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Pourquoi faut-il combattre les Droits de l’Homme… de 1948
samedi 22 avril 2006
C’est cette adhésion unanime aux Droits de l’Homme qui caractérise notre société moderne. Les Droits de l’Homme imprègnent tellement nos habitudes mentales que nous acquiesçons spontanément à leur principe sans toujours en mesurer la portée. Nous aimons tellement ces droits que nous les confondons volontiers avec la déclaration universelle des Droits de l’Homme des Nations Unies de 1948 qui s’en distinguent pourtant nettement sur le fond.
Ainsi, lorsque nous interrogeons l’homme de la rue sur les Droits de l’Homme, ce dernier pense spontanément à la lutte contre la torture, au droit d’asile pour les réfugiés politiques, à l’abolition de la peine de mort, à la pénalisation des génocides. Bref, l’homme de la rue cite quatre points qui n’apparaissent… absolument nulle part dans la déclaration de 1789 !
Car contrairement à une idée reçue, la déclaration de 1789 ne s’oppose nullement à l’usage de la torture, seule la loi décidant « des formes prescrites de la détention » (article 7). Pareil pour le droit d’asile pour les réfugiés politiques, qui n’apparaît nulle part dans la déclaration de 1789 mais s’avère retenue dans celle de 1948 (article 14). Et quant à l’abolition de la peine de mort revendiquée haut et fort par la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), elle n’apparaît ni dans la déclaration de 1789, ni dans celle de 1948…
Pire : pour beaucoup de nos compatriotes, le procès de Nuremberg constitue l’acte moral fondateur des Droits de l’Homme de 1948. Alors que ce procès constitue une violation caractérisée de ces mêmes Droits puisque, en vertu de l’article 11, « nul ne sera condamné pour des actions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d’après le droit national ou international ». La qualification de crimes contre l’Humanité n’existant pas encore à l’époque des Nazis, ces derniers échappaient de fait à son champ d’application ! Bien entendu cette violation du droit ne doit pas nous empêcher de dormir. Mais cette anecdote illustre toute la confusion entourant les Droits de l’Homme, et notamment l’amalgame entre la déclaration de 1789 et celle de 1948 qui, bien loin de la compléter, tend à brouiller sa claire compréhension.
Pour toute personne qui a déjà eu entre les mains les deux déclarations, il saute aux yeux que la déclaration de 1948 donne l’impression d’un fouillis intellectuel face à la perfection juridique de son prédécesseur. Ce fouillis intellectuel, que renforcent des principes angéliques du style « Tous les êtres humains […] doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité » (article 1), s’explique aisément par des raisons historiques : cherchant à dépasser leurs différences idéologiques et culturelles, les membres des Nations Unies devaient trouver des principes plutôt consensuels qui ne froissent guère la susceptibilité des pays impliqués. Prenons un exemple : l’article 3 déclare que « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ». Mais de quelle liberté d’agit-il ? Quelle définition la déclaration onusienne accorde à la notion capitale de « liberté » ? Preuve de son vif intérêt pour la « liberté », il faut se plonger dans l’avant-dernier article pour obtenir une ébauche de réponse habilement dissimulée dans l’évocation des devoirs humains (article 29) : « […] dans la jouissance de ses libertés, chacun n’est soumis qu’aux limitations établies par la loi exclusivement en vue d’assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d’autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général […] »
On comprend que cette exception faite à la liberté quand se trouvent menacés « l’ordre public » et « l’ordre général » avait de quoi rassurer nombre de régimes autoritaires présents sur les bancs des Nations Unies... A l’inverse, la déclaration de 1789 avorte toute possibilité d’interprétation liberticide en déclarant simplement que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits » (article 4).
