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La Révolution : un Manifeste

The Revolution : A Manifesto, Ron Paul, Grand Central Publishing, 2008, 173 pages

jeudi 21 août 2008

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Dans sa campagne présidentielle historique, Ron Paul cita maintes fois la Constitution comme une référence pour juger de la politique du gouvernement américain. Pour cela, certains libertariens l’ont critiqué. Ron Paul n’est-il pas coupable de « culte de la Constitution » ? Qu’est ce qu’un document, qui s’efforce d’associer les Articles de la Confédération à un gouvernement plus efficace et puissant, a à voir avec le libéralisme ? En fait, selon certains de ses critiques les plus sévères, Ron Paul ne peut pas être qualifié de libéral.

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Dans La Révolution : Un Manifeste, Ron Paul répond magnifiquement à cette fausse et irresponsable accusation. Il est tout à fait conscient de la valeur limitée de la Constitution : elle est loin d’être un accord idéal. Néanmoins, elle demeure la loi fondamentale des Etats-Unis et, si elle est interprétée correctement, elle offre un excellent moyen de contrôler la déprédation d’un gouvernement qui viole ses articles.

« Ce qui est certain, c’est que la Constitution des Etats-Unis n’est pas parfaite. Peu d’inventions humaines le sont. Mais celle-ci est assez bonne, je pense, et elle définit et limite l’envergure du gouvernement. Lorsque nous prenons l’habitude de ne pas y prêter attention, nous le faisons à nos risques et périls.(p.67) »

En disant cela, une nouvelle question est soulevée : comment la Constitution doit-elle être interprétée ? Ron Paul répond que l’on doit la lire d’une façon conforme au principe fondamental de ce texte qui est la promotion de la liberté. A ce propos, il cite à juste titre un discours de Daniel Webster qui traite d’inconstitutionnel le principe de la conscription. La Constitution n’aborde à aucun moment ce sujet : comment être alors certain que le gouvernement ne dispose pas de ce pouvoir ? Daniel Webster affirme que depuis que la Constitution aspire à promouvoir la liberté, aucune violation de cette dernière ne peut être constitutionnelle, à moins qu’elle ne l’affirme explicitement.

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« Un gouvernement libre avec des moyens arbitraires pour l’(la Constitution)appliquer est contradictoire ; un gouvernement libre sans les dispositions adéquates pour le sécurité personnelle est une absurdité ; un gouvernement libre avec un pouvoir de conscription incontrôlé est un solécisme le plus ridicule et abominable qui soit venu à l’esprit humain.(p.56, citant Daniel Webster) »

L’analyse de Webster, adoptée ici par Ron Paul, ressemble étroitement à la méthode d’analyse constitutionnelle de Lysander Spooner avec laquelle il tenta de démontrer l’inconstitutionnalité de l’esclavage bien avant l’adoption du XIIIème Amendement.

L’intérêt principal de la Constitution était de résister au gouvernement ; nous ne pouvons donc pas adopter un schéma d’interprétation qui nous empêche de réaliser ce but.

Bien entendu, la tentative récente la plus connue de Ron Paul d’utiliser la Constitution pour contrôler le pouvoir fédéral a des conséquences sur la guerre en Irak. La Constitution investit le Congrès, et non le président, du droit de déclarer la guerre. Ainsi, la guerre en Irak est illégale car le Congrès n’a pas voté une telle déclaration. Les partisans de la guerre ne peuvent en appeler à une résolution d’ « autorisation de l’usage de la force ». Le Congrès ne peut constitutionnellement pas déléguer son pouvoir de déclaration de guerre au président, lui laissant ainsi décider quand la force doit être convenablement utilisée [1].

