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après les élections européennes de 1999

Faut-il sauver la droite ? (2)

« La droite doit se débarrasser du gaullisme »

vendredi 9 juillet 1999

Pourquoi la droite s’enfonce-t-elle dans une telle crise d’identité ?

Parce qu’elle est comprimée dans une camisole de force : l’élection du président de la République au suffrage universel. C’est elle qui crée l’opposition binaire droite-gauche alors que le tempérament national est plutôt ternaire. Depuis la révolution, on a toujours eu, au minimum, trois camps : une gauche, un centre libéral et modéré et une droite nationale. L’élection présidentielle comprime ces tempéraments. Ce système, qui a d’abord provoqué la grande souffrance de la gauche en l’empêchant longtemps d’accéder au pouvoir, génère aujourd’hui la crise d’identité de la droite. Il contraint des gens qui ont assez peu de points communs à s’entendre pour exister. L’échec électoral n’est que le résultat d’un échec intellectuel, la cohabitation de deux forces antagonistes : le centre et les nationalistes.

Comment la droite peut-elle se dégager de cette camisole ?

En tirant un trait sur le nationalisme puisque ce n’est pas une force d’avenir. C’est l’équivalent à droite de ce que fut le communisme à gauche, c’est-à-dire la gestion du passé. Les communistes ont longtemps géré le souvenir de la révolution, les souverainistes gèrent aujourd’hui le souvenir d’une France mythique qui fut grande, rayonnante, etc. Comme les communistes, ils ne disparaîtront pas mais deviendront marginaux, comme une réserve d’indiens. Si la droite ne fait pas l’impasse sur les nationalistes, elle n’aura jamais ni identité, ni projet.

Et quel peut-être ce projet ?

La force d’avenir ne peut être que la société libérale. Il n’y a pas d’alternative. La droite doit s’appuyer sur une analyse économique qui découpe la France en deux : une France protégée et une France exposée. La première est celle des fonctionnaires et de tous ceux qui bénéficient d’un statut très protecteur dans le secteur privé. La gauche gère cette France statutaire. L’autre, la France sur le marché, est celle des salariés du secteur privé, des professions libérales, des chefs d’entreprises, des cadres, etc. Il faut réinventer une construction politique qui fasse de la droite le parti de la France exposée, une droite qui serait nécessairement, politiquement et économiquement, libérale.

Mais la France, vieux pays colbertiste, est réfractaire au libéralisme ?

C’est une vieille légende, mais c’est historiquement faux. Le développement industriel au XIXe siècle fut ultralibéral, l’Etat n’est pratiquement pas intervenu. Même chose dans les années 20, ou au début de la Ve République lorsque Jacques Rueff était aux commandes de l’économie. Les libéraux n’ont pas besoin d’aller chercher des modèles à l’étranger, comme Thatcher ou Reagan, il leur suffit de se référer à Tocqueville ou Raymond Aron. Le libéralisme a donc une légitimité historique, une actualité, une base électorale et sociologique, une opportunité, bref, c’est le seul projet contemporain cohérent qui puisse constituer une alternative au socialisme. Giscard fut incontestablement le premier président d’inspiration libérale, il a provoqué une vraie rupture des comportements et du discours. Depuis, si le libéralisme ne séduit plus, c’est qu’il n’est porté par personne ou qu’il est mal porté. Il faut avoir le physique de l’emploi : une combinaison de Raymond Barre pour la dimension économique et de Simone Veil pour la dimension compassionnelle.

Pas vraiment un tandem porteur d’avenir ?

C’est vrai. Et on n’a pas aujourd’hui, parmi les leaders de la droite, un attelage de la même envergure avec vingt ans de moins. Le projet libéral souffre d’une absence de représentation liée au fait que les hommes politiques sont des apparatchiks qui appartiennent à une nomenklatura. Les leaders politiques de droite sont un peu mal à l’aise avec ce discours parce qu’eux-mêmes, dans leur histoire personnelle, n’ont pas d’expérience de la société ouverte. A l’exception d’Alain Madelin, ils viennent tous de la société fermée. Jacques Chirac, François Bayrou, Alain Juppé n’ont jamais connu que la haute fonction publique. Or, il y a un certain déterminisme social des comportements intellectuel et politique. Pour eux, le libéralisme n’est pas quelque chose de vécu, c’est quelque chose d’emprunté. Ils instrumentalisent ce discours un temps, l’abandonnent, le reprennent, etc. Et faute de continuité, leur crédibilité est nécessairement faible. S’il n’y a pas une véritable reproduction sociale des élites politiques à droite, la droite est morte.

Reste que l’idéologie libérale est électoralement minoritaire ?

Elle n’a pas vocation à rassembler 100 % des Français, il suffit de 30 % pour gouverner. La droite doit d’abord se débarrasser du gaullisme. Elle doit rompre avec l’unanimisme. Le général de Gaulle appartenait à cette philosophie politique, héritée de Péguy ou de Maurras, qui veut que quelque chose dépasse les divisions nationales. Or cette mystique du rassemblement, typiquement gaulliste, n’a aucune signification. Prisonnière d’un discours de rassemblement, la droite perd son identité... et ne rassemble plus personne. A vouloir faire à tout prix une majorité, on dit tout et son contraire pour ratisser large. On est un peu colbertiste, un peu libéral, un peu nationaliste... Et le tout aboutit à des soustractions. Il vaut mieux une opposition structurée autour d’un projet, fût-il minoritaire. Ce projet, à terme, deviendra majoritaire.

A partir d’un noyau libéral ?

La droite ne peut pas reprendre le pouvoir autrement car le projet libéral, lui, n’interdit pas les alliances. Un pôle nationaliste qui fait de la souveraineté le seul grand débat interdit les alliances. Par définition, ce discours totalement passionnel, idéologique et intransigeant confine à la solitude. Alors que les libéraux sont, par tempérament, des mous. Ils considèrent que non seulement l’adversaire a droit à la parole, mais qu’il détient une part de la vérité. Ils ne jugent pas que la société ouverte est la seule qui marche, mais qu’elle marche mieux. Ils doivent donc s’imposer à droite. Dès lors les nationalistes suivront parce qu’ils n’auront plus le choix. Comme toute la gauche, communistes en tête, a emboîté le pas de Mitterrand quand celui-ci s’est imposé.

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