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La nouvelle ère de l’Etat, par David Cameron
mardi 2 mars 2010
David Cameron a donné une conférence le mois dernier à propos de la nouvelle ère qui s’ouvre pour les Etats et gouvernements, depuis notamment la révolution de l’information qu’a été l’avènement d’Internet. Bien loin des pratiques françaises, qui constituent tout au plus à ouvrir ça et là des portails d’information à l’intention des citoyens, ou à proposer quelques démarches administratives dématérialisées, David Cameron expose une vision qui risque de changer radicalement la pratique politique et le rapport du citoyen à l’Etat.
A cet égard, on peut tout de même entretenir quelque espoir avec la nomination d’un des pères de la LOLF, Didier Migaud, à la Cour des Comptes (bien que ce dernier se soit révélé un piètre gestionnaire à la tête de la Métro (communauté d’agglomération Grenoble Alpes Métropole)). En effet, la LOLF répond en partie à des objectifs de transparence et d’efficacité budgétaires, et on peut espérer que l’un de ses créateurs puisse être sensible à une nouvelle vision de la pratique des missions étatiques, consistant à apporter plus de transparence, d’efficacité, et surtout qui viserait à évaluer réellement si telle ou telle action étatique ne serait pas mieux servie par une association ou une entreprise privée.
Pour ceux qui veulent regarder la conférence de David Cameron, assez courte (une vingtaine de minutes), voir ci-dessous, et pour ceux qui n’auront pas le temps, vous trouverez sous la vidéo un résumé aussi exhaustif