Accueil > Argumentaires > Bibliothèque libérale > Realizing Freedom : Libertarian Theory, History, and Practice
Un ouvrage de Tom G. Palmer
Realizing Freedom : Libertarian Theory, History, and Practice
dimanche 20 décembre 2009
Un professionnel de la liberté
Depuis le début des années 1970, Tom G. Palmer a mené sa vie professionnelle selon un seul credo : la liberté est bonne pour tous. Aux États-Unis, il est reconnu comme étant un commentateur incisif de l’actualité du pays et un auteur original en philosophie politique. Membre fondateur du mouvement anti-conscription américain, directeur de plusieurs campagnes politiques, il a récemment participé à la poursuite en justice « Parker contre le District de Columbia », une action en justice couronnée de succès destinée à autoriser les résidants de ce territoire à posséder une arme à feu opérationnelle à leur domicile.
Docteur en sciences politiques issu de l’université d’Oxford, Tom G. Palmer est chercheur associé au sein de l’Institut Cato, directeur de l’Université de l’Institut Cato, vice-président en charge des Programmes Internationaux de la Fondation Atlas pour la Recherche Economique et directeur général de l’Initiative Mondiale de la Fondation Atlas pour le Libre-Échange, la Paix et la Prospérité.
Professeur itinérant et infatigable, il a voyagé sans cesse pour porter un message de liberté sur tous les continents. A la fin des années 1980 et au début des années 1990, Tom G. Palmer travaillait à diffuser les idées libérales en Europe de l’Est pour le compte de l’Institut des Études Humaines. Il y organisait des séminaires, dirigeait la traduction d’ouvrages de références en économie et en droit - parmi lesquels des travaux de Ludwig von Mises, Friedrich A. Hayek et Milton Friedman - et introduisait clandestinement des livres, de l’argent, des photocopieuses et des fax de l’autre côté du Rideau de fer à partir de son bureau viennois. Il continue à faire un travail similaire dans d’autres régions du globe, diffusant les idées de liberté dans une douzaine de langues et participant aux activités de nombreux think-tanks indépendants, notamment au Moyen-Orient, dans le Caucase ainsi qu’en Asie Centrale et Orientale. Il enseigne aujourd’hui l’économie politique et le droit constitutionnel à l’Institut des Études Humaines et l’Institut Européen des Etudes Économiques. Lorsqu’il ne participe pas à une conférence à Shangai ou qu’il ne rencontre pas des activistes libéraux au Pakistan, il anime aussi un blog populaire : www.tomgpalmer.com.
Les textes qui forment Realizing Freedom sont le résultat de trois décennies de réflexion et de travail sur le terrain à promouvoir la liberté individuelle partout dans le monde.
La somme de trois décennies de réflexion et d’action
Comme son titre l’indique, Realizing Freedom traite de la théorie, de l’histoire et de la pratique de la liberté d’un point de vue libéral. Tom G. Palmer signe un livre qui explore à fond ce que la liberté signifie et démontre que les idées et les réformes libérales sont raisonnables, pertinentes et capables de donner une grille de lecture fonctionnelle aux défis contemporains.
La première partie de l’ouvrage transmet au lecteur une connaissance solide de la nature de la liberté, de la justice et fait le point sur la moralité de l’économie de marché. La deuxième partie explore la longue tradition du libéralisme classique et sa pertinence pour les luttes libérales d’aujourd’hui. La troisième partie se concentre sur certains évènements et enjeux contemporains. La quatrième et dernière partie complète le livre avec une sélection de critiques littéraires et une superbe bibliographie [1] pour ceux qui aimeraient explorer plus avant les idées libérales et antilibérales.
Les lecteurs intéressés par la théorie politique seront comblés par sa brillante dissection et critique des arguments de nombreux philosophes politiques dont John Rawls, G.A. Cohen, Stephen Holmes, Cass R. Sunstein, Attracta Ingram, et John C. Calhoun.
L’ouvrage est une compilation d’essais, de discours et d’articles écrits par l’auteur de 1981 à aujourd’hui. Pourtant, une fois la dernière page tournée, le lecteur n’a pas l’impression d’avoir lu une collection de textes disparates. L’ensemble est d’une remarquable cohérence et utilité pour le lecteur du XXIème siècle.
La façon dont l’auteur expose ses idées est remarquable. Très bien documentés, intelligemment articulés, rédigés de manière précise, concise, modeste et avec une pointe d’humour, les textes sont extrêmement agréables à lire.
Plusieurs idées importantes apparaissent de manière récurrente tout au long d’un ouvrage qui couvre trois décennies de réflexion et d’action.
