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Santé et Liberté...
vendredi 18 avril 2003
Quelle activité est plus réglementée, controlée, encadrée que celle-ci ? N’est-il pas étonnant et scandaleux que ce domaine primordial dans la vie de tous, indissociable du bien-etre, aux confins de la morale et de l’éthique, de l’économie et de la politique, de l’individu et de la collectivité soit à ce point ignoré par la liberté ? Car le système de santé en France, dans ses moindres composantes, est aux antipodes d’un système libre. Démographie médicale, marché du médicament, protection sociale, revenus des médecins, pas un pouce de terrain qui ne soit sous la coupe – directe ou indirecte, visible ou plus sournoise – de l’Etat. Aucune profession « libérale » n’est aussi « fonctionnarisée » que celle de médecin. Comment comprendre que la liberté, revendiquée, exigée, parfois bruyamment pour les activités les plus insignifiantes, tout légitimement d’ailleurs, ne le soit pas avec plus de vigueur pour la santé ? Se contenter d’une telle situation ne peut s’expliquer que de deux manières : soit elle profite réellement à chacun, soit elle profite à certains au détriment des autres, la désinformation expliquant alors l’adhésion d’une majorité de ces derniers à un système injuste. Croire à la première hypothèse revient à penser qu’en ce domaine (et donc probablement en d’autres), l’absence de liberté profite à tous.
La santé, la protection sociale sont des sujets graves. Trop graves aux yeux de beaucoup pour les « soumettre » à un régime libre. Cette croyance est un paradoxe monstrueux pour qui a réellement foi dans les bienfaits de la liberté. Si elle ne devait etre réservée qu’aux activités futiles et sans importance mais soigneusement écartées des autres, pour les en préserver, comment pourrait-on croire plus longtemps que la liberté est une valeur universelle ? Une valeur qui dépend des circonstances est suspecte. Cette aversion qu’a la plupart de la population de voir se développer la liberté dans le monde de la santé s’explique aisément : outre la désinformation savamment orchestrée par beaucoup, responsables politiques et syndicaux en tete, mais aussi médecins profitant de ce système, une autre raison majeure existe : la peur de la responsabilité. C’est une règle qui ne souffre pas l’exception : la liberté ne peut etre sans responsabilité. Dans le monde médical, la responsabilité est plus que jamais indissociable de la liberté. Elle concerne tous les acteurs, aux premiers rangs desquels les patients qui, rendus libres de leurs choix de protection sociale retrouveraient une responsabilité que le système infantilisant du monopole de la sécurité sociale leur a supprimé depuis des décennies. L’absence de liberté peut etre un confort empoisonné. La recouvrer implique un apprentissage, celui de la responsabilité. C’est lui qui inquiète tant. Comme l’écrivait Frédéric Bastiat dans un texte prophétique sur les dérives de la protection sociale rédigé en 1849 : « Mais alors on s’apercevra qu’on est réduit à compter avec une population qui ne sait plus agir par elle meme (…) »
Les institutions assurant la protection sociale, quelles que soient leurs natures, seront elles aussi soumises à une responsabilité engendrée de fait par la concurrence et le libre-arbitre des patients. Les médecins verraient également une évolution (positive) de leur responsabilité vis à vis des autres acteurs du système. La responsabilité qui leur incombe aujourd’hui est inique : cette responsabilité collective qui punit la masse ou tout au moins la culpabilise ou menace de la punir quand les objectifs de dépenses édictés par les technocrates sont dépassés est détestable. Elle doit etre abandonnée au profit d’une responsabilité individuelle librement définie entre l’ensemble des protagonistes concernés. Tout comme seule existe la liberté individuelle, la responsabilité collective est un concept vide de sens qu’il est temps d’oublier. Dans un tel système, l’industrie pharmaceutique serait plus que jamais soumise aux impératifs du marché (de sécurité, d’efficacité et de rentabilité), qui, quoi qu’en pensent une majorité de gens, profiteraient bien plus au consommateur-patient que la rigidité administrative qui enserre cette branche particulière de l’industrie. Il n’est pas du propos de cet article de défendre les avantages ou l’accroissement d’efficacité d’un système de santé libre (qu’il serait par ailleurs très intéressant de développer).
Il n’est pas non plus d’esquisser le tableau auquel pourrait ressembler un tel système ni meme d’en dessiner les grands principes fondamentaux (qui seront à définir). Son objet est simplement de dénoncer l’ineptie selon laquelle la liberté serait non seulement non indispensable mais meme mauvaise pour une activité humaine particulière. Que tous ceux qui s’opposent aux réformes libérales aussi profondes que nécessaires du système de santé assument clairement leur refus de considérer la liberté comme une valeur universelle et leur peur inavouée de la responsabilité.