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Du principe de précaution dans la Constitution
samedi 22 avril 2006
Ceux-cis sont tout d’ abord d’ ordre scientifique. Toute l’ histoire de la science est aussi celle de prises de risque modérées, jaugées à l’ aune de leur utilité. Découvrir, avancer dans la science et la connaissance, c’ est aussi faire un pas vers l’ inconnu, vers ce que l’ on ne peut – par essence - pas connaître à priori. « dé-couvrir », comme la contruction du mot en atteste, c’ est lever une partie du voile qui masque la connaissance non encore acquise, c’ est faire scintiller une nouvelle étoile dans la ciel noir de la science. Le Noir, ce que l’ on ne peut pas voir. La découverte et le progrès présupposent donc l’ avancée vers l’ inconnu, le risque. Le rejeter systématiquement, c’ est faire une croix sur toute avancée scientifique ou technologique. Voici donc le premier risque. Et il est d’ autant plus important que le progrès est l’ un des vecteurs les plus prometteurs dans la résolution de nos problèmes environnementaux .
Le second risque est juridique. Le principe de précaution tel qu’ il a été consacré est, de fait, une norme de rang supérieur à l’ ensemble des autres normes, lois, traités ou réglements. C’ est donc donner un pouvoir exorbitant aux hommes de l’ Etat et aux magistrats que de graver ce principe dans le marbre constitutionnel. Loins d’ être proportionnées aux risques réels – par essence immesurables lorsque l’ on chemine vers l’ inconnu – les mesures prises par les élus et les juges le seront en fonction des menaces politiques et médiatiques. Un nouvel obscurantisme... Bouleversant notre conception traditionelle du Droit selon laquelle la preuve est à la charge de l’ accusateur, nous voici en train de constitutionnaliser une nouvelle chimère : non plus la liberté « responsable », mais la liberté « présumé coupable », non plus la responsabilité individuelle, mais la responsabilité collective, non plus la preuve, mais le soupçon...
Il en découle inévitablement un danger pour la démocratie. Si les interdictions ne sont prononcées qu’ au prorata des enjeux politiques et médiatiques – et, in fine, démagogiques – (comme cela est nécessairement le cas), le pouvoir et la vérité sont désormais entre les mains des faiseurs d’ opinion, « des marchands de peur, des prophètes de la catastrophe et des fabricants de bouc émissaires. », comme le souligne fort justement Alain Madelin.
A ceux qui craindraient la « loi de la jungle », ou un « déchainement anti-environnemental » en cas de refus du principe de précaution, j’ oppose le principe de responsabilité civile, l’ une des bases de tout société libérale et de tout Etat de droit. Il est clairement inscrit dans notre législation. Il s’ agit de l’ article 1382 du Code civil : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Ainsi se trouvent maitrisés les risques. Ainsi se trouve aussi encouragé le progrès.
Il me faut, en guise de conclusion, remercier l’ humanité de n’ avoir pas édicté ce principe plus tôt. Je m’ adresse en cela plus particulièrement aux hommes préhistoriques qui ont eu le courage d’ apprendre à maitriser le feu, malgré les immenses risques que cela comportait, pour en faire un formidable vecteur de progrès et d’ innovation.Il nous est permis d’ imaginer les « altermondialistes » de l’ époque s’ insurger contre un tel progrès. Le regrette-t-on aujourd’ hui ?
Illustration sous licence Creative Commons : Drapeau