Accueil > Économie > Économie internationale > Comment sortir l’Afrique de la misère ?
Comment sortir l’Afrique de la misère ?
samedi 13 septembre 2008
Le projet - qui résulte de la fusion de deux documents initiaux, présentés par les deux Présidents - souffre cependant d’une lacune : d’inspiration essentiellement macro-économique, il n’a pas suffisamment conscience de la nature des faiblesses institutionnelles qui, en Afrique comme dans la plupart des pays émergents, sont la véritable cause de la difficulté que ces pays éprouvent à rentrer dans un processus moderne de développement durable.
Pour que les grandes ambitions qui y sont à juste titre affichées aient une chance de se concrétiser, il faut au préalable que les africains affrontent clairement le problème des insuffisances de leurs systèmes de droits de propriété, et des moyens d’y porter remède. Tel est le message que les libéraux peuvent leur apporter.
Il y a trente ou quarante ans, il était encore possible de prétendre que le chemin du développement économique passait par des méthodes d’appropriation collective. Il n’était pas aberrant de croire à la supériorité des méthodes planistes sur les forces (dites "aveugles") du marché. Après tout, dans les années soixante - et même au milieu des années soixante dix - il y avait encore bon nombre de hauts fonctionnaires et de dirigeants économiques français qui restaient sincèrement convaincus de la supériorité technique de la planification soviétique comme instrument de croissance.
Fort heureusement tout cela appartient désormais au passé. Les faits ont clairement apporté la preuve de l’erreur de ceux qui pensaient ainsi. Il n’y a plus grand monde pour le contester, même parmi les gens qui croient encore en l’avenir de certaines formes de socialisme politique. Le débat est clos. Le principe de l’économie de marché a gagné. Il n’y a plus guère de gens pour prétendre qu’on puisse avoir les avantages du capitalisme (c’est à dire la croissance) sans les institutions qui en sont le fondement : la propriété privée et l’état de droit.
Si les controverses scientifiques n’ont pas totalement disparues, il existe en effet un consensus parmi les économistes pour reconnaître que les origines de la croissance n’ont rien à voir avec la présence ou non d’importantes ressources en matières premières, la dureté du climat, les difficultés de communication, ou encore les différences culturelles. Les faits ont parlé d’eux mêmes. C’est ce que démontre clairement l’exemple récent de l’ascension économique des "tigres asiatiques".
Désormais l’attention se porte sur les conditions institutionnelles de la croissance. L’idée s’impose que l’immense écart entre les taux de croissance observés sur l’ensemble de la planète ne doit rien aux limitations de notre savoir sur les sources de la croissance, mais est seulement la conséquence de la manière dont les institutions politiques et les structures juridiques qui y sont liées - c’est à dire "les droits de propriété" - accompagnent, ou au contraire contredisent les motivations économiques naturelles des hommes. C’est dans la comparaison des régimes politiques, des régimes de droit, et de leurs incidences sur le jeu des motivations économiques individuelles qu’il faut rechercher la véritable cause des échecs - et des réussites - économiques.
Ainsi, les africains insistent aujourd’hui avec raison sur le retour à la démocratie et le respect des droits de l’homme comme conditions d’une politique d’éradication durable de la pauvreté (c’était l’un des thèmes dominants de "La nouvelle initiative africaine" du projet sénégalais). Mais leurs déclarations, faute d’une compréhension en profondeur de la nature des problèmes juridiques et institutionnels liés à la croissance,restent prisonnières d’une vision technologique du développement qui, malgré le caractère complet de l’approche, l’empêche d’attaquer le problème de la permanence du sous-développement africain à sa source.
L’économie informelle : une chance pour l’Afrique
Fondamentalement, l’Occident doit son succès économique à la présence d’un modèle de droit qui mobilise les énergies humaines au service de l’effort productif et de la création de valeur en incitant chacun à s’investir dans le futur par l’épargne et l’innovation.
Comment y est-il arrivé ? Grâce à l’émergence progressive par delà les siècles d’un système de droits de propriété qui, à travers des dispositions techniques complexes qui nous semblent aujourd’hui naturelles mais qui sont loin de l’être, garantit la sécurité et la pérennité des possessions, ainsi que leur libre échangeabilité (grâce à toute une série de dispositions qui protègent la liberté et l’éxécution des contrats). Depuis un siècle la nature et la structure de ce système ont été profondément altérées par des évolutions de nature idéologique dont la conséquence est de remettre en cause les philosophies qui en sont à l’origine. Néanmoins l’essentiel demeure.
