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La directive fantôme
vendredi 22 avril 2005
Premièrement, cette directive n’existe pas. Ce n’est qu’un projet, lequel ne deviendrait applicable que s’il allait au bout - ce qui est fort peu probable en l’état - du chemin encore long qui doit passer par le Conseil des ministres et, au moins deux fois, par le Parlement européen.
Deuxièmement, la libre circulation des services est inscrite dans le droit communautaire depuis l’origine, en 1957. Représentant près de 70 % de l’activité économique, les services n’entrent néanmoins que pour environ 20 % dans les échanges au sein de l’Europe. Matérialiser leur libre circulation ne serait donc pas un tournant, mais plutôt la poursuite dans une voie qui a plutôt bien réussi aux autres secteurs de l’économie qui s’y sont modernisés.
Troisièmement, le fait que s’applique, parmi les Etats membres, le droit du pays d’origine est une constante. Toutefois, elle s’accompagne ici de deux séries de garde-fous. D’une part, certains services sont explicitement exclus (services publics, santé, éducation...). D’autre part, la directive de 1996 sur les travailleurs détachés est expressément confirmée, ce qui signifie que continuera de s’imposer la loi du pays d’accueil en matière de temps de travail ou de salaire minimum, de sorte que le spectre, constamment agité, d’un dumping social généralisé, s’il n’est pas inexistant, est, au minimum, sérieusement cantonné.
Quatrièmement, ce document est juridiquement et politiquement sans rapport avec la Constitution européenne. Juridiquement, c’est dans le cadre des traités actuels qu’il a été élaboré, dans leur cadre aussi qu’il pourrait être adopté, s’il y avait lieu, sans qu’un non au référendum y change quoi que ce soit. Politiquement, le même principe - celui de la libre circulation - peut être traduit dans une norme d’inspiration ultra- libérale ou, à l’inverse, dans un souci plus affirmé de compromis. Mais le choix en faveur de l’une ou l’autre option relève des rapports de forces politiques au sein de l’Union, et non d’une fatalité inscrite dans ses textes fondamentaux. En France aussi, la liberté d’entreprendre est un principe constitutionnel, et cela n’empêche nullement que des majorités différentes puissent conduire des politiques elles-mêmes différenciées.
Que ce projet de directive ait été mal rédigé, au point d’être mal compris, cela ne fait aucun doute. Que, malgré cela, il ait fait l’objet d’une insistance têtue de la part de M. Barroso a été pour le moins inopportun. Il reste que, déjà beaucoup moins dangereux qu’on ne croit, il sera entièrement refait. Alors, voué à rejoindre sans tarder le cimetière des textes mort-nés, ce serait un non-sens qu’il puisse y entraîner la Constitution, qui n’a rien à voir avec lui