet ordre soit mise en oeuvre par une autorité politique. C’est à une autorité politique de décider si une infraction reprochée à un ministre est assez grave pour qu’on déclenche sa responsabilité. Ce qui sous-entend d’ailleurs très largement qu’un ministre mis en cause après un tel examen se doit de démissionner. Cette autorité politique peut très bien être le Parlement.

L’inconvénient, c’est bien sûr le risque de connivences politiques. Il est néanmoins possible d’y remédier ; si, par exemple, le refus de poursuites ne peut être acté qu’à la majorité qualifiée, et si, dans un tel cas de refus, les poursuites sont néanmoins reprises contre le ministre après sa sortie de fonction. Enfin, ce pourrait être à une CMP (Commission mixte paritaire Assemblée nationale/Sénat) — où le ministre ne serait pas sûr de trouver une majorité toute acquise — de se prononcer sur de telles poursuites.

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