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Banques : le primat de la concurrence
lundi 14 avril 2008
Une protection des déposants et des emprunteurs
La loi bancaire de 1984 insiste sur un point judicieux quoique évident : la banque n’est pas un service public. La loi offre donc un rôle étendu à la nouvelle commission bancaire, elle renforce aussi les règles prudentielles, elle institue une véritable solidarité de place, et enfin protège les usagers par l’institution d’un "droit au compte" et d’un Comité des usagers. Les nouvelles banques ont ainsi vocation à tout faire. Il en est d’ailleurs de même pour les banques mutualistes ou coopératives, qui ont la même vocation universelle, leur spécificité résidant dans leur statut juridique. Elle sont en effet organisées en réseau comportant à sa tête un "organe central".
Entrent également dans le champ d’application de la loi bancaire les caisses d’épargne et de prévoyance, dont la mission première était de gérer les livrets d’épargne défiscalisée — elles continuent d’ailleurs a en partager le monopole avec la Caisse centrale d’épargne (bureaux de poste), le CODEVI ayant pour sa part été banalisé. Mais, peu à peu, le statut des caisses d’épargne s’est banalisé, dans la mesure où elles ont été autorisées à offrir à leur clientèle des comptes-chèques, puis à octroyer des prêts aux PME. De la même manière, s’élargissent aussi les compétences des Caisses de crédit municipal (notamment en matière de crédit).
Il convient enfin de mettre à part deux autres entités qui ne répondent pas aux mêmes logiques : d’une part les sociétés financières, dont la vocation est nettement plus spécialisée, et qui ne reçoivent pas de dépôts publics, si bien que leur refinancement s’effectue sur le marché ; et d’autre part les institution financières spécialisées, investies par l’Etat d’une mission d’intérêt général. Les principales IFS couvrent ainsi l’ensemble du champ d’intervention de la puissance publique dans la sphère financière : le logement, le financement des investissements à long terme, les collectivités locales, l’aide aux pays en développement.
Deux gendarmes assurent le bon fonctionnement du système bancaire : en premier lieu le Ministère de l’Economie et des Finances, qui reglemente et contrôle les activités aidées (par des prêts bonifiés), qui peut étendre les pouvoirs de la Commission bancaire aux organismes qui en sont exclus, qui homologue les réglements du Comité de la réglementation bancaire (CRB).
Et en second lieu vient le rôle majeur de la Banque de France, dont le Gouverneur est président du Comité des établissements de crédit et de la Commission bancaire, et vice-président du CRB et du CNC (Conseil national du crédit). Par ailleurs, le secrétariat de la Banque de France assure également celui de l’ensemble des Comités, et a une mission d’inspection de la Commission bancaire.
La Caisse des dépôts et consigations (CDC) doit-elle se maintenir hors la loi de 1984 ? C’est une première interrogation. Il est clair qu’elle dispose de missions de service public (centralisation des dépôts collectés par les livrets d’épargne, financement du développement local et du logement social, gestion des dépôts et consignations réglementés). Soit un total de 1500 milliards de francs environ. Mais ceci va malheureusement de pair, et il est permis de le déplorer, avec une absence de contrôle externe et avec un contrôle effectué par la CDC insuffisament strict. Il faut au contraire parvenir à une rigoureuse séparation entre les opérations qu’elle effectue pour son compte et celles qu’elle effectue pour le compte de l’Etat. Il faut au surplus soumettre la CDC au droit commun de la loi bancaire, pour partie au titre des IFS (pour le volet missions d’intérêt général qu’elle reçoit de l’Etat) et pour partie au titre des banques (pour ses activités privées).
Les services financiers de la Poste avaient un statut d’administration d’Etat. Ils ont été transformés en établissement public en 1990. Dès lors, faut-il maintenir l’exclusion inscrite dans la loi bancaire ? La Poste est le troisième réseau collecteur de France. Il serait par conséquent judicieux de créer une vraie banque postale car seule cette solution est susceptible d’apporter une plus grande sécurité tant aux autorités monétaires qu’aux autres établissements de crédit.
