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Les raisons de l’attribution du prix Nobel de la paix à Barack Obama
Où l’on explique pourquoi le président américain ferait bien de se méfier.
mardi 26 janvier 2010
Comme chacun sait, Barack Obama s’est vu décerner le prix Nobel de la paix. Certes l’intéressé n’a pas terminé les guerres d’Irak et d’Afghanistan, certes il n’a pas fermé Guantanamo, certes il n’a pas soutenu efficacement les démocrates iraniens, certes il est tout à fait possible qu’il intensifie l’effort de guerre américain (c’est fait), certes il n’a surtout pas fait grand chose mais le comité Nobel n’allait pas manquer de faire la leçon aux Etats-Unis en décernant une nouvelle fois un 3e anti-prix Nobel par procuration à G. W. Bush. Ce faisant, il n’est pas certain qu’il ait rendu service au lauréat.
I/ Contre Bush
Qu’on regarde les noms de quelques lauréats récents du prix Nobel de la paix, sachant que Bush commence son premier mandat début 2001 :
2002 : Jimmy Carter, ancien président des USA,
2008 : Al Gore, ancien vice-président des USA et candidat malheureux contre Bush,
et 2009 : Barack Obama, supposé mettre un terme aux aventures néocons.
Remarquons que Jimmy Carter a été récompensé du Nobel pour la même raison que les électeurs américains ont refusé de le reconduire pour un second mandat : sa politique étrangère, qui apparait pacifiste aux européens, faible aux américains - ce qui n’est pas incompatible.
Remarquons qu’Al Gore a été récompensé pour s’être fait le porte-parole d’une cause essentiellement européenne, la lutte contre le réchauffement climatique. On s’était déjà demandé à l’époque quel était le rapport avec la paix.
Remarquons enfin qu’Obama est extrêmement populaire en Europe, davantage que dans son pays. Et d’ailleurs si la presse européenne exulte - ce qui risque de ne pas durer -, la presse des Etats-Unis est plus circonspecte. Lucide, le New Tork Times sous-titre « The Nobel Peace Prize is a reminder of the gap between the ambitious promise of President Obama’s words and his accomplishments ».
Les trois nobélisés s’opposent tous à George Bush : le premier est idéaliste version sécurité collective, le deuxième a perdu les élections contre lui, le troisième lui succède. Outre leurs qualités objectives, on peut penser que le comité Nobel leur en a ajouté une, qui est de ne pas être George Bush et sanctionner ce dernier à travers eux. Derrière ces trois prix Nobel, il y a un anti-prix Nobel.
II/ Un cadeau empoisonné
Il ne revient pas aux Européens de donner des bons et des mauvais points aux Américains. Ils n’ont pas l’autorité morale qu’ils se complaisent à afficher et ne savent pas que les Américains interprètent les politiques européennes comme des témoignages de faiblesse : les Américains sont de Mars, les Européens de Vénus écrivait Robert Kagan... Les néocons décrivent les européens comme des Munichois en puissance ; la plupart des Américains n’ont pas une opinion si tranchée néanmoins ils rejettent dans une large mesure un angélisme européen qui a pour pendant la diabolisation des Etats-Unis.
De surcroit, lorsque l’Europe fait l’éloge d’Obama et condamne Bush, lorsqu’elle s’attribue le premier et rejette le second, elle joue le jeu de ceux qui disent qu’Obama n’est pas vraiment Américain, qu’il n’a pas l’esprit du pays tandis que Bush, lui l’aurait. Les alliés européens d’Obama sont décidément embarrassants.
En attribuant le prix Nobel à Obama, le comité Nobel, émanation du parlement norvégien dirigée par l’ancien vice-président de l’internationale socialiste, donne des munitions aux détracteurs du président américain. Ceux-ci vont se faire un plaisir de dénoncer Obama comme l’homme des valeurs européennes, comme un pacifiste mièvre, faible et inconséquent.
Et si l’on regarde les noms des lauréats du passé, force est de constater que le prix Nobel de la paix a davantage récompensé les pacifistes que les promoteurs réels de la paix. C’est assez frappant concernant l’entre-deux guerres qui récompense les partisans des accords de Locarno, par lequel les Français offrent des remises de dettes définitives à l’Allemagne en échange de quelques concessions déjà contenues dans le traité de Versailles, les promoteurs du pacte Briand-Kellogg, qui décidait d’empêcher la guerre en l’interdisant, ou des membres de l’impuissante SDN. On remarquera aussi des prix pas très judicieusement placés : un certain nombre d’inconnus nommés pour tenter de faire pencher la balance dans le bons sens ou encore Arafat, Le Duc Tho, Kissinger, et surtout Wilson, dont le principe de libre-détermination des peuples, héritier du principe des nationalités de Napoléon III, devait faciliter les premières annexions de Hitler et causer tant de mal (pour la bonne raison qu’une fois qu’on a dit que l’Etat doit correspondre à une nationalité, on commence à refaire les frontières et on finit par déporter les populations).
Ainsi Obama rejoint cette drôle de liste, attributaire d’un prix qui doit plus sa réputation à l’aura des prix voisins qu’à son autorité. Ce prix pourrait lui couter cher politiquement. Il en a parfaitement conscience : il a calmé le jeu et rappelé ses devoirs de chefs de guerre dans son discours. En récompensant Obama sans véritable raison objective, le comité Nobel confirme que le président est décidément le véhicule de tous les fantasmes et l’otage de ses groupies.
Illustration The Halifax Herald Limited
Messages
1. Les raisons de l’attribution du prix Nobel de la paix , 26 janvier 2010, 06:45, par Copeau
Comme l’