L’islam ventriloque

La difficulté vient de là : il n’existe pas un seul islam, et l’islam est, tout à la fois, texte et contexte, foi et loi, individu et société, Etat et religion... Si l’islam est si globalisant, il faudra alors qu’on ait la décence d’avouer que les terroristes sont aussi des musulmans, musulmans et terroristes.

Depuis longtemps, nous sommes nombreux à nous épuiser à démontrer que l’islam, comme tout monothéisme, valorise la paix (silm ou salâm), qu’il assimile à la sécurité et au salut, et que les musulmans ne vivent pas dans une jahilia (paganisme) moderne, que la souveraineté divine n’emporte pas la gestion profane de la société.

Et voilà que les talibans et leurs acolytes ridiculisent l’islam en forçant les musulmans à expliquer au monde qu’il n’est pas contre le rire, les œuvres d’arts et la musique !

Alors, si autant de précédents militent contre le terrorisme, comment se fait-il que l’islam demeure l’une des dernières civilisations à produire, à grande échelle et régulièrement, des Ben Laden ? Le nombre ? Serions-nous plus nombreux que les Chinois ? La misère ? L’Afrique est encore plus pauvre. L’impérialisme ? L’Amérique latine, ayant à subir une domination américaine plus pesante, a produit des héros sympathiques. La Palestine ? Qui peut sincèrement prédire que le terrorisme prendra fin avec le règlement pacifique du conflit ?

Pourquoi les démocrates et les défenseurs des droits humains peinent-ils à recruter, alors que les extrémistes engrangent les militants ? Nous ne pourrons nous en sortir sans un débat contradictoire et sérieux sur notre culture politique et notre façon de penser et agir en politique.

Admettons-le : les terroristes sont sortis du ventre mou de l’islam. Un islam ventriloque qui parle par notre bouche pour qu’on lui fasse dire une chose et son contraire. Dans ce débat, nous qui sommes socialisés dans un contexte culturel islamique, mais par conviction laïcs, universalistes et cosmopolites, nous avons le droit de demander aux croyants, aux pratiquants sincères et libéraux, d’assumer leur responsabilité pour condamner ouvertement le terrorisme et sans faux-fuyants, comme l’humiliation, la discrimination ou la victimisation.

Il appartient aux musulmans d’affirmer haut et fort que la guerre sainte, si elle pouvait se justifier par le passé, est désormais obsolète, que le monde aujourd’hui est un monde de solh (réconciliation) ; que le terrorisme et le suicide n’ont aucun fondement dans la sainte et pacifique religion. Quant aux Occidentaux, il est également grand temps pour eux de repenser leurs alliances.