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Cherchez l’erreur
dimanche 14 avril 2002
Six cent mille, 1,08 million, 2,4 millions, 4,6 millions : c’est respectivement le nombre des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), du RMI, des indemnités chômage (Unedic et Etat) et, enfin, celui des personnes assurées gratuitement pour la maladie grâce à la CMU. La fin de l’année offre un concentré de négociations ou d’interrogations sur des systèmes de protection sociale dont le nombre des bénéficiaires augmente fortement, voire explose. Ils ont tous pour caractéristiques d’avoir des conditions d’ouverture des droits surdimensionnées et un financement sous-dimensionné. Et cela pour des raisons diverses.
Par aveuglement politique : c’est le cas de l’APA mise en place par le gouvernement Jospin. Elle ne pouvait qu’être plébiscitée puisqu’elle est attribuée sans condition de ressources alors que son coût prévisible pouvait se lire dans l’évolution démographique (les plus de quatre-vingts ans seront quatre fois plus nombreux en 2050). C’est aussi celui de la CMU qui, au prix d’un milliard d’euros l’an pour l’Etat, transforme en assistés des millions de Français, au motif qu’une participation même très modeste à leur couverture santé serait trop difficile à mettre en oeuvre...
Par faiblesse collective : c’est le cas du RMI, qui sauve des centaines de milliers de gens de la misère, mais les laissant sans activité, leur offre le choix entre le travail au noir et la lente descente vers l’exclusion. Au beau milieu de la reprise économique, le nombre des bénéficiaires frôlait toujours la barre du million, signe de la faille intrinsèque du système.
Par légèreté enfin, quand les dispositifs ont été conçus en période faste : c’est le cas de l’assurance-chômage, dont la couverture a été considérablement élargie en 2000, avec une marge de correction réduite, du moins pour que les restrictions soient acceptées quand le nombre des demandeurs d’emploi repart à la hausse.
Sur tous ces dossiers, l’ajustement se fait aujourd’hui dans l’urgence. Quand une conjoncture dégradée, confirmée hier par l’Insee, et la crainte d’un chômage annoncé à la hausse d’ici à juin prochain conduisent les Français à se tourner vers l’Etat et à se cabrer devant les réformes, l’exemple en étant déjà donné à EDF.
Manifestement, la prise de conscience que les milliards engloutis dans la protection sociale pèsent lourdement sur l’activité et l’emploi est loin d’être majoritairement partagée. Comment le serait-elle alors que la gauche, les syndicats, et une partie de la droite affirment le plus souvent que les baisses d’impôts sont injustes, qu’il n’est pas encore temps de réformer l’ISF - quand bien même son taux participe de l’attractivité de la France ? Comment le serait-elle alors que ni l’Etat ni les partenaires sociaux ne s’interdisent de continuer à tirer des traites sur l’avenir en augmentant les cotisations et en recourant à l’emprunt ? Dans la même semaine, le plan Dutreil se promet de redynamiser la croissance, les mesures Fontaine-Haigneré ambitionnent de doper l’innovation et la recherche : le premier représente un effort fiscal de 350 à 400 millions d’euros, les secondes de 100 à 200 millions quand la facture supplémentaire de la seule aide aux personnes âgées s’élève à 1,2 milliard. Cherchez l’erreur...