Les leaders du tiers-monde se comportent souvent comme s’il suffisait d’importer et de copier ces dispositions pour obtenir des résultats identiques. Les dernières initiatives africaines n’échappent pas à cette règle. Mais c’est une illusion dont la nature n’est souvent même pas comprise par les occidentaux eux-mêmes tant le système juridique dans lequel ils vivent leur paraît aller de soi.
Prenons l’exemple de cette "économie informelle" qui, bien souvent, représente entre la moitié et les deux tiers de l’activité des nations pauvres. On y trouve un mélange de métiers, de négoces, d’activités qui ne sont pas nécessairement illicites, mais se pratiquent en marge des canaux et disciplines légales : celui qui vend sur les marchés les maigres fruits de son jardin sans aucune autorisation, l’artisan qui construit des maisons sans permis de construire, le taxi qui propose ses services sans licence professionnelle... Cette économie informelle est généralement considérée comme un facteur négatif, un signe pathologique de sous-développement, une sorte de maladie qu’il faudrait guérir pour sortir de la pauvreté.
Mais il y a une autre vision possible : ne pourrait-on pas la considérer au contraire comme un atout extraordinaire, susceptible d’apporter une contribution décisive au développement économique des pays les plus pauvres, si du moins on pouvait "libérer" toutes les énergies qui s’y expriment ? Après tout cette économie "grise", ou "noire", nous apporte tous les jours la démonstration que les pauvres de ces pays ne sont pas moins entreprenants ni moins ingénieux que leurs cousins des pays riches. Il n’est que de se promener dans les ruelles des bidonvilles africains ou des favellas latino-américaines pour constater à quel point ces gens, aussi démunis soient-ils, savent tirer avantage de la moindre opportunité de faire du commerce et d’y gagner un profit.
Rendre vie au "capital mort"
De même, ce n’est pas vraiment l’épargne qui leur fait défaut. Avec l’explosion urbaine des vingt cinq dernières années s’est constitué dans les mégalopoles du tiers-monde un parc immmobilier dont la qualité est ce qu’elle est, mais qui, évaluée aux prix des transactions qui s’y déroulent dans la pénombre de l’économie parallèle, représente un capital global d’une valeur considérable. Selon certaines sources, l’ensemble de l’actif immobilier accumulé par les pauvres du tiers-monde représenterait globalement plus de 9 000 milliards de dollars, soit vingt fois le montant total des investissements directs étrangers dans les pays en développement de 1989 à 1999, ou encore quatre-vingt-treize fois le volume de l’aide des pays riches aux pays du tiers-monde au cours des trois dernières années du vingtième siècle. Alors, comment se fait-il qu’en dépit de cette formidable réserve d’énergies humaines, mais aussi de capital tout court, ces économies continuent de stagner, voire - comme en Afrique - de régresser par rapport au reste du monde ?
La réponse est simple. S’il en est ainsi c’est parce que ce capital, aussi considérable soit-il, reste du "capital mort" - c’est à dire une épargne qui est bloquée dans la pierre et qu’il est quasiment impossible, comme on le fait dans les pays développés, de transformer en capital financier producteur de valeur ajoutée. C’est un capital qu’on ne peut pas faire travailler et utiliser par exemple pour obtenir des prêts pour développer de nouvelles activités productives, parce que rares sont dans ces pays ceux qui peuvent légalement démontrer qu’ils en sont les vrais propriétaires. Il en résulte que c’est un capital qui ne circule pas, qu’on ne peut pas transformer, parce qu’on ne peut pas le vendre ni l’acheter avec toutes les garanties que l’on trouve dans les systèmes juridiques occidentaux.
En Occident, aujourd’hui, une maison est un abri, un terrain est une ressources qui permet de cultiver des produits agricoles, et un tracteur est un équipement qui permet à son propriétaire de récolter la richesse ainsi produite ; mais ces actifs sont également un capital parce qu’ils peuvent servir de garantie pour obtenir des financements dans la mesure où leur titre est clairement établi.
