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Les vraies raisons du protectionnisme américain

lundi 18 avril 2005

Alors que l’Europe, le Japon, la Chine s’étranglent de cette décision unilatérale, qui ferme le marché américain et chamboule de fait le marché mondial, les aciéristes américains jubilent. Pour le syndicat de la sidérurgie américaine (USWA), cette politique “fait naître l’espoir que l’industrie sidérurgique américaine puisse être sauvée et pose les jalons de la législation nécessaire pour protéger les systèmes de sécurité sociale de 600 000 ouvriers”.

La “Ceinture de la rouille” vote conservateur !

Car, avant tout, l’annonce du président Bush répond à des contingences de politique intérieure. L’agonie du secteur sidérurgique américain est en effet liée à deux faits essentiels : l’incapacité des Américains à moderniser leurs installations sidérurgiques ainsi qu’à l’impossibilité de concentrer un secteur atomisé en dizaines d’entreprises. Pourtant, ces entreprises ont touché ces vingt-cinq dernières années quelque 17 milliards de dollars de subventions. Du coup, la concurrence de l’acier étranger à bas prix est fatale. Depuis 1997, et ce malgré une chute des importations d’acier de 37 à 27 millions de tonnes, 32 entreprises ont déposé leur bilan, 17 étant totalement liquidées.

Mais pourquoi les producteurs d’acier américain n’ont-ils pas réussi à créer, à l’image d’Arcelor et de Thyssen en Europe ou du Nipponsteel au Japon, des géants nationaux du secteur ? Paradoxalement pour le pays de la libre entreprise, la réponse tient dans la puissance des syndicats de la sidérurgie. Représentant jusqu’à 600 000 personnes, l’USWA fait et défait les élections dans la “Ceinture de l’acier”, rebaptisée “Ceinture de la rouille”, la région industrielle qui regroupe la Virginie, l’Ohio, l’Illinois et l’Indiana. En 2000, ce sont ces Etats, traditionnellement démocrates, qui ont voté pour George Bush.

La rentabilité des entreprises plombée par les charges sociales

Ils ont voté pour l’actuel président sur la promesse d’imposer une surtaxe à l’importation d’acier et de mettre en place un fonds de 11 à 13 milliards d’euros pour sauver les retraites et les assurances maladie des salariés de la branche. Cette question reste centrale et n’a d’ailleurs toujours pas été réglée par George Bush. Or c’est une des raisons de l’impossibilité de réformer la branche industrielle.

L’USWA a négocié un régime d’assurance maladie et de retraite très avantageux. Ces avantages sociaux sont considérés comme des “coûts incompressibles” (“legacy costs”), les employés des plus importantes firmes sidérurgiques ne peuvent en être privés. Ainsi tout rachat ou fusion doit prendre en compte cette charge sociale, plombant de fait la rentabilité de l’entreprise.

Seules les “Mini-Mills” résistent

National Steel, qui a demandé jeudi 7 mars la protection de l’article 11 de la loi américaine sur les faillites, illustre parfaitement ce cas de figure. Car US Steel, le premier groupe sidérurgique américain, 14e mondial, souhaite fusionner avec le 5e producteur américain. Or, rappelle le “Wall Street Journal”, US Steel ne se mariera avec le National Steel que “si le gouvernement fédéral paie l’ensemble des charges de retraites et de sécurité sociale des 8 400 salariés du groupe de l’Indiana et de leur famille”.

L’échec de la sidérurgie américaine tient en dernier ressort à l’incapacité américaine, au nom de l’efficacité économique, de mettre en place un système de mutualisation sociale pour le secteur sidérurgique… Les seules entreprises qui tirent leur épingle du jeu aux Etats-Unis sont dès lors les “Mini-Mills”, des entreprises de petite taille très souples et dynamiques. Elles ont quintuplé leurs parts de marché depuis vingt-cinq ans, mais elles risquent paradoxalement de souffrir des mesures protectionnistes imposées par George Bush.

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