De même l’article 1 affirme que « Tous les êtres humains naissent […] égaux en dignité […] » . Mais que signifie exactement cette notion de « dignité » ? La dignité revendiquée par les uns ne diffère-t-elle pas de la dignité revendiquée par les autres ? De nombreux islamistes estiment que la critique de leurs croyances religieuses porte atteinte à leur « dignité », faut-il donc interdire la critique de l’islamisme au nom de la « dignité » d’autrui ? A aucun moment la déclaration de 1948 ne croit bon de préciser ce concept très subjectif de « dignité », à l’inverse de la déclaration de 1789 qui se garde bien d’évoquer à tort et à travers des concepts pêchant par leur géométrie variable.
De son côté l’article 5 stipule que « nul ne sera soumis […] à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » Qu’entend la présente déclaration par « traitement inhumains ou dégradants » ? Le principe de la détention est-il un traitement dégradant ? N’est-ce pas inhumain de priver un prisonnier de sa liberté naturelle ? Aux yeux de la déclaration de 1948, il semblerait qu’il faille donc libérer dans la nature tous les psychopathes dont nos prisons regorgent…
Enfin intéressons-nous à l’article 24 : « Toute personne a droit […] à une limitation raisonnable de la durée du travail et à des congés payés périodiques ». Qu’entend la déclaration par « limitation raisonnable de travail » ? 35 heures hebdomadaires ? 40 heures ? 60 heures ? 90 heures ? Nul ne le sait. Cette absence totale de précision laisse évidemment toute liberté aux syndicats pour réclamer tout et n’importe quoi. Et qu’entend la déclaration par « congés payés périodiques » ? Une période d’un jour de congé tous les 10 ans ne répond-t-elle pas à cette définition absurde, pour ne pas dire stupide ?
Nuançons tout de même notre propos et reconnaissons que certaines déclarations brillent au contraire par leur clarté, notamment celles qui attaquent de front certaines injustices rencontrées dans le monde musulman comme l’héritage accordé aux femmes (article 16), la liberté d’apostasier l’islam (article 18), le refus de l’esclavage (article 4) seulement aboli en Arabie Saoudite en 1962. Mais cette indéniable clarification de certains droits élémentaires s’oppose à l’impression de flou entourant des concepts aussi capitaux que la liberté ou même l’égalité, entretenant dès lors un malaise légitime.
Plus fondamentalement, il apparaît clairement que les déclarations de 1789 et 1948 ne partagent pas du tout la même définition du principe central d’égalité. Ainsi le premier article de la déclaration de 1789 déclare : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ».
Cette dernière précision est importante : loin de professer l’égalitarisme, la déclaration de 1789 reconnaît la légitimité des « distinctions sociales » si ces dernières procèdent d’une utilité générale ou encore résultent « des vertus et des talents » (article 6). Ainsi l’entrepreneur fortuné n’a aucune raison de se culpabiliser, car pourvu que sa richesse soit le fruit d’un travail bénéficiant à l’ensemble de la société, son élévation sociale rentre en accord avec l’esprit des Droits de l’Homme version 1789 qui lui reconnaît d’ailleurs très clairement le droit à la propriété (article 2).
Ainsi la déclaration de 1789 reconnaît l’égalité en droits, mais nullement l’égalité en faits rêvée par les mouvements altermondialistes ou l’extrême gauche. C’est au nom de cette distinction capitale entre l’égalité en droits et l’égalité en faits que la majorité des Français refusent par exemple le concept dangereux de « discrimination positive », laquelle ne s’intéresse pas aux mérites des individus mais à la visibilité de telle communauté, les avantages conférés à une communauté particulière violant par définition « l’utilité commune » dictée par l’article 1. L’égalité en droits et l’égalité en faits se trouvent dès lors distinguées.