L’état de droit comme pré-condition d’une société libre
Les liens qui existent entre la liberté, les droits et l’état de droit ne sont pas si souvent abordés dans la littérature libérale contemporaine. Dans son ouvrage, Tom G. Palmer aide le lecteur à mettre le doigt sur l’interconnexion entre dignité et droits, autonomie et liberté, justice et état de droit.
La notion d’état de droit est directement abordée dans au moins quatre [2] des textes que comprend le recueil. L’importance cruciale du respect de l’état de droit est apparue de plus en plus évidente aux yeux de l’auteur au fur et à mesure qu’il travaillait à la promotion des idées libérales au sein de sociétés récemment délivrées de régimes totalitaires. L’état de droit, et plus précisément la stabilité des règles et des institutions légales d’un pays, est central dans la lutte pour la liberté sur tous les continents.
Lorsque John Locke affirme que « lorsqu’il n’y a pas de Loi, il n’y a pas de Liberté [3] » , il souligne que ceux qui ont le pouvoir d’éradiquer, de réassigner des droits ou de créer de « nouveaux droits » afin de traduire concrètement leurs désirs d’équité, d’efficacité ou d’une certaine communion nationale, ont en réalité le pouvoir de mettre à leur merci leur concitoyens et piétinent le peu de liberté qu’il leur reste.
La plus grande réussite de la conception classique du droit est d’avoir identifié la justice avec le respect mutuel des droits individuels. Cet acquis est aujourd’hui malmené par tous ceux qui appellent de leurs vœux le dépassement de cette équivalence au nom d’une certaine « justice sociale », diminuant ou brisant ainsi l’état de droit, les droits, et la justice qui sont les bases essentielles à l’appariation d’une société véritablement libre.
Mettre en valeur les narrations libérales dans chaque société pour resituer concrètement les droits universels abstraits
Comme Tom G. Palmer le souligne dans au moins deux [4] de ses essais, il n’existe ni civilisation purement libérale, ni civilisation purement autoritaire. L’aspiration à la liberté est une constante de l’histoire humaine dans son ensemble. Ainsi, ce que l’on peut appeler « idées libérales » ne peuvent pas être identifiées à la culture occidentale. La culture occidentale contient les idées de liberté, de justice, de doux commerce, de respect des droits et d’état de droit mais elle contient aussi les idées de coercition, de vol, d’esclavage, de génocide, de guerre et d’autres pratiques définitivement antilibérales.
Ainsi, le totalitarisme communiste chinois n’est pas issu d’une idée chinoise, à moins de considérer que Karl Marx était chinois. Les écrits d’auteur chinois comme Lao Tzu et Meng Tzu, bien antérieurs à la Magna Carta, aux travaux de l’Ecole de Salamanque et à la Déclaration d’Indépendance des Etats-Unis d’Amérique, sont un terreau fertile pour le développement d’idées libérales indigènes. La tradition islamique et la culture juridique africaine offrent des perspectives similaires pour les défenseurs de la liberté dans les régions concernées.
Toutes les cultures et les civilisations contiennent des récits de liberté et des récits de domination dans leur héritage culturel : la tâche des libéraux est de creuser dans l’histoire de leurs sociétés, d’identifier, d’extraire les anciens récits de liberté - les « narrations libérales » - et de connecter ces narrations avec la lutte contemporaine pour la liberté. Ce travail donnera à la liberté les racines profondes dont elle a besoin pour s’épanouir et décrédibilisera les efforts des ennemis locaux de la liberté.
Toujours défendre les idées libérales dans le débat idéologique
Au crépuscule du XIXème siècle, c’est sur le champ de bataille des idées que le libéralisme a tout d’abord été vaincu. Cet échec n’était pas matériellement inévitable. Les libéraux de l’époque ont simplement échoué à répondre de manière convaincante au défi intellectuel posé par les idéologies montantes dont les idées nouvelles s’insinuaient goutte après goutte dans tous les aspects de la vie quotidienne (la morale, l’art, la politique, la famille, les journaux, les livres, la vie sociale) et qui ont plus tard sacrifiées tant de vies humaines au nom de concepts comme « la nation », « l’état », « la race » ou « la classe ».
Nous pouvons donc croire que c’est dans le champ des idées que se dérouleront les batailles les plus décisives pour notre futur. S’ils ne veulent pas répéter les expériences désastreuses des générations qui les ont précédées, les libéraux d’aujourd’hui ne doivent jamais prendre à la légère ou concéder peu à peu aux nouvelles idées liberticides, ils ne doivent jamais se dérober devant la confrontation idéologique et ont le devoir de toujours combattre de manière équitable et ouverte les idées collectivistes de violence et d’oppression étatique.