Ron Paul rend sa critique encore plus forte en la reliant à la tradition de la guerre juste. Une partie de celle-ci, qui ne soulève aucune controverse, affirme que la guerre ne peut être juste sauf si elle est initiée par une institution qui dispose de l’autorité de la déclarer. Dans notre système de gouvernement, c’est le Congrès qui possède ce pouvoir. Ainsi, l’absence de déclaration de guerre par le Congrès rend la guerre en Irak injuste. (Ce point ne doit pas être mal interprété. Ce n’est pas une exigence pour toutes guerres justes d’être autorisées par une résolution législative : c’est seulement si le système légal investit le pouvoir de déclarer la guerre de cette manière qu’il ne peut être exercé autrement.)

Ron Paul utilise aussi la Constitution pour ausculter la politique monétaire. Comme chacun sait, il est un défenseur compétent et efficace de l’école autrichienne d’économie. « Je m’identifie personnellement à une école de pensée économique connue comme l’école autrichienne d’économie dont les figure-clés du XXème siècle sont Ludwig von Mises, F.A. Hayek, Murray Rothbard et Hans Sennholz. » (p.102) Cet étudiant attentionné de Murray Rothbard réalise, bien mieux que n’importe quel membre du Congrès, que des finances saines nécessite l’abolition de la Réserve fédérale et la restauration de l’étalon or. Il montre que la Constitution peut être lu dans un sens qui encourage ces objectif. Le gouvernement se voit accorder le pouvoir de frapper la monnaie, mais exclusivement de l’or et d’autres métaux précieux, si on en croit les limitations affirmées par Ron Paul. Celui-ci soutient que fabriquer de la monnaie est spécifiquement interdit par la prohibition sur l’émission de papier-crédit.

« Le pouvoir de réguler la valeur de la monnaie ne signifie pas que le gouvernement fédéral peut déprécier la monnaie ; les Pères Fondateurs ne lui auraient jamais donné un tel pouvoir qui ne serait rien de plus que la capacité de codifier une définition du dollar qui existe déjà... en termes d’or. Il se réfère également au pouvoir du gouvernement de décréter le taux entre l’or et l’argent, ou entre l’or et un autre métal, basé sur la valeur de marché de ces métaux.(pp. 138-139) »

Contre l’analyse suivie par Ron Paul, certains pourraient objecter que la Constitution doit être lue comme un document « vivant ». Pourquoi devrions-nous nous préoccuper aujourd’hui des intentions des Fondateurs de la Constitution ? Ron Paul répond qu’une « constitution vivante » élimine toutes les limites au pouvoir du gouvernement.

« C’est pourquoi sur cette issue, je (Ron Paul) suis d’accord avec l’historien Kevin Gutzman, qui affirme que ceux qui veulent nous donner une constitution « vivante » sont actuellement en train de nous donner une Constitution morte, puisqu’une telle chose est incapable de nous protéger contre les usurpations de pouvoir du gouvernement.(p.49) »

L’intérêt principal de la Constitution était de résister au gouvernement ; nous pouvons donc pas adopter une schéma d’interprétation qui nous empêche de réaliser ce but.

La Révolution : un Manifeste ne traite pas seulement des questions de droit constitutionnel. En raison de l’importance centrale de la résistance à la politique étrangère belliqueuse de l’administration Bush, je propose de porter notre attention sur le traitement de ce sujet par Ron Paul.

Comme je l’ai mentionné, Ron Paul défend la tradition non-interventionniste des Etats-Unis. Dans un livre récent, Dangerous Nation (Knopf, 2006), Robert Kagan, dont j’ai critiqué le livre par ailleurs, a avancé une surprenante revendication. Il dénie qu’une politique interventionniste, que lui et ses partisans néoconservateurs soutiennent, brise cette tradition. Au contraire, il affirme que, depuis son commencement, l’Amérique est désireuse d’apporter aux autres sa forme de gouvernement, basée sur des principes de liberté. Elle a toujours favorisé les révolutions démocratiques à l’étranger. La quête pour apporter la démocratie en Irak n’est pas une aberration de Bush et ses conseillers, mais une solide tradition américaine.