A l’inverse, la déclaration de 1948 sabre toute nuance en ne retenant que la première partie de l’article 1 : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. » Mais de quels droits s’agit-il ? De la liberté d’expression ? Du droit à un procès équitable ? En réalité la déclaration de 1948 va beaucoup plus loin, comme le suggère l’article 22 :
« Toute personne […] est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité […] »
La satisfaction des « droits économiques et sociaux », que la déclaration de 1948 se garde bien d’ailleurs de préciser, fait littéralement exploser la subtile distinction entre égalité en droits et égalité en faits. En effet, l’étendue potentielle des « droits économiques et sociaux » s’avère tellement vaste que toute distinction économique ou sociale entre deux individus rentre logiquement dans son champ d’application. Or n’oublions pas que la déclaration insiste – assez lourdement d’ailleurs – sur « l’égalité en droits », ce qui signifie que l’intégration des droits économiques et sociaux dans la déclaration de 1948 empêche théoriquement toute différenciation économique et sociale entre deux individus. Si ce n’est pas du communisme à l’état pur, alors qu’est-ce que c’est ?
Prenons un exemple : l’article 23 affirme que « tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal. » Au regard de l’article 23, la Chine n’aurait donc pas le droit de faire travailler ses ouvriers du textile à un salaire dix fois moindre que les ouvriers français du même secteur… Or c’est bien l’instauration d’un « salaire inégal pour un travail égal » qui permet aux entrepreneurs chinois de faire jouer à plein la concurrence et de rattraper le retard économique de leur pays.
Malgré cette évidence, la libre concurrence du marché du travail semble constituer aux yeux des droits-de-l’hommistes une infamie qu’il faudrait combattre avec la même énergie que la pratique de l’esclavage ! Heureusement que les pays asiatiques n’ont pas prêté beaucoup d’attention à cette idée grotesque, car s’ils avaient eu la faiblesse de le faire, ils seraient certainement resté dans la misère la plus insoutenable, cette même misère que semblent pourtant regretter les défenseurs de la Déclaration de 1948…
Autre exemple : le même article 23 s’attarde sur le « droit au travail » qui semble une évidence. Sauf que ce « droit au travail » est extrêmement ambigu : s’agit-il du droit à ne pas être privé arbitrairement de travail ou du droit à obtenir immédiatement un travail ? Dans le second cas, cela signifierait que tout chômeur aurait le droit de se retourner contre la société (ou l’Etat) pour réclamer le travail qui lui manque. Contraint d’offrir un travail même improductif, l’Etat se verrait alors sévèrement plombé sur ses finances publiques, ce qui n’est pas la meilleure solution.
Terminons par l’article 26 qui affirme que « L’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l’homme […] » Nous voilà en plein débat sur l’Ecole et sur la question de savoir si le système éducatif a pour finalité de transmettre un savoir ou de faciliter « le plein épanouissement » personnel de l’élève ! Alors que depuis mai 68, notre Ecole tend à centrer ses efforts sur l’épanouissement personnel de l’élève à défaut de la transmission du savoir, force est de constater que cette politique étrangère aux besoins réels du marché alimente cruellement le chômage des jeunes à la sortie du système éducatif… Or cette dérive ludique dont les jeunes sont les premières victimes, c’est la déclaration de 1948 elle-même qui la comporte en germes…
Alors que la déclaration plutôt libérale de 1789 renvoie les citoyens à leurs propres « talents et mérites » dans leur réussite ou leur échec social, la déclaration de 1948 cautionne un esprit de revendication sociale qui aboutit à la mentalité d’assistanat dont nous constatons les ravages dans notre pays. La généralisation des droits à l’ensemble des activités humaines, notamment en matière économique et sociale, conduit une sanctification bizarre de l’égalité en faits qui n’a pas d’autre nom que l’égalitarisme. A cet égard, il est triste de constater que la République Française ait renié ses valeurs libérales en signant la déclaration de 1948. Cette signature explique l’effacement progressif des valeurs authentiquement républicaines au profit d’une déclaration de 1948 dont l’inspiration socialiste contribue aux blocages psychologiques et corporatifs de notre pays.
Contre cette dérive insupportable, il devient urgent de réagir. S’il existe une souveraineté que la France doit revendiquer avec force, c’est bien celle de défendre sa perception des Droits de l’Homme qui n’a rien à envier aux déclarations démagogiques du machin onusien. Au nom des Droits de l’Homme de du Citoyen, sortons vite de la déclaration de 1948 !