Realizing Freedom est tout entier destiné à relever ce défi intellectuel. Tom G. Palmer y critique méthodiquement et brillamment nombre de théories opposées aux principes et aux institutions libérales. On lira tout particulièrement les bijoux argumentatifs que sont les chapitres intitulés “Madison and Multiculturalism” et “Twenty Myths about Markets”. Le premier offre une critique extrêmement bien construite du multiculturalisme américain. L’analyse de l’auteur est si systématique qu’elle sera très utile aux libéraux francophones confrontés aux revendications liées à la notion de « droit collectif ». Le second est un modèle – unique à ma connaissance - d’argumentaire complet, concis et persuasif traitant de l’économie libérale de marché.
Savoir et savoir-faire : un appel à l’action politique
Il y a un monde entre énoncer les principes d’une société libre et bâtir les institutions libérales dont cette société a besoin. L’implémentation des idées de réformes libérales est une tâche difficile et nécessaire. D’une manière générale, les libéraux savent assez bien ce qui fonctionne pour produire la liberté et la prospérité (l’état de droit, le respect du droit de propriété, la tolérance, etc.) mais le savoir-faire pour générer ces institutions libérales de droit, de propriété et de tolérance leur fait souvent défaut. Un grand travail de réflexion est nécessaire pour bâtir des modèles généraux de changement institutionnels vers une société plus libre qui serviront de guide à l’implémentation de réformes libérales concrètes. Celui qui livrera au monde de tels modèles rendra un grand service à l’humanité toute entière. On ne trouvera pas de réponse définitive dans Realizing Freedom mais trois chapitres [5] abordent cet enjeu majeur pour les libéraux de tous pays.
Tom G. Palmer rappelle enfin que le but des libéraux n’est pas de se complaire dans une posture intellectuelle radicale. Leur véritable devoir est de changer le monde pour le rendre plus libre, plus juste, plus respectueux de l’état de droit, plus paisible et plus tolérant. Trop souvent, la posture radicale des libéraux leur aliène des alliés potentiels. Les alliés objectifs des libéraux sont ceux qui militent pour plus de liberté, peu importe là où leur programme s’arrête. Si l’on peut ne faire qu’un pas en avant dans la direction de la liberté, il doit être fait.
Une lecture obligée ?
Peu d’essais sont précisément consacrés à l’activité internationale concrète de Tom G. Palmer. Il y a une raison à cela : son travail sur le terrain laisse moins de traces écrites que son travail académique. Un nouvel ouvrage, cette fois consacré à son travail pour l’Initiative Mondiale de la Fondation Atlas pour le Libre-Echange, la Paix et la Prospérité – diffuser les idées et les politiques libérales sur toute la surface du globe, connecter les luttes libérales avec l’héritage culturel libéral indigène dans plus d’une douzaine de langues – serait le bienvenu. Questionné à ce sujet, l’auteur se dit prêt à se remettre à la tâche si le temps ne lui fait pas défaut.
Bien après avoir achevé la lecture de Realizing Freedom, vous vous surprendrez à relire un passage ou l’autre pour vous rafraîchir la mémoire. La qualité de la réflexion et de la défense des idées libérales que cet ouvrage contient laisse peu de doute sur la grande influence qu’il aura.
En deux mots comme en cent : lisez-le.
Tom G. Palmer sur Wikib
[1] Voir le chapitre intitulé "The Literature of Liberty"
[2] Tom G. Palmer traite de l’état de droit dans les chapitres suivants : “Freedom Properly Understood” où il passe en revue les théories non-libérales de la liberté, “Saving Rights from Its Friends” et “What’s Not Wrong with Libertarianism” où c’est le concept de « droits » défini par des auteurs non-libéraux qui est abordé, et dans “No Exit : Framing the Problem of Justice” où l’auteur discute de la théorie de la justice selon John Rawls.
[3] LOCKE, John, Second Traité sur le Gouvernement Civil, Chapitre VI, §57.
[4] Tom G. Palmer traite de l’importance des narrations libérales dans “Classical Liberalism and Civil Society” et “The Great Bequest”.
[5] Les chapitres intitulés “Challenges of Democratization”, “The Role of Institutions and Law in Economic Development” et “Infrastructure : Public or Private ?” donnent des pistes de réflexions pour construire ces modèles. Tom G. Palmer pense que la notion de liberté comme bien public est centrale dans cette tentative.