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La santé française : le grand échec du planisme
dimanche 18 avril 2004
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’Europe toute entière se laisse influencer et guider par une volonté de planification à tout va, héritée du socialisme des années trente. On a pensé qu’en contrôlant et en rationalisant l’ensemble des besoins des individus par un organisme central, on pouvait éviter tous les abus et inégalités. Le socialisme animé par cette utopie du bonheur dans la suppression des inégalités a exclut du même coup l’harmonie dans la liberté individuelle et la liberté d’organisation. Le domaine de la santé en reste un exemple tragique.
Les problèmes liés à la planification mise en place en 1945 se font sentir de manière cruciale en Grande Bretagne depuis une dizaine d’années avec les longues listes d’attente de patients pour les interventions chirurgicales (certains sont morts, faute d’avoir trop attendu), le dénuement des hôpitaux et le manque de personnel. La France est maintenant touchée de plein fouet, avec la crise du personnel infirmier et médical, qui débouchera inévitablement, aux listes d’attente comme en Grande Bretagne.
" La planification ", ou " planisme ", fort à la mode d’après-guerre, est un " des fers de lance " du socialisme. La volonté de gouverner jusqu’au moindre détail les problèmes de santé a été l’argument majeur pour développer et exercer un contrôle rationnel et quantifié des dépenses de santé, des besoins matériels et humains. Souvenez-vous de la situation cocasse du plan quinquennal soviétique ou il fallait que " telle région " produise " tant de quintaux de blé " pour les 5 ans à venir. Cela nous paraissait absurde. Et nous savions bien que ces objectifs n’étaient jamais tenus, parce que de multiples facteurs n’étaient pas pris en compte. Les chiffres étaient même parfois falsifiés afin que " le grand Staline " n’en porte pas ombrage et face fusiller les " suppôts du capitalisme " (quelques obscurs fonctionnaires) qui ont " saboté " le plan. On ne peut malheureusement prendre tous les facteurs en compte dans un plan. Soit parce qu’on en a oublié " en route ", ou soit parce que certains facteurs et mécanismes sont inconnus. Il paraît donc absurde de recourir à un plan devant une situation aussi compliquée. Dans toute société il y a bien une organisation rationnelle mais aussi spontanée, multifactorielle qu’il est impossible d’évaluer et de maîtriser complètement.
Le système français est pourtant basé sur le principe du plan ! Dans un tel système, l’adaptation aux changements est très lente, les prévisions sont de plus en plus déconnectées des réalités, compte tenu que l’indicateur des prix a été supprimé (le fameux blocage des prix). Un service hospitalier peut par exemple recevoir 8 millions de francs par an du ministère, avec les calculs complexes des planificateurs centraux, basés sur de multiples paramètres notamment celui de l’activité du service. Mais imaginons que le seul paramètre " activité " se modifie, comme c’est souvent le cas ; tous les calculs sont à refaire. C’est donc maintenant 10 millions en réalité que le service aurait besoin, d’après ses propres estimations. Mais l’administration centrale n’en a cure, il est déjà trop tard, il faut remplir les objectifs du plan : baisser les dépenses de santé !
Les dépenses de santé ? C’est la bête noire des planistes, c’est ce qui grippe la mécanique du plan. Comment se fait-il que les dépenses de santé ne soient pas concordantes avec les prévisions du plan ? Pourtant tous les facteurs avaient été pris en compte dans les calculs. C’est à rien n’y comprendre ! Nos hauts fonctionnaires vexés et déçus, tentent de l’expliquer : " des facteurs n’ont pas été pris en compte et il y a eu des anormalités ". Qu’une solution pour eux : il faut renforcer le plan avec de nouveaux contrôles et de nouvelles réglementations. Ainsi à chaque " grain de sable ", les planistes sont tentés de d’avantage planifier, cherchant toujours plus d’explications rationnelles et augmentant par là même les coûts de fonctionnement.
Dernièrement, nous l’avons vu avec la tentative de mise en place de la carte vitale pour contrôler les actes médicaux et les dépenses de santé individuelles ou encore avec les sanctions collectives contre les médecins en cas de dépassement de quotas de consultations à l’année. Ainsi le plan appelle le plan et les dépenses avec ! Le cercle vicieux s’installe. Les problèmes au lieu d’être atténués sont amplifiés dans un tel système.
