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Parents en taule, enfants protégés

dimanche 22 avril 2007

Rien qu’avec ces deux éléments, il y aurait de quoi faire assez de commentaires pour une demi-douzaine de chroniques, tant la déconnexion stratosphérique des personnages concernés (l’entremet froid et le mammouth haineux) d’avec la réalité amène, en soi, une solide dose de gaieté dans ce monde parfois si gris.

En effet, la crédibilité d’un auteur de romans s’en trouverait assez amoindrie s’il lui venait l’idée saugrenue de créer un personnage assez idiot pour proposer, officiellement, dans un programme électoral, une augmentation franche, massive et non limitée des impôts. Cet auteur, déjà passablement éreinté par la critique avec cette invention consternante, ne gagnerait pas davantage de crédit et devrait probablement changer d’éditeur bien vite si, dans le même ouvrage, il proposait en parallèle un autre personnage, roublard, moustachu[1], cynique, goguenard, menteur et calculateur qui ferait tout pour se retrouver en taule afin d’y mener une campagne électorale pour un poste présidentiel qui, pour l’observateur attentif, rime de plus en plus avec pestilentiel.

De même, si l’on observait rapidement l’autre partie du spectre gravement polarisé du paysage politique français, on trouverait certainement matière à réfléchir devant l’auto-satisfaction affichée haut et fort par l’arriviste de la place Beauvau. Il serait en effet irresistible de rapprocher les déclarations du frétillant ministre lorsqu’il fanfaronne "J’ai rompu avec la résignation et le renoncement" des troublants résultats d’une enquête menée par Europe-1 concernant le nombre réel de voitures brûlées pendant la nuit du nouvel an ; d’un côté, on affiche un petit 396, de l’autre, un joli 683. Avec une telle différence, notre sinistre de l’Intérieur est rigolo à l’extérieur puisqu’il semble s’être résigné à abandonner toute honnêteté statistique. Si l’on ajoute la création presque poétique de la notion de voitures brûlées "par propagation", on dispose ici d’un sujet à part entière.

Ces quelques éléments, en soi, fournissent donc bien matière à commentaires, et occupent facilement l’avant-plan d’une scène théâtrale bien chargée si l’on y rajoute les aventures godeluresques du candidat masochiste de l’extrême-centre avec les média (in J’y suis beaucoup mais j’en voudrais plus), les agitations névrotiques des fossiles cacochymes du PC en mal de direction, et le couinement constant et pénible des alterchauffagistes brandissant leur apocalypse du moment.

Mais pour cette fois, il serait intéressant que le spectateur se munisse de petites jumelles pour discerner l’arrière-plan, voire, lorsque les décors le permettent en laissant un jour se produire, les coulisses, et tenter d’apercevoir les lents mouvements de mastication de la Machine à Etouffer De l’Homme qui ronronne sans fin.

Avec un peu d’attention, on y verrait ainsi les efforts désespérés teintés de résignation du Syndicat des Industries de Matériels Audiovisuels et Electroniques qui conteste la taxe instaurée sur les disques durs. Les efforts désespérés visent à faire annuler cette taxe qui s’appuie uniquement sur la capacité des disques sans tenir compte de l’utilisation qui en est faite. En gros, plus le disque est gros, plus il est estimé par cette taxe que son utilisateur est un sale petit copieur / voleur / pirateur de données numériques protégées. Si par exemple, vous avez la bêtise de n’utiliser votre disque qu’à des fins strictements légales, on vous a donc taxé pour des actes que vous ne commettez pas. Quant à ces efforts, on les sent tout de même teintés de résignation, puisque le Syndicat en question n’est pas contre cette utilisation des DRM, et accepte donc de fait le brigandage malsain opéré par les associations d’auteurs plus ou moins mafieuses en chevilles avec l’Etat via un lobbying efficace du ministère de la Culture.

Cette résignation, ce renoncement est d’ailleurs intéressant en lui-même puisqu’il est la marque d’une étatisation avancée, subie et finalement acceptée, assumée et quasi-revendiquée. On la retrouve parfaitement dans certains discours qui visent à décomplexer l’homme politique de ses méfaits, par exemple concernant la dette de l’Etat ou le trou l’abysse de la Sécu. On entend, à mesure que la fin s’approche, des discours étonnant et lénifiants (voire léninifiants) disant en substance que cette dette n’existe pas, que ce trou n’est qu’un résultat comptable bidon, ou qu’il est nécessaire, presque bénéfique. Pour cela, on utilisera l’argument imparable : "l’Etat n’est pas assimilable à une entreprise privée : il est éternel et différent par la nature de ses missions". Bien sûr. Eternel, comme le fut l’Etat Russe pour rembourser ses emprunts. Eternel et solide comme le fut l’Etat argentin. Eternel, solide et "bankable", comme on dit, comme l’est actuellement le Vénézuela dont les investisseurs fuient à toutes jambes en laissant la bourse plonger dans les affres d’un krach. Et Différent, puisqu’il a la force, celle de ponctionner sans fin (il est infini) les contribuables dont il a la charge. Ce serait oublier qu’un bailleur de fonds, aussi généreux ou sûr de la solidité de son débiteur soit-il, finit toujours par réclamer sa mise. Et le paiement n’a jamais lieu, lui, à un horizon infini. Si, d’ailleurs, il était possible pour un état de produire de la dette non-stop, on se demande bien pourquoi certains états (l’Italie par exemple) n’obtient pas non plus la note maximale auprès des agences spécialisées, et on se demande même pourquoi on note cette émission de dette, puisqu’elle est si solide...

