Ah, ce hideux totalitarisme yankee !

Chacun le sait, il ne fait pas bon vivre aux Etats-Unis. Les prisons sont pleines de pauvres, condamnés à la chaise électrique. Les Noirs sont persécutés. Les poubelles débordent de ressources gaspillées. Bagdad en revanche protège les minorités kurdes contre les bandes arabes d’El Ansar. Les Irakiens mènent une vie fruste et saine, sans contribuer à l’effet de serre. Saddam est généreux. Il récompense grassement les familles des martyrs qui font exploser les femmes et les enfants d’Israël.

Les dirigeants français parlent clair, leurs paroles sont miel : « Rien ne justifie la guerre. » L’Europe tout entière approuve. La Grande-Bretagne, aux ordres des Américains, ne fait pas vraiment partie de l’Europe, ni l’Espagne, ni l’Italie, ni le Portugal, ni le Danemark, ni la République tchèque, ni la Pologne, ni la Hongrie. Ces Etats insignifiants se sont démasqués. Leur manoeuvre médiatique orchestrée par Washington les déconsidère durablement. Tandis que la France est plus populaire que jamais, notamment dans le monde arabe. Il faut naturellement mettre à part les dirigeants de l’Egypte, de la Syrie, de l’Algérie, de l’Arabie et de quelques autres pays stipendiés. En Libye, pays champion des droits de l’homme, et au Soudan, bienfaiteur des peuples du Nil, c’est un véritable triomphe.

Il faut rétablir la vérité. Si les Américains ont donné la vie de leurs soldats pour délivrer l’Europe du nazisme, alors que la France n’avait pas besoin d’eux, car elle avait réussi à s’accommoder de la situation, c’était en réalité pour mieux asseoir leur domination sur le monde. S’ils ont lutté contre le communisme, qui n’avait pas que des défauts, c’est pour éliminer tout rival à la surface de la planète. Et de toute manière, c’est de l’histoire ancienne. Faudrait-il passer son temps à les remercier ?

Depuis, ils se croient autorisés à se mêler de tout. Après la Yougoslavie où ils n’ont eu aucun blessé, ce qui témoigne de leur duplicité, ils ont osé bombarder le peuple afghan qui n’était pas si malheureux que ça sous les talibans. Les Français le savent bien puisque leurs dirigeants, dans leur sagesse, recevaient ces derniers au Quai d’Orsay tout en écartant Massoud, ce gêneur. Les Américains veulent interdire aux autres peuples d’avoir leurs petits ateliers de plutonium et leurs fioles d’anthrax. Au nom de la sécurité du monde. Mais personne ne leur a confié cette mission. On pourrait demander à l’Union européenne ou à la Ligue arabe de s’en occuper à leur place. Pourquoi les Américains auraient-ils le droit, eux, de dépenser plus pour leur armée que tous les autres Etats réunis ? C’est d’un égoïsme insensé.

Les dirigeants de la France pratiquent la realpolitik. C’est plus sûr. Grâce à quoi ils ont beaucoup d’amis, surtout parmi les chefs à poigne qui s’opposent aux nations mercantiles. Paris va recevoir le bon président Mugabe. Londres s’en offusque, prétendant qu’il réprime ses opposants et assassine les fermiers blancs. C’est de la propagande. Que connaissent les Anglais de l’Afrique ?

C’est comme en Côte d’Ivoire : mieux vaut honorer les rebelles que les autorités élues. Et si ça se passe mal à Abidjan, au point qu’il est conseillé aux Français non d’évacuer, mais de quitter le pays, ce n’est pas que les Ivoiriens soient mécontents, c’est que les Américains attisent le feu par en dessous, rien que pour embêter la France. Quel machiavélisme...

Les Américains prétendent faire la guerre au terrorisme. Il ne faudrait pas que ça devienne l’argument dont ils vont user cent sept ans pour dissimuler leurs entreprises. D’accord ils ont subi le 11 septembre. Ils en ont été secoués. On ne va tout de même pas en faire une maladie. Tout le monde a ses petits malheurs.

Le terrorisme n’est pas une menace si on ne va pas chatouiller les barbus. La France fait bien d’accepter pour sa part que des fondations obscures financent ses mosquées et que des imams wahhabites viennent y prêcher. Elle tolère sur son sol que des extrémistes s’entraînent au combat, que des jeunes filles soient brûlées vives, que des usines explosent par hasard. C’est la part du feu que ses dirigeants expérimentés réservent aux émules de Ben Laden. Ainsi les Français auront la paix, ou seront atteints par erreur. Oui, décidément, loué soit le ciel ! Car, sans doute, l’histoire donnera raison aux descendants pacifiques de Saladin, humanistes gorgés d’armes, de spadassins et de pétrole, plutôt qu’à ceux de Washington, Jefferson et Benjamin Franklin, hideux précurseurs du totalitarisme yankee.