Ron Paul ne fait pas référence à Robert Kagan, mais il offre une argumentation suffisante pour réfuter ce point de vue déraisonnable. Il cite à la fois John Quincy Adams et Henry Clay qui rejettent toutes interventions en vue d’aider les révolutions dans les pays étrangers. Adams dit sur l’Amérique :

« Elle sait bien qu’une fois enrôlée sous d’autres bannières que la nôtre, même si elles étaient les bannières de l’indépendance, elle s’impliquerait elle-même au-delà de sa capacité à se retirer, dans toutes les guerres d’intrigues et d’intérêts, d’avarice individuelle, d’envie et d’ambition, qui assume les couleurs et usurpe l’étendard de la liberté.(p.13) »

De même Clay affirmait : « Par la politique à laquelle nous avons adhéré depuis l’époque de Washington (...) nous avons fait plus pour la cause de la liberté que les armes n’auraient pu le faire. » La thèse de Kagan vole en éclat devant l’histoire qu’il prétend interpréter [2].

Paul démontre tout aussi efficacement que la politique étrangère de Bush rompt avec le conservatisme américain. Dans ses débats télévisés avec McCain, Giulani et les autres, il a attiré plus d’attention en se référant au Républicanisme de Taft. Il poursuit sur ce thème dans La Révolution : un Manifeste et note également que Félix Morley, Richard Weaver, Russell Kirk et Robert Nisbet – tous d’éminents conservateurs – condamnaient l’interventionnisme rampant de la politique étrangère post-wilsonienne.

« Nisbet rappelle à ses lecteurs que la guerre est révolutionnaire, pas conservatrice. Il met en garde également sur les propositions socialistes qui deviennent souvent, en temps de guerre, les lois du pays.(p.33) »

Quelque soit la validité de l’isolationnisme dans le passé, les attaques du 11 septembre n’ont-elles pas changé entièrement les choses ? Maintenant nous devons combattre le jihad global qui vise à détruire notre manière de vivre et les vieilles règles ne s’appliquent plus.

Ron Paul rétorque que les attaques terroristes constituèrent une réponse à l’interventionnisme américain au Moyen-Orient et non une vague attaque contre les Etats-Unis en tant que tel. Si nous en arrivions à cesser notre coûteuse intervention dans cette région, il y a toutes les raisons d’espérer que la menace terroriste s’apaisera. A cet égard, Ron Paul cite Michael Scheuer, le fameux expert sur Al Qaida :

« La seule chose qui rassemble la vague coalition autour d’Oussama Ben Laden est une haine commune des musulmans pour l’impact de la politique étrangère américaine... Dans la mesure où nous changeons de politique dans l’intérêt des Etats-Unis, ils seront de plus en plus focalisé sur leurs problèmes locaux.(p.18) »

La guerre en Irak n’a pas seulement causé des morts et des destructions. Elle a porté atteinte à nos libertés civiles. Le « mal-nommé Patriot Act » (p.114), comme Ron Paul nomme cette loi scélérate, autorise l’administration à arrêter et détenir sans procès n’importe qui, même des citoyens américains. De telles lettres de cachet ne sont-elles pas la cause de la Révolution française ? Même John Ashcroft, un défenseur des libertés civiles, condamna, avant sa nomination au poste d’Attorney Général, des mesures qu’il imposera plus tard. « En tant que sénateur durant les années Clinton, John Ashcroft mit en garde contre les invasions de la vie privée proposées » (p.117). Ron Paul, ne s’arrêtant pas à la critique, a proposé des lois concrètes pour en finir avec ces outrages.

Le livre exceptionnel de Ron Paul doit être impérativement lu par tout ceux qui tiennent à la liberté.


[1Certains partisans de l’exécutif pensent que le président peut utiliser la force si cela n’entraîne pas de conflit formel. Louis Fischer, Presidential War Power (University Press of Kansas, 1995) et John Hart Ely, War and Responsability (Princeton, 1995) ont efficacement réfuté cette position. Cf. mes recension dans, respectivement, The Mises Review, Printemps 1997 et Printemps 1996.

[2Pour plus de discussion, cf. ma recension du livre dans The American Conservative, 15 janvier 2007

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