Sur l’antifascisme

Aujourd’hui, le débat politique se résume à un combat contre les "fascistes". Cela conduit à substituer à la vision politique du monde une vision exclusivement morale, comme le dit Finkielkraut. Or la politique se doit d’embrasser la pluralité humaine.
A l’inverse, la vision morale, angélique dirons certains, voire inénique, regarde le monde en termes de dualité : les bons et les méchants. Alors le vocabulaire du camp antifasciste adopte les mêmes mots, les mêmes expressions que le camp des amis de Jean-Marie Le Pen : "Le Pen pollue", "Les métastases cancéreuses du Front national". Et c’est logique d’utiliser ce vocubulaire médical, d’éradicateurs : si le monde se réduit à l’affrontement entre le bien et le mal, il faut éliminer ce dernier.
La France est obsédée par son passé, les exemples abondent. Beaucoup de gens de l’après-guerre ne veulent pas, eux, manquer leur rendez-vous avec l’histoire. D’où la tentation d’adopter une posture historique : "au moins, moi, j’aurais résisté". Cette passion saist tout le monde, au premier rang desquels les journalistes. Or la politique n’est pas une question de postures, et chaque époque impose à ceux qui la vivent des tâches inédites. Le Pen n’est pas Hilter, qu’on le veuille ou non. Il nous incombe plus modestement de faire perdre des voix au FN sans lui faire de concessions idéologiques. Il est à cet égard étonnant que de farouches antimilitaristes se prennent pour des héros postumes de la résistance, et rêvent, secrètement, d’une guerre totale qui pourrait éradiquer le mal absolu. On connaissait les anciens combattants de la 25e heure, mais ceux de la 50e année, c’est inédit.