Cette transformation (ou "transmutation" pourrait-on dire) est possible parce que depuis plus de deux siècles les sociétés européennes et américaine ont développé un ensemble extraordinairement complexe de procédures, d’instruments et d’outils juridiques qui permettent de définir, de mesurer, d’enregistrer, de garantir, de respecter, de découper, de transmettre, de céder, avec une précision toujours plus extrême, les droits de propriété acquis et échangés. Ce cadre juridique fonctionne comme une sorte d’échafaudage reposant sur une pyramide d’hypothèques, d’escomptes d’hypothèques, et de réescomptes d’escomptes d’hypothèques à caractère de plus en plus dématérialisé, qui permet en définitive à la propriété d’atteindre, sur des marchés, en toute sécurité, sa valeur maximale d’utilisation. C’est ce processus pyramidal de "titrisation" des actifs fonciers et immobiliers qui est à la source du phénomène d’accumulation créative du capital qui donne son nom au "capitalisme".
Comment perdure le sous-développement
Dans les pays du tiers-monde la situation est radicalement différente. La plupart des biens et actifs immobiliers construits depuis trente ans l’ont été sur des terrains pour lesquels les occupants ne disposent d’aucun titre de propriété officiel susceptible d’être produit devant un tribunal et reconnu par lui. Ils relèvent d’une économie où le sentiment de propriété n’est pas moins grand que dans les pays développés, mais où les titres représentatifs qui circulent n’ont, aux yeux des juristes, aucune valeur légale car relevant de procédures de voisinage coutumières, considérées comme instables et peu fiables. En France, par exemple, c’est au cadastre que l’on s’adresse pour obtenir la preuve d’une propriété. Dans l’économie informelle des bidonvilles africains ou latino-américains, c’est le témoignage des voisins qui permet d’établir que c’est bien untel qui est le propriétaire de la structure dans laquelle il habite. C’est le chef de village, ou encore le chef de clan familial, qui sanctionne oralement les contrats et les transactions, et éventuellement délivre un document écrit mais qui n’a aucune valeur devant aucun tribunal (puisqu’il ne présente évidemment aucune des qualités requises d’un "officier ministériel"). Pas de notaire, pas d’huissiers, mais des officines officieuses, admises et respectées par le voisinage, qui servent en quelque sorte de cadastre local, mais aussi d’autorité de police veillant - au besoin d’une manière un peu musclée - à ce que par exemple les loyers soient effectivement versés à bonne date aux ayants droits. Cette économie informelle est loin d’être une économie sans droits, anarchique. Bien au contraire, mais les droits s’y définissent et y sont administrés, évoluent aussi d’une manière qui fait appel à des techniques d’identification, d’enregistrement, d’arbitrage et de police relevant de pratiques coutumières fondées sur l’utilisation d’instruments très différents de ceux en usage dans les nations modernes.
Bien sûr, il y existe en principe des procédures pour transformer une occupation ou une activité de nature informelle (lorsqu’il y a squat d’un terrain public ou privé par exemple) en un droit bénéficiant de tous les attributs d’une propriété moderne (sûreté, sécurité, fongibilité, liquidité). Mais les obstacles qui se dressent sur le chemin de ceux qui se lancent dans cette aventure sont tels - maquis des procédures administratives, mauvaise volonté et lenteur des bureaux, dessous de table obligatoires pour obtenir les autorisation nécessaires, pots de vins à verser aux personnels administratifs et politiques - qu’il faut des années pour y arriver, et que la plupart préfèrent rationnellement y renoncer.
C’est ainsi qu’en définitive ceux qui vivent de l’économie parallèle en restent prisonniers, malgré les coûts élevés qu’implique de fonctionner de manière souterraine (il faut par exemple rester caché du fisc, donc se localiser dans des endroits qui ne sont pas commercialement intéressants), ainsi que les inconvénients qui résultent de ne pouvoir bénéficier des institutions dont le rôle est précisément de faciliter le commerce et les échanges(droit des contrats, droit civil, droit des faillites). Et c’est ainsi également que les pays pauvres se privent du concours de ressources humaines et financières, mais aussi de savoir-faire, de connaissances et d’aptitudes locales, qui restent dramatiquement sous-utilisées alors qu’elles ne demanderaient qu’à fonctionner de manière productive si on le leur permettait.