La mutation des banques
La transformation des banques s’est opérée en premier lieu par la concurrence des marchés, car la croissance du volume des dépôts et des crédits a été affectée par le déplacement des capacités de placement et des besoins de financement orientés vers les marchés financiers. Cette concurrence des marchés s’est doublée d’une concurrence des réseaux : les Caisses d’épargne Ecureuil font aussi du crédit, elles se lancent dans la promotion des PEP, accélérant ainsi la décollecte du Livret A. D’autre part, l’abandon de l’encadrement du crédit en 1987 a permis l’explosion des crédits aux particuliers (même si les choses se sont stabilisées depuis).
L’ouverture des frontières fut également un axe majeur de la mutation bancaire : chaque établissement de crédit européen a la possibilité de s’installer ou de vendre ses produits.
Mais cette évolution ne va pas sans une recrudescence des risques. Il apparait ainsi que, contrairement à la loi du moral hazard qui implique une quantité de risque résiduelle invariable, l’acte d’assurance accroîtrait la probabilité de l’occurence d’un risque. Lorsque les taux au jour le jour dépassent 20 % (comme en septembre 1992), les banques comprennent que la liberté se paye d’un prix élevé.
C’est pourquoi se sont mises en place des contraintes prudentielles : les clients souhaitent que la solvabilité de leur établissement de crédit soit préservée, les pouvoirs publics cherchent à contenir les risques systémiques. Ainsi les ratios occupent une place croissante, dont le célèbre Cooke, qui fixe le montant de fonds propres des banques internationales à 8 % au moins des risques (crédits distribués).
L’activité des banques se "marchéise" depuis dix ans. Tant du côté de leurs emplois que de celui de leurs ressources, la part de l’activité effectuée aux conditions du marché est aujourd’hui plus élevée. Si bien que les conditions de financement de l’économie par les banques sont désormais sensibles aux taux du marché : en 1979, 1/4 des ressources liquides et obligataires des banques était rémunéré à taux de marché, contre 69 % en 1995. Ceci aurait sans doute été plus positif si cette situation n’avait pas été compensée au bilan des banques par la forte hausse du coût de leurs ressources : le marché monétaire des années 1990 est aussi onéreux que l’escompte bancaire des années 1980. Tandis que les taux des crédits que les banques consentent doivent, pour les meilleurs clients, également se caler sur les taux du marché pour être compétitifs (donc, en cas de taux élevés, être de plus en plus bas). Leurs marges fondent : 7,5 points en 1981, mais 4,4 en 1990. Ajoutez à cela une stagnation du produit net bancaire (leurs "chiffre d’affaires"), et des résultats d’exploitation fragiles, et la nécessité de gains de productivité est évidente, passant en premier lieu par une diminution des frais généraux et singulièrement des coûts de personnel. Et ce même si les banques ont bénéficié de la tendance générale à l’expansion des transactions financières, et même si les comportements financiers ont une certaine inertie (le marché ne peut pas d’un seul coup remplacer les intermédiaires).
Il nous faut aller vers la "banque universelle" : les Etats-Unis notamment cherchent désespérément à effacer la reglementation bancaire héritée des années 1930, qui limite l’interstate banking et l’intervention des banques commerciales dans le secteur des marchés financiers (le Glass-Steagell Act)
A ces handicaps, s’ajoute en France celui de la surbancarisation. Nous évoluons à présent, et l’actualité le montre chaque jour, vers une véritable croissance externe, par des acquisitions nationales et transnationales, qui associent banques et assurances pour le meilleur et pour le pire. Il faut aussi des nouveaux modes de commercialisation par les nouvelles règles du jeu communautaire, puisque avec la libre prestation de services il n’y a plus de nécessité absolue d’être présent sur place pour commercialiser ses produits. Mais les banques française ont à ce petit jeu un net handicap : leur rentabilité globale est plus faible que celle de leurs homologues étrangères, leur solvabilité financière est moindre (leurs fonds propres restent faibles), et leur structure d’activité reste encore trop dépendante de l’intermédiation classique (75 % des produits bancaires proviennent des opérations de prêt et d’emprunt, contre 25 % des commissions prélevées sur les opérations).