D’autres part avec la rationalisation des dépenses de santé, la lenteur administrative et les restrictions budgétaires imposées par le plan, le matériel commence à vieillir. Et il y a de moins en moins de nouveaux équipements. La preuve récente étant que la France est un des pays les moins équipés d’Union Européenne en appareil de radiologie comme les scanners ou les IRM.
Et, pour éviter l’enflement des dépenses de santé, nos planistes ont eu l’idée lumineuse de bloquer les prix, en particulier les rémunérations des professions de santé. Ces rémunérations bloquées artificiellement, ont conduit à la multiplication des actes médicaux et donc des dépenses de santé pour combler le manque à gagner face aux charges et à l’inflation. Rappelons que les prix sont un indicateur essentiel pour évaluer la valeur d’un objet sur le marché. Arrêtons-nous quelques instants sur ce sujet : une consultation de médecine générale coûte aujourd’hui 115FF par décision centrale. Que serait son coût réel , si nous étions dans un marché de libre-concurrence ?Il est facile de l’évaluer en comparant cette rémunération à un plombier qui n’a pas fait douze ans d’étude et qui se déplace à votre domicile. Lui, il vous demandera 70 euros ! En fait la rémunération d’un médecin généraliste devrait être de l’ordre de 45 euros si on la compare à nos voisins européens hors déplacement. Nous sommes donc loin de la réalité.
Pour mieux contrôler les dépenses, les planistes ont également utilisé des quotas limitatifs de professions de santé, les fameux " numerus clausus ". Ceux-ci sont appliqués en médecine ou dans les écoles d’infirmière, sans tenir compte de la demande de soins. Nous en avons le résultat aujourd’hui : nous manquons d’infirmières, de spécialistes comme les gynécologues obstétriciens ou les anesthésistes réanimateurs.
Le problème majeur posé par les planistes est leur refus d’admettre pour des raisons idéologiques que la santé soit un marché comme un autre avec une offre et une demande, dont ils n’auraient peu ou pas le contrôle. L’offre de soin étant représentée par le personnel de santé et la demande de soins par nos malades. Or nous constatons que la demande de soins est de plus en plus forte, et qu’elle ne cessera pas d’augmenter du fait du vieillissement de la population. Elle est encouragée également par la mise en place récente de la CMU, qui incite les classes défavorisés à recourir aux soins qui leur sont offerts gratuitement. De l’autre côté, les planistes ont diminué par tous les moyens l’offre de soins notamment par le contrôle des prix et la politique des quotas comme nous l’avons vu plus haut, ils sont maintenant en face d’un problème insoluble : demande de soins toujours plus forte avec une offre de soins toujours plus faible. Il n’y a plus qu’une solution pour nos planistes : abandonner le plan et repenser la santé en terme d’offre et de demande !
La pression du consommateur étant de plus en forte il faudra donc rapidement répondre à la demande. Il faudra d’abord supprimer le " numerus clausus " en laissant les professions s’équilibrer en fonction du marché. Et laisser librement les professionnels de santé étrangers s’installer dans notre pays. Les espagnoles sont déjà en route...
D’autres part supprimer le contrôle des prix, devrait ramener les prix des consultations et des actes médicaux à leur valeur réelle qui est nettement plus élevée comme nous l’avons vu. Cela contribuerait à supprimer la multiplication des actes médicaux et les consultations de " bobologie " qui coûtent chers au contribuable. On responsabiliserait ainsi le consommateur.
Il faut également, permettre aux structures de soins de s’autogérer, et donc de se responsabiliser vis à vis de leurs dépenses : autrement dit privatiser ces structures et les stimuler par la mise en concurrence. Il faudra aussi faire aboutir le processus d’abolition du monopole de la sécurité sociale, pour permettre la mise en place d’organismes concurrents, bien gérés. Ce qui réglerait du même coup la question récurrente des déficits de la sécurité sociale...
Les plans quinquennaux soviétiques n’ont malheureusement pas servi d’exemple, et nous en payons aujourd’hui les conséquences désastreuses. La déliquescence de notre système de santé devrait cependant hâter les réformes nécessaires.