C’est à ce niveau que, fondamentalement, se joue aujourd’hui le drame du développement africain. Il est vrai qu’en admettant que le développement est d’abord et avant tout "un processus de responsabilisation", ou encore qu’il ne peut résulter que de "l’application maîtrisée par les Africains des règles de l’économie", leur nouvelle approche du développement représente un grand progrès dans la déjà longue histoire des plans africains. Il n’en reste pas moins qu’elle continue d’ignorer totalement cette dimension essentielle du problème.
Ancrer les droits de propriété dans la réalité humaine vivante
La résurrection économique du continent africain dépend de multiples facteurs économiques, sociaux, politiques, culturels aussi, fort bien analysés dans les documents du "Nouveau Partenariat pour le Développement Africain". La conclusion de ce qui précède est cependant qu’elle passe d’abord par la capacité des sociétés africaines à se doter de systèmes juridiques apportant enfin à leurs populations la capacité de transformer leurs actifs fonciers et immobiliers en véritable capital financier. Ce qui, à son tour, implique l’intégration des acteurs de leurs économies parallèles dans un ensemble de réseaux juridiques qui confèrent enfin à leurs droits de propriété tous les attributs d’une propriété moderne
Il est tentant de croire qu’il suffit d’importer les pratiques juridiques de l’Occident, son code de la propriété, son code du commerce, ses procédures notariales, ses techniques cadastrales, ses habitudes bancaires aussi, pour conférer à la propriété coutumière des habitants des zones défavorisées d’Afrique ou d’Amérique latine la même liquidité que sur les marchés des pays riches. En réalité l’expérience - notamment celle des dix dernières années dans les anciens pays communistes - montre à quel point cette approche est inappropriée. Pour une raison généralement mal perçue par les dirigeants et les experts, et qui tient à ce que la propriété, comme le résume l’économiste péruvien Hernando de Soto, est "une réalité vivante" qui n’existe pas indépendamment des contrats sociaux dans lesquels elle se trouve ancrée
Pour que ces gens puissent en quelque sorte rentrer dans le droit, pour que le droit formel de la propriété puisse leur être appliqué de manière efficace, encore faut-il que ce droit leur soit compréhensible, que la différence entre les procédures et les instruments sur lesquels il se fonde et les outils auxquels ils sont habitués ne soit pas trop grande, au point de rendre impossible le rapprochement entre les deux pratiques. Sinon le droit restera lettre morte, les habitants continuant de se fier à leurs vieux critères coutumiers
Telle est précisément la raison qui explique l’échec des réformes agraires où les nouveaux droits fonciers sont distribués en fonction de critères conçus sur de beaux plans d’arpenteurs mais qui ne tiennent pas compte des réalités et habitudes humaines locales que les administrateurs des réformes ne connaissent pas puisqu’ils viennent généralement des villes, lorsque ce n’est pas de l’étranger
Pas de développement sans démocratie
Il est bien que les organisations internationales consacrent beaucoup d’argent à aider les pouvoirs publics de ces pays à réaliser de vastes programmes de relevés topographiques ou d’établissement de cartes détaillées faisant appel aux techniques les plus modernes de la photogrammétrie. C’est utile, mais encore faut-il au préalable. clarifier la situation réelle des droits de propriété existants : savoir qui possède quoi, qui peut vendre un bien ou en jouir, pas seulement en fonction de la loi formelle - souvent importée et déterminée par des structures juridiques préfabriquées reposant sur des contrats sociaux élaborées à partir de réalités et de contextes différents -, mais au regard des pratiques concrètes et coutumières observées par les gens ordinaires. Plus que toute autre chose, c’est le recueil de cette information sur les arrangements en vigueur, et sur leur manière d’organiser les rapports des gens entre eux quant à l’usage des biens fonciers et immobiliers, qui est essentielle.
Le problème dans les pays africains, comme en Amérique latine ou dans l’ex-Union soviétique, est que même là où les appareils juridiques formels sont en place, il y manque encore les mécanismes nécessaires pour localiser, décoder et systématiser ces informations concrètes cruciales que les populations locales possèdent quant à la situation réelle des propriétés et des droits fondamentaux en vigueur.
