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Un livre de Robert Leroux
Ludwig von Mises
lundi 8 février 2010
Ludwig von Mises, philosophe, économiste et penseur majeur de l’école autrichienne d’économie, reste un grand inconnu en France. Robert Leroux, professeur de sociologie à l’université d’Ottawa et déjà auteur d’un livre sur Frédéric Bastiat, Lire Bastiat, entreprend de le faire connaître avec un petit ouvrage de vulgarisation à conseiller à tous.
Ludwig von Mises. Vie, oeuvres, concepts, est publié aux éditions Ellipses (Novembre 2009). Le livre, clair et relativement court (une centaine de pages) et présente les points principaux de sa pensée et de sa vie. Grâce au Québécois Libre, nous vous proposons de lire l’introduction de l’ouvrage.
Le livre est dans toutes les bonnes libraires et sur Amazon. On pourra aussi consulter une présentation d’un autre livre sur Ludwig von Mises de Jorg-Guido Hülsmann, en anglais, auquel Robert Leroux se réfère.
Introduction
Il est assez étonnant de constater au premier abord que la plupart des écrits de Ludwig von Mises n’ont pas encore été traduits en langue française, et que plusieurs de ceux qui l’ont été sont depuis longtemps épuisés [1]. Ainsi son premier grand livre en 1912 sur la théorie de la monnaie et du crédit, en dépit des vues nouvelles qu’il apporte, demeure superbement méconnu du public français. Mais l’étonnement s’accroît si l’on considère que son magnum opus, Human Action, dont la version originale a été publiée en langue anglaise en 1949, ne fut l’objet d’une traduction française qu’en 1985. Cet ouvrage, qui synthétise un ambitieux programme théorique et qui rappelle par le fait même l’actualité des thèses de l’école autrichienne, aurait pourtant mérité un accueil plus chaleureux. Du reste, Pascal Salin faisait remarquer en 1983 que les travaux de Ludwig von Mises étaient « mal connus en France » [2].
Les choses ont peu changé depuis ce constat. Ainsi, jusqu’à ce jour, aucune monographie de langue française n’a encore été entièrement consacrée à l’oeuvre de Mises. À la différence de Friedrich A. Hayek, qui paraît nettement mieux installé dans le marché des idées en France, Mises semble être l’un de ces précurseurs dont on salue le mérite et les qualités de courage, mais dont on ne connaît la contribution que superficiellement.
Les raisons de cette indifférence tiennent peut-être à l’architecture même de l’oeuvre. Il faut dire que la pensée de Mises, même si elle est écrite dans une prose relativement simple, est d’une grande complexité, au point où elle paraît parfois sinueuse et abstraite. Hayek disait du reste que les arguments de Mises n’étaient pas toujours faciles à saisir.
Non conformiste, il arrive parfois à Mises d’être ironique, et, à l’occasion, de provoquer la polémique, dans la mesure où il n’hésite pas à pousser les idées, les siennes et celles des autres, jusqu’à leurs dernières conséquences. Mises n’a rien, il est vrai, d’un chercheur de popularité. À le lire, on voit tout de suite qu’il vit dans la compagnie d’auteurs étrangers à son époque. Quand il combat le socialisme, c’est à Karl Marx qu’il réserve ses attaques les plus féroces ; quand il repousse le positivisme, c’est à Auguste Comte qu’il adresse ses reproches les plus sérieux.
La vie de Mises se déroule essentiellement dans un siècle, le XXe, qui a été semble-t-il peu favorable à son dessein et à ses idées. Lui qui chérissait tant la liberté, a été bien malgré lui le témoin privilégié du grossissement exponentiel de la taille de l’État, de la montée du totalitarisme, autant de gauche que de droite ; lui qui avait horreur du bruit, du bruit des armes surtout, a dû assister au spectacle de deux grandes guerres.
Sa très longue vie, qui s’étend sur 92 ans, donne l’impression d’éternité. Figure centrale de l’école autrichienne, à la fois au sens chronologique et intellectuel, Mises a pris le relais des mains de Böhm-Bawerk qui, lui, l’avait pris de Carl Menger, pour le donner ensuite à Friedrich A. Hayek puis à Murray N. Rothbard. C’est maintenant aux États-Unis, et non en Autriche où il n’y pas aujourd’hui pour ainsi dire d’économistes autrichiens au sens de Menger et de ses successeurs, que la pensée de Mises trouve le plus d’écho favorable.
La « science de l’action humaine » que Mises a patiemment édifiée au cours de longues années de recherche et de méditation se déploie à travers une vingtaine de livres et plus de deux cents articles, dont il est évidemment impossible de rendre compte dans le cadre du présent travail.
Mises a donc beaucoup écrit. Mais, et cela ne pouvait en être autrement, il s’est aussi beaucoup répété, parfois inlassablement ; à travers de nombreux articles et des recueils, dont plusieurs ont été publiés à titre posthume, il se reprend, se corrige, affine son propos. Si l’on veut donc suivre le cheminement de son oeuvre, il faut se tourner vers les textes les plus importants et les plus représentatifs de son programme de recherche. Une telle démarche, il importe de le répéter, ne prétend pas à l’exhaustivité [3].
Voir en ligne : Un bouquin sur Mises et son oeuvre
[1] Deux des plus importants livres de Mises, Le Socialisme et L’Action humaine, sont en effet difficiles à trouver. La dernière édition du Socialisme remonte 1952, alors que celle de L’Action humaine date de 1985 ; elle a cependant été rééditée depuis en version abrégée (Les Belles Lettres, 2004). Il faut toutefois signaler l’initiative des Éditions Charles Coquelin qui viennent de rééditer et de traduire quelques ouvrages de Mises : La Bureaucratie (2003), Politique économique (2006), Les problèmes fondamentaux de l’économie politique (2006), Le Libéralisme (2006).
[2] P. Salin, « Préface », in Ludwig von Mises, Politique économique : Réflexions pour aujourd’hui et pour demain, Éditions de l’Institut Économique de Paris, Paris, 1983, p. vii.
[3] Le lecteur pourra toutefois consulter avec profit l’imposante biographie intellectuelle de plus de 1100 pages que J. G. Hülmann a récemment consacrée à notre auteur (Mises : The Last Knight of Liberalism, Auburn, Ala., Mises Institute, 2007).