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Comment le gouvernement a créé la crise financière
lundi 16 février 2009
Nombreux sont ceux qui demandent une commission d’enquête sur la crise financière, à la manière de celle mise en place pour le 11 septembre. Une telle enquête ne devrait pas occulter la responsabilité majeure du gouvernement. Mes études soulignent que les actions et interventions du gouvernement - et non je ne sais quelle défaillance systémique ou instabilité du secteur privé - ont provoqué, prolongé et radicalement aggravé la crise.
L’explication classique des crises financières est qu’elles sont provoquées par des excès - fréquemment monétaires - qui déclenchent un boom et un krach inévitable. Cette crise n’a rien de différent. Une bulle immobilière suivie par un krach a causé des défauts d’emprunteurs, l’explosion des emprunt immobiliers et des actifs financiers fondés sur ces emprunts puis la débâcle financière en résultant.
Les excès de la politique monétaire ont été la cause principale du boom. La Fed a maintenu son taux d’intérêt cible, en particulier en 2003-2005, nettement en dessous des recommandations monétaires connues qui indiquent quelle politique serait adaptée en fonction de l’expérience historique. Maintenir les taux d’intérêt aux niveaux qui ont bien fonctionné dans les deux décennies passées, aurait permis d’éviter le boom et le krach. Des chercheurs de l’OCDE ont apporté des preuves permettant de le corroborer dans d’autres pays : plus le laxisme monétaire a été grand dans un pays, plus la bulle immobilière a été importante.
Les effets du boom et du krach ont été amplifiés par plusieurs facteurs aggravants comme l’utilisation des subprimes et des taux variables, qui ont conduit à des prises de risque excessives. Il y a également des éléments montrant que ces prises de risque excessives ont été encouragées par les taux d’intérêt exagérément bas.
Les taux de défaut et de saisie varient inversement de l’évolution du prix de l’immobilier. Ces taux ont baissé rapidement pendant les années où les prix de l’immobilier montaient rapidement, entrainant probablement la souscription de nombreux emprunts immobiliers et induisant beaucoup de monde en erreur.
Des taux variables, du subprime et d’autres emprunts immobiliers étaient conditionnés dans des produits financiers d’une grande complexité. Les agences de notation ont sous-estimé le risque de tels produits, soit en raison d’un manque de concurrence, d’une certaine irresponsabilité ou, plus probablement, de la difficulté à évaluer le risque, difficulté inhérente à leur complexité.
D’autres actions du gouvernement intervinrent : les organismes quasi publics Fannie Mae et Freddie Mac ont été encouragés à se développer et à acheter des produits financiers assis sur des emprunts immobiliers, y compris ceux construit à partir des emprunts subprimes, risqués.
L’action de l’Etat a également contribué à prolonger la crise. Notons que la crise financière est devenue aigüe le 9 et 10 août 2007, quand les taux sur le marché monétaire ont cru de façon très importante. Les spreads (écarts), comme celui entre le taux à trois mois et le prêt interbanque au jour le jour (overnight), montèrent à des niveaux jamais vus.
Diagnostiquer la raison de cette augmentation subite était fondamental pour déterminer quelle réponse serait appropriée. Si c’était un problème de liquidité, alors il aurait été approprié d’apporter plus de liquidités en rendant l’emprunt à la « discount window »(NdT : la discount window est un outil de la politique monétaire qui permet de prêter des liquidités aux institutions en manque de liquidités) de la Fed plus facile ou en donnant plus de lignes de crédit aux banques. Mais si c’était un risque de contrepartie qui expliquait la hausse soudaine des taux sur le marché monétaire, alors une insistance sur la qualité et la transparence des bilans des banques aurait été appropriée.
Rapidement, les acteurs de la politique publique ont interprété à tort la crise comme une crise de liquidités et ont prescrit le mauvais traitement.
Afin d’apporter davantage de liquidités, la Fed créa le Term Auction Facility (TAF) en décembre 2007. Son objectif premier était de réduire les spreads de taux sur les marchés monétaires et d’augmenter le volume de crédits. Mais le TAF ne semble pas avoir changé grand chose. Si la raison du spread était le risque de contrepartie et non les liquidités, cela n’est pas surprenant.