Le financement des entreprises s’effectuant encore majoritairement par crédit bancaire, elles restent très sensibles aux fluctuations des taux, et, surtout, elles doivent subir des transferts de ressources au profit des banques qui les financent. Si bien que la nouvelle donne de l’intermédiation financière a profité à l’Etat (qui se finance par appel au marché), aux institutions financières elles-mêmes (qui font de même, c’est leur métier), aux grandes entreprises (qui financent leurs programmes d’équipements par émission d’obligations). Les sociétés autres que les grandes entreprises ne contribuent que pour moins de 10 % au total des émissions d’obligations et pour moins de 10 % également à l’encours des titres de créance négociables (TCN). Les CODEVI ne suffisent pas à changer un tel état de fait, dans la mesure où, bien que destinés à diminuer le coût du crédit pour les PME, ils bénéficient logiquement aux entreprises les mieux portantes, c’est-à-dire celles qui ont déjà un accès facile aux différents financements possibles.
Une insuffisance de crédits ?
Le rythme de progression de l’endettement total de l’économie a nettement fléchi ces dernières années. D’aucuns craignent ainsi une insuffisance de crédits (credit crunch) et imputent ce mouvement aux contraintes de solvabilité imposées aux banques par le ratio Cooke. Les banques fermeraient ainsi le robinet du crédit, ce qui aggraverait la crise. Mais raisonner de la sorte revient à confondre la cause et l’effet : c’est la demande de crédits qui fléchit, pas l’offre.
A l’inverse, d’aucuns s’inquiètent d’un possible excès d’endettement : dans cette optique, l’envolée des dettes et des actifs, l’incertitude des cours, le haut niveau des rémunérations attendues (taux d’intérêt) concourent à plonger l’économie dans une récession par la dette, dans un contexte de baisse de l’épargne disponible. Cette approche est nettement plus pertinente.
A côté de ces réalités, les banques ont sous leurs pieds quelques bombes à retardement qu’elles devront surveiller de près : en premier lieu, les créances des pays en développement, même si, dix ans après la crise de la dette, et à coups de titrisations masssives et de provisionnements forcenés, le problème semble être réglé ; ensuite les crédits immobiliers qui, en cas de retournement de l’activité, se propagent aux intermédiaires financiers, qui réagissent en réduisant leurs financements, ce qui renforce le marasme ; enfin le problème des retraites des employés de banque, que les banques ne provisionnent pas dans leurs comptes, or des causes spécifiques au monde bancaire sont à prendre en considération.
Il faudra également se pencher sur le problème de la facturation des services bancaires, dans la mesure où la France est un des seuls pays développés à appliquer la règle du ni-ni bancaire. Or cette solution cumule deux inconvénients : celui de la non-rémunération des dépôts à vue organise une véritable rente de situation au profit des banques ; celui de la non-facturation des services bancaires (notamment les chèques), qui implique une facturation anti-économique : c’est le mode de transaction le plus onéreux pour les banques (le chèque) qui est gratuit, contrairement aux paiements par carte bancaire ou par virement (les moins coûteux). La vérité des prix sera la seule manière d’atteindre un minimum d’efficacité économique, qui devrait permettre un rééquilibrage du marché entre les différents moyens de paiement.
Enfin, deux types de circuits de financement spécifiques peuvent être maintenus : en premier lieu les aides au logement (120 milliards de francs), dont une partie (le livret A) peut rester sous la coupe des caisses d’épargne et de la Poste.Il en va de même pour le Livret Bleu du Crédit Mutuel. D’autre part, les prêts aux entreprises (40 milliards par an), dans la mesure où la banalisation des CODEVI et des prêts à l’agriculture s’est en réalité opérée en trompe-l’oeil : le Crédit agricole distribue encore au total 95 % des crédits bonifiés à l’agriculture.
Un autre circuit de financement spécifique porte beaucoup plus à contestation : le coût du soutien public aux exportations par les mécanismes de garantie COFACE a littéralement explosé, pour atteindre 10 milliards de francs par an. Le redressement de notre balance commerciale depuis quelques années, s’explique avant tout par la combinaison de facteurs structurels (la compétitivité-prix) et conjoncturels (la situation économique générale en Europe), et n’a qu’un lointain rapport avec le dispositif de soutien public aux exportations.
La loi bancaire du 24 janvier 1984
I. Structure de la profession
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