Il est d’ailleurs particulièrement notable qu’on en revient toujours à ces arguments ("solidité de l’Etat, bonne gestion intrinsèque des institutions, l’Etat n’est pas une entreprise, etc...") lorsque, précisément, les nuages noirs s’amoncellent.

Une chose est certaine en tout cas : l’agitation en avant-scène, les mouvements dilatoires et masticatoires en coulisse et les flons-flons de la fête médiatique continue arrivent presque parfaitement à cacher bien plus grave : le grignotement continuel de nos libertés au profit de l’Etat.

Avec les lois votées pour la protection de l’enfance, on assiste à une véritable orgie de ces lois liberticides. Ainsi, plusieurs dispositions reprennent les recommandations de la commission d’enquête sur les conséquences des sectes pour les mineurs. L’une d’elles punit de six mois de prison et 3.750 euros d’amende le fait de s’opposer aux obligations de vaccination des enfants contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite ou la tuberculose. L’Assemblée nationale a aussi décidé d’appliquer la même sanction à toute personne ayant assisté à un accouchement et ne l’ayant pas déclaré dans les délais légaux de trois jours.

Ce qui est habile, ici, est de faire intervenir le sentiment, le passionnel, pour encadrer encore plus le citoyen, sa famille et sa conception morale dans un cadre toujours plus strict. Une question vient en effet à l’esprit : le bénéfice d’une vaccination étant évident, pourquoi l’imposer ? Les parents qui décideraient quelque chose contre le bien de l’enfant n’auront, au final, qu’eux-mêmes à blâmer s’il arrive malheur. En instaurant une obligation de la sorte, s’il arrive malheur lors de la vaccination, la charge de la responsabilité est alors renversée sur la collectivité. On ne comprend pas d’ailleurs à quoi sert cette loi :
- si le vaccin n’est pas administré et que l’enfant n’en subit aucune conséquence, on peut certes reprocher l’insouciance et la prise énorme de risque des parents, mais finalement, qui est lésé ?
- si l’enfant subit les conséquences de l’absence de vaccin, en quoi l’amende de 3750 euros rendra l’enfant plus heureux ? En quoi le fait de coller ses parents en prison améliore la situation ? Quel bénéfice la collectivité en retire-t-elle ? Un enfant malade (et gravement, dans le cas de la diphtérie, de la polyo, tuberculose) constitue en soi une punition fort grave. Quel intérêt ?

Dans le cas de l’accouchement, c’est pareil : s’il se passe bien, qui est victime ? S’il se passe mal, la mère n’a-t-elle pas déjà subi fort lourd préjudice ?

En pratique, il y a bien une bonne raison de vouloir ces lois. Mais elle n’est pas à chercher dans l’émotion, la compassion vis-à-vis des enfants qu’elles sont sensées protéger. En effet, ces lois n’existaient pas l’année dernière encore, et le nombre d’accouchement non-déclaré et/ou non médicalisé est très faible (voire microscopique) ; le nombre d’opposition à la vaccination aussi.

En fait, ces lois ne protègent pas l’enfant. Elles protègent la collectivité. Contre deux coûts :
- l’émotionnel, en désignant clairement un coupable (le parent fautif, le médecin peu scrupuleux), une victime (l’enfant), un juge (la collectivité) et une sanction (du fric et de la taule). Ce coût émotionnel est directement quantifiable en nombres d’heures d’antenne, de papiers pondus, de lois votées, de députés mobilisés, de larmes coulées.
- le bassement économique, constitué par les coûts collectifs des erreurs de jugements des parents. Un enfant malade, cela coûte à la collectivité. Un enfant non déclaré, c’est un petit citoyen futur contribuable mal ou pas identifié, qui peut là aussi, éventuellement mal suivi médicalement, être malade ou générer des coûts sur la collectivité.

Eviter ce problème aurait pû passer par une dé-collectivisation de ces coûts. Les députés (ces politiques qui ne vivent, par essence, que de collectivisation) ont choisi l’autre voie. Pour tous, ce sera donc la punition, la restriction de liberté et l’infantilisation.

L’Etat s’occupera de vous, du téton au sapin.

Notes

[1] Note à mes lecteurs moustachus et ou barbus et ou poilus en général : je n’ai rien contre ce trait, notez bien, mais j’ai l’impression que le José en use, comme le Bernard Thibault de sa coiffure mireillemathiesque, pour accroître son capital sympathie rétroïde. Marketing habile ?

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