Une autre politique mise en place en réponse à la crise a été la loi de stimulus fiscal (Economic Stimulus Act of 2008), votée en février. L’idée forte de cette loi était de rendre aux ménages plus de 100 milliards de dollars afin qu’ils aient plus à dépenser et, partant, donnent un coup de fouet à l’économie et à la consommation. Cependant, les ménages dépensèrent peu voire rien du tout de cette baisse d’impôt (comme l’avait prévu Milton Friedman avec sa théorie du revenu permanent, qui soutient que les augmentations temporaires de revenu, à la différence des augmentations permanentes, ne déclenchent pas d’augmentation significative de la consommation). La consommation ne fut pas ravivée.
Une troisième politique publique mise en œuvre a été la baisse très importante des taux d’intérêts, de 5.25% en août 2009 jusqu’à 2% en avril 2008. Cela a été beaucoup plus rapide que ce que les recommandations monétaires telles que ma règle de Taylor conseillaient. L’effet le plus visible de cette baisse de taux a été une dépréciation très prononcée du dollar et une augmentation importante des cours du pétrole. Après le début de la crise, les cours du pétrole doublèrent jusqu’à 140 dollars en juillet 2008, avant de s’effondrer au rythme de la dégradation des anticipations de croissance mondiale. Mais il était déjà trop tard et les dommages du pétrole cher étaient déjà faits.
Après un an de remèdes aussi inappropriés, la crise s’est soudainement amplifiée en septembre et en octobre 2008. Nous faisons face à un credit crunch sérieux, affaiblissant sérieusement une économie souffrant déjà de l’impact persistant du pétrole cher et du dégonflement de la bulle immobilière.
Nombreux sont ceux qui ont soutenu que la raison de cette dégradation était la décision du gouvernement de ne pas empêcher la faillite de Lehman Brothers lors du week-end du 13-14 septembre. Une étude de ces évènements suggère que la réponse est plus complexe et n’est pas à chercher ici.
Si les spreads de taux augmentèrent légèrement le lundi 15 septembre, ils restèrent cependant dans la fourchette observée lors de l’année écoulée et ce pendant toute la semaine. Le vendredi 19 septembre, le Trésor annonça un plan de sauvetage, sans en dévoiler l’ampleur ou les détails. Pendant le week-end, le plan fut mis sur pied et, mardi 23 septembre, le président de la Fed Ben Bernanke et le secrétaire au Trésor Henry Paulson furent entendus devant le comité bancaire du Sénat. Ils mirent en place le TARP (Troubled Asset Relief Program. NdT : Fonds destinés à racheter les "actifs pourris" des institutions financières), indiquant qu’il s’élèverait à 700 milliards de dollars. Une ébauche de la loi fut communiquée, avec aucune mention de qui surveillerait le fonctionnement de l’organisme et quasiment aucune restriction sur la façon dont les fonds pourraient être utilisés.
Les deux hommes furent questionnés en détails et les réactions furent assez négatives si l’on en juge par le volume important de courrier le critiquant le plan que reçurent les membres du Congrès. C’est à la suite de ces auditions que l’on commença vraiment à voir la crise s’amplifier et les spreads de taux augmenter.
La prise de conscience par le public que le plan d’intervention de l’Etat n’avait pas été murement réfléchi, couplée au discours officiel selon lequel l’économie était en train de couler, déclencha probablement la panique observée dans les dernières semaines. Elle a par ailleurs été probablement amplifiée par les décisions de venir en aide à certaines institutions financières et non à d’autres ainsi que des programmes anti-crise confus et aux justifications fondées sur la peur. Quel raisonnement a pu faire intervenir les autorités pour sauver Bear Stearns, puis ne pas intervenir pour Lehman, puis intervenir à nouveau pour AIG ? Qu’est ce qui pourrait guider les opérations du TARP ?
Les évènements auraient pu s’enchainer autrement. Pour prévenir de nouvelles erreurs dans le futur, il est urgent de revenir aux principes fondamentaux de la politique monétaire, fondant l’intervention étatique sur des diagnostics clairement établis dans un cadre qui soit prévisible.
Une intervention massive avec peu d’explication fera probablement empirer les choses. Voici la leçon à tirer de la crise jusqu’à présent.
Tribune de John B. Taylor parue dans le Wall Street Journal du 9 f