Accueil > Argumentaires > Édito > Nos amis sont à gauche
Nos amis sont à gauche
lundi 14 avril 2008
Les libertariens affirment que tous les êtres humains sont capables de jugement. Depuis "l’animal doué de raison" d’Aristote, cette capacité de jugement définit l’humanité dans le règne du vivant. Conséquemment, obliger un être humain à agir contre son jugement revient à le nier en tant qu’être humain. Cette affirmation est profondément égalitaire. Elle est donc logiquement plus appréciée à gauche qu’à droite. Et nous constatons bien sur la grille fameuse des Advocates For Self-Government (version française sur www.liberalia.com), que la droite demeure incapable d’élever le curseur des libertés civiles. La droite était progressiste à l’époque du grand
débat de société entre économie de marché et planification. Elle l’a gagné.
Elle n’est depuis qu’une masse conservatrice et stérile. De la légalisation
de la drogue à celle de l’immigration, sur le gouvernement de chaque
citoyen par lui-même, nos sympathisants ne s’y trouvent pas. "Laissez
faire", si l’on y pense, devrait être plus un slogan de gauchistes que de
gaullistes.
Dans nos sociétés, la limite du "Laissez faire" est le Flic. D’autres
évidemment tirent les ficelles de ce pantin armé, les représentants des
Grands Intérêts Subventionnés : en France, l’Ordre Moral, la Bureaucratie,
le Front Paysan et le Grand Capital.
Voilà ceux que le Flic protège. La droite, parlementaire autant que
l’extrême-droite, ne peut se désolidariser d’au moins deux de ces Grands
Intérêts, l’Ordre Moral et le Grand Capital, elle les incarne. Elle est en
outre prisonnière du Front Paysan, auquel l’attache sa filiation
aristocratique, vendéenne et nationaliste. Une partie de la Bureaucratie
certes lui est indifférente, les postiers, cheminots, enseignants, mais
lorsque cette Bureaucratie porte des armes, la droite lève le menton et
bombe le torse, elle crie à tue-tête "touche pas à ma police" et "les CRS
avec nous".
Ceux qui partagent notre méfiance du Flic se trouvent donc majoritairement à gauche. Comment les aborder ? Il est inutile de chercher des libertariens parmi les socialistes parlementaires, pour les mêmes raisons que la droite parlementaire n’en compte pas non plus (je n’ai jamais noté une proposition de Jospin, Fabius ou Chevènement que Chirac, Sarkozy ou Juppé n’eussent pu avancer eux-mêmes). Disséminés au sein du peuple de gauche, en revanche, s’agitent de nombreux courants libertaires. Ils rejettent comme nous l’Ordre Moral. Ils critiquent comme nous la Bureaucratie (sauf bien sûr lorsqu’ils y appartiennent, mais en ce cas, nous tenons le bon bout du débat tant il est difficile d’argumenter que son propre intérêt corporatiste se confond comme par hasard avec le bien commun). Deux Grands Intérêts écartés sur quatre, c’est un bon début.
Quant au Front Paysan, seule la perte d’influence de Le Pen a pu permettre à José Bové et sa clique de récupérer le discours le plus réac’, le plus pétainiste, de la "préférence nationale". Or la position libertarienne ici est sans ambages. Nous sommes contre _l’apartheid économique_. Nous rejetons la politique égoïste des pays nantis qui réclament un "développement séparé", les riches ensemble, les pauvres entre eux. Ne venez pas vendre chez nous. Mais comment les producteurs les plus pauvres pourraient-ils bien améliorer leur condition s’ils n’ont pas le droit de vendre aux consommateurs les plus riches ? La gauche anglo-saxonne commence à le comprendre. Il nous appartient d’éclairer la nôtre.
Reste la critique du Grand Capital. Elle est libertarienne, elle aussi.
Les grands patrons ne sont pas de notre bord, ne l’ont jamais été, ne le seront jamais. Rendre service à des clients est ardu. Pourquoi s’y efforcer lorsqu’un ministre d’un trait de plume peut garantir un marché, octroyer une subvention, couper les ailes d’un concurrent ? Tant qu’il y aura de l’État, il y aura des privilèges et des passe-droits, et les bénéficiaires seront ceux qui côtoient les ministres, c’est-à-dire pas les pauvres. Nous sommes contre la réglementation parce qu’elle réglemente en faveur des "gros". Encore un argument qui nous rapproche de la gauche.
Seules nous séparent d’elle finalement nos conceptions respectives de la justice sociale. Celle de la gauche est bien conforme au matérialisme crasse de la démocratie sociale. Ne compte que la quantité. Tout ce qui est de l’essence des choses et de leur qualité est ignorée. Donc, comble de ce matérialisme, la justice sociale se mesure au fric. Les gauchistes prétendent haïr l’argent, mais dans cette détestation même, ils en font le centre et l’obsession de leur pensée.
Montrons leur que le monde libéral n’est pas qu’économique. Laissons les inconséquentes Taxe Tobin et mesures du PNB aux paléo-marxistes et aux comptables chauves. Nous rencontrerons nos alliés de gauche dans les combats sur l’immigration, les prisons, les drogues, la censure, la liberté des enfants, l’expression de toutes les cultures.. Ringards sur ces questions même si pleins de bonne volonté, ils ont beaucoup à apprendre de nous, et nous, un petit peu d’eux.
Ce travail sur la gauche est à long terme, comme toujours (quand est-ce que quelqu’un s’est jeté à vos pieds en vous remerciant de l’avoir converti au libéralisme ?), mais il en vaut la peine. Tendre la main aux gauchistes et les évangéliser, voilà ma résolution de la nouvelle année.
Je la souhaite à tous les libertariens palpitante et fructueuse.
Christian Michel
Messages
1. Vos amis sont imaginaires , 23 janvier 2009, 15:40
Dans une perspective d’auto-critique, on aurait pu penser qu’un libertarien comme vous (Christian Michel) aurait remarqu