La solution ne peut venir que de moyens politiques et juridiques, donc d’une action purement locale et non pas de l’aide internationale. Elle suppose que les pays concernés redécouvrent les vertus de rapports démocratiques, seuls à même d’ancrer le droit dans des conventions locales reconnues et respectées, et par là même d’offrir aux droits de propriété la garantie durable recherchée
Il existe de nombreux liens entre démocratie et développement. Par exemple, la démocratie libére la parole et, ne serait-ce que pour cette raison, la transition démocratique est une chance pour les pays africains qui la connaissent. Il ne peut pas y avoir de création, il ne peut pas y avoir d’innovation sans liberté de la parole - même si cela se fait parfois dans des conditions un peu désordonnées. Cela dit, il ne faut pas se méprendre sur la nature principale de ce qui rend la démocratie désirable, inévitable, si l’on veut que les efforts actuels et futurs de développement réussissent. Cela n’a pas tant à voir avec la présence d’élections transparentes et régulières, l’acceptation d’une opposition, la soumission au principe de la majorité, et tous autres aspects institutionnels formels du fonctionnement démocratique, qu’avec la reconnaissance que c’est dans les gens ordinaires, dans leurs opinions, mais aussi et surtout dans les obligations réciproques, formelles ou informelles, individuelles ou collectives, qu’ils se reconnaissent mutuellement et dont l’expérience prouve qu’elles sont respectées, que nait la source du droit, et donc les droits de propriétés confiés à la garde du corps politique démocratiquement désigné
Nous savons à quel point la loi de la majorité peut parfois se transformer en instrument de tyrannie. Nous savons aussi à quelle vitesse une "démocratie participative" peut tourner à la rivalité et à la confrontation entre groupes d’intérêts rivaux se querellant pour exploiter la rente sur le dos des autres. Ce n’est pas pour cela que la démocratie est souhaitable. Mais parce que son ancrage dans la souveraineté populaire et le respect pour les institutions spontanées de la société civile (ou de la société coutumière) traduit en principe le souci des pays qui l’adoptent de fonder leur droit sur des contrats sociaux et des arrangements concrets reconnus et vécus par le peuple ; et que ce n’est qu’à cette condition que les droits de propriétés créés par la loi peuvent bénéficier de la stabilité et de la sécurité nécessaires à l’émergence de conditions économiques favorables à la croissance.
Redécouvrir les vertus de la démocratie africaine
Ainsi que l’explique Hernando de Soto dans son dernier livre The Mystery of Capital : "Il existe nécessairement une corrélation très forte entre la solidité des systèmes de droits de propriété et les institutions démocratique. Pour établir un bon système de droits de propriété, il est très important d’avoir une démocratie en ce sens qu’il est impossible de mener à bien ce projet sans comprendre en profondeur l’attitude des masses par rapport aux choses, à la terre et aux actifs. Il faut commencer par là avant de pouvoir intégrer les droits de propriété à un ensemble de lois vraiment efficace".
C’est ce que les américains avaient compris. Si les Etats-Unis sont une démocratie exemplaire c’est moins en raison de leurs pratiques politiques actuelles qu’en raison de ce que leur histoire, aux 18ème et 19ème siècles, avec les "homestead laws" (lois de préemption et d’occupation des sols par possession de fait), offre le précédent exemplaire d’une ancienne société coloniale ayant développé son système de droits de propriété non pas sur un ordre juridique (britannique) importé, mais sur la reconnaissance du droit de ses pionniers de régler à leur façon, par la démocratie locale, nombre de questions de propriété (droit d’établissement, droits sur l’eau, droits des cités minières).
De ce point de vue l’Afrique, en raison de la richesse et de la diversité de ses cultures traditionnelles, n’est pas aussi dépourvue que l’on pourrait le croire. Bien au contraire, si l’on admet les analyses que George Ayittey, un professeur américain d’origine nigérianne, développe sur les blocages politiques du développement africain. S’il est vrai que la démocratie se fonde sur la tolérance de la critique et la liberté d’expression, sur l’art de solliciter les avis et les options différentes, ou encore la recherche du consensus, alors, conclue-t-il, il faut bien admettre que, même s’il n’y avait pas formellement de "Parlement", l’ordre des vieilles chefferies traditionnelles de l’Afrique pré-coloniale était à cet égard souvent plus démocratique que celui de bien des Etats modernes.
"La nouvelle initiative africaine" était donc parfaitement dans le juste lorsqu’elle rappellait à quel point "la culture fait partie intégrante des efforts de développement du continent". A condition toutefois d’y voir moins une contribution à la variété des expériences de l’humanité qu’une source réelle et fiable de renouvellement de ses propres modes de gouvernance politique.