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Le terrorisme intellectuel de 1945 à nos jours
ou la haine anti-libérale
vendredi 7 décembre 2001
Salutaire rappel historique, propre à clouer le bec aux modernes donneurs de leçons et peut-être à rendre quelque peu de leur assurance à ceux qui se trouvent victimes de ces pratiques, cet essai aurait peut-être gagné à approfondir les ingrédients qui permettent à la machine terroriste d’être si efficace.
Pour ceux qui le pratique, le terrorisme intellectuel n’est efficace que parce qu’il défend une cause juste, d’abord au regard de l’histoire : ils vont dans le sens de l’histoire, leurs adversaires vont à l’encontre et sont donc passéistes, ringards et, s’ils s’obstinent, réactionnaires, mais aussi au regard de la morale : la justice et le droit d’un côté, l’abjection de l’autre.
Mais, pour ceux qui ne sont pas dupes de ce discours, l’analyse de son efficacité — fût-elle passagère — reste à faire. Sans doute par sa seule forme, le discours terroriste, qui est presque toujours idéologique, c’est-à-dire simplificateur, manichéen et, pourquoi ne pas le dire ? Plus ou moins subtilement mensonger, est-il intrinsèquement plus « frappant » qu’un discours de vérité nécessairement nuancé, complexe et respectueux tant du réel que de l’opinion de l’autre.
Mais l’efficacité du discours terroriste tient aussi à des considérations sociologiques : combien de divisions ? C’est-à-dire combien de tenants de l’idéologie terroriste dans le corps social et surtout dans ses lieux stratégiques. Combien et qui ? Quel pourcentage de « high QI » parmi ceux-ci ? Il est certain qu’au sein de la société française, la relative fermeture d’une certaine droite aux hommes nouveaux — surtout s’ils sont talentueux —, une propension atavique des milieux conservateurs à l’endogamie intellectuelle, ont été pour eux un handicap. Aujourd’hui, le nombre d’ex soixante-huitards aux postes stratégiques, singulièrement dans les médias, explique en partie l’ampleur prise par le terrorisme intellectuel depuis quinze ans. L’amnésie massive des crimes du communisme, malgré leur dimension inégalée, est un des effets les plus étonnants de l’emprise nouvelle de l’idéologie.
À cet égard, on peut se demander si le phénomène du terrorisme intellectuel est, depuis 1945, pure répétition. Jusqu’en 1990, l’idéologie se trouvait aux marges de la structure sociale : à Billancourt et à Saint-Germain-des-Prés, pour faire simple. Avec la fin du communisme, l’idéologie continue, avec plus de véhémence que jamais, à s’en prendre aux fondements de la société : la morale, la justice, l’éducation, la famille, la nation, l’Etat. Mais, bien que marxiste dans ses origines, elle ne remet plus en cause le capitalisme. Elle peut donc quitter les marges et être admise au centre du système, d’autant que la privatisation des grands médias — spécialement la télévision propre aux simplifications idéologiques — intéresse fort les capitaux privés. L’entrée récente d’un certain nombre de grands capitalistes français au capital de l’Humanité a, à cet égard, valeur emblématique. La puissance de l’idéologie se trouve ainsi redoublée de celle du grand capital. Dans cette nouvelle configuration, la raison et le bon sens, seuls remparts contre l’idéologie, n’ont plus qu’à retourner aux catacombes. C’est dire que, contre les dérives que dénonce si utilement Jean Sévillia, le combat n’est pas près de finir.
Roland Hureaux
Jean Sévillia, Le Terrorisme intellectuel de 1945 à nos jours, Perrin, 2000, 257 pages.