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Quelle constitution européenne ?
dimanche 18 avril 2004
L’objet du texte élaboré par les conventionnels était clair : il s’agissait de renouveler à 15, et même à 25 voire 27 à présent, l’équilibre entre la méthode communautaire, d’essence intégrative, et la mécanique intergouvernementale classique.
Alors oui bien sûr ce texte n’est pas parfait ; oui il a donné lieu à un cuisant échec, que l’on peut attribuer tant aux velléités conservatrices de plusieurs Etats-membres, tels que l’Espagne et la Pologne, qu’aux approximations de la présidence italienne. Néanmoins, il faut mettre en perspective à notre sens le texte du projet de constitution européenne avec les échecs des débats institutionnels d’Amsterdam et de Nice. De ce point de vue, l’action menée par VGE constitue un éclatant succès. Ici il s’agit d’un authentique projet de constitution, et non pas d’un simple catalogue de mesures, comme trop souvent. Il y a un authentique souffle, duquel on peut s’abriter ou que l’on peut, au contraire, pousser, dans le texte de la convention.
Sur les quatre finalités du texte, il est permis de se sentir très satisfait des résultats, tout à la fois équilibrés et ambitieux, obtenus par VGE et ses conventionnels.
En premier lieu, le projet de constitution comporte une logique d’unification : les trois piliers de Maastricht (politiques générales, PESC et enfin coopération judiciaire et pénale) seraient fusionnés. En d’autres termes, cela signifierait que les domaines de la justice et des affaires étrangères feraient l’objet d’une communautarisation, tandis que, jusqu’à présent, seule s’applique en l’espèce la négociation classique intergouvernementale. Les principes fondamentaux de l’Union européenne seraient par ailleurs rassemblés dans une constitution qui intègrerait la Charte des droits (issue du Traité de Nice de décembre 2000).
Mais le projet de constitution, c’est aussi une formidable tentative de clarification. Est en effet reconnue la nécessité, pour nous fondamentale, d’une reconnaissance de la personnalité juridique pleine et entière de l’UE. Au-delà, la volonté de clarification passe essentiellement par l’abandon qui est proposé, des règles de vote absurdes issues du compromis de Nice. A compter de 2009, nous passerions de manière fort heureuse à une majorité qualifiée au conseil représentant à la fois la majorité des Etats membres, et les 3/5e de la population de ceux-ci. Voilà tout à la fois un gage de simplicité et de stabilité au sein du Conseil, la manière probablement la plus heureuse de parvenir à ne pas sombrer dans l’ornière trop fréquente des blocages institutionnels.
Mais le projet de constitution, c’est aussi une volonté ferme de stabilisation. En effet, le projet de VGE prévoit la création d’un président du Conseil européen, élu par les chefs d’Etat et de gouvernement pour une durée de deux ans et demi. Est-ce une mesure purement symbolique ? Il n’en est rien à notre sens, dans la mesure où, par ailleurs, la commission européenne verrait ses effectifs resserrés, autour de quinze membres, à partir de 2009 là encore, et où les institutions européennes désigneraient un ministre des Affaires étrangères, pour mettre fin à la dualité actuelle qui oppose plus qu’elle ne réunit le Haut représentant à la PESC (J. Solana) et le commissaire chargé des relations extérieures (C. Patten). La fusion de ces deux fonctions permettrait de donner un visage à l’Europe auprès de nos partenaires extérieurs.
Enfin, il ne faut pas omettre que le projet de constitution comprend une tentative de renforcement des institutions communautaires. Le vote à la majorité qualifiée serait systématisée dans de nombreux domaines qui, pour l’instant, restent soumis à la règle de l’unanimité. Seule la fiscalité, les questions sociales et la politique étrangères resteraient hors du champ de la majorité qualifiée, ce qui, en l’état actuel des débats au sein de chaque Etat-membre, semble des plus sages.
Par ailleurs, la notion de coopération renforcée, qui permet à un groupe de pays qui souhaite avancer dans l’intégration communautaire, de ne pas être freiné par les autres, recevrait une officialisation dans le projet de constitution. Un secteur pourrait tout particulièrement faire florès, celui des questions relatives à la défense, dans la mesure où plusieurs pays continentaux pourraient désirer d’ici peu avancer dans l’intégration de leurs forces armées.
Certes il est bien clair que des difficultés subsistent. Peut-on se contenter de l’éventualité de l’exercice d’un droit de veto dans des domaines de compétences pourtant vitaux pour conduire une politique communautaire cohérente ?
Doit-on se résoudre à abandonner l’idée avancée par d’aucuns d’institutionnaliser un « congrès européen », qui marquerait le lien effectif qui unit les parlements nationaux de chaque Etat-membre avec le parlement européen ?
Ne faudrait-il pas adopter des principes de coordination des politiques budgétaires mais aussi sociales, alors que font rage en Europe la déflation et le chômage ?
Par ailleurs, le projet de constitution n’apporte pas de réponse face à l’hyperpuissance tant commerciale que culturelle ou encore militaire des Etats-Unis. L’éviction commerciale et industrielle prochaine de l’Europe par le fait de l’Asie, et de la Chine en particulier, n’a pas fait l’objet de la moindre interrogation par les conventionnels. Néanmoins, ce texte nous semble porteur d’un formidable espoir pour les peuples européens.