Contrepoints

Accueil > Économie > Économie internationale > Crise financière > Les illusions dangereuses du retour de l’Etat

Les illusions dangereuses du retour de l’Etat

lundi 16 février 2009

Le retour de l’Etat s’effectue dans un cadre national. La mobilisation des fonds publics et de la garantie des contribuables des pays développés débouche sur la renationalisation des politiques et des systèmes économiques. Le blocage du crédit bancaire conduit Etats et banques centrales à financer directement les entreprises et les ménages, en reconstituant des circuits nationaux spécialisés – par exemple pour l’automobile et l’aéronautique. Les contreparties en termes de maintien de l’activité, de l’emploi et des sites qui accompagnent les aides publiques s’appliquent au territoire de l’Etat qui les verse. Les plans de sauvetage des banques et les programmes de relance sont mis en œuvre sur une base purement nationale, même si les premiers firent l’objet d’une concertation au sein de l’Union européenne. Enfin, la crise entraîne un regain des pressions protectionnistes et une cascade de dévaluations compétitives, des Etats-Unis aux pays émergents en passant par le Royaume-Uni.

L’intervention de l’Etat est légitime et indispensable face à l’effondrement du crédit et au risque de déflation. Le capitalisme mondialisé ne peut continuer à fonctionner sans institutions politiques, sans règles partagées, sans supervision fiable. Pour autant, ce retour en force de l’Etat est loin de constituer l’antidote universel face à la crise et paraît gros de désillusions futures.

Pour au moins six raisons.

1/L’Etat a contribué à certains des déséquilibres qui ont produit la crise par des politiques monétaires laxistes, des réglementations mal conçues ou le financement de la consommation par la dette publique comme en France.

2/Son intervention massive dans la gestion du secteur productif crée une économie mixte, lourde de conflits d’intérêts et peu performante comme productrice de services, notamment en France où la qualité de l’éducation, de la santé, des transports publics, de la justice évolue de manière inversement proportionnelle aux moyens humains et financiers.

3/Le renouveau de l’Etat s’inscrit pour l’heure dans une logique défensive qui éclipse les fonctions de régulation et d’anticipation, alors qu’il faudrait, en priorité, investir, accélérer les restructurations d’entreprise, former la population à l’économie de la connaissance, encourager la transition vers des modes de production respectueux de l’environnement.

4/La montée du protectionnisme et les dévaluations compétitives vont transformer la récession en déflation du fait de l’effondrement des échanges et des paiements mondiaux.

5/L’Etat national a montré son inaptitude à maîtriser les risques du capitalisme mondialisé, dont la supervision passe par l’émergence de principes communs et la coordination étroite de régulateurs continentaux.

6/La transformation des banques centrales en mégastructures de défaisance et la dérive des dettes publiques des pays développés, qui atteindront de 80 % à 100 % du produit intérieur brut en sortie de crise, créent une nouvelle bulle plus dévastatrice encore que celle du crédit.

La reprise en main de l’économie par l’Etat n’est pas moins dangereuse que le mythe de l’autorégulation des marchés. L’Etat et le marché ne sont pas substituables, mais complémentaires et doivent tous deux se réformer.


- Illustration sous licence Creative Commons : [Minist

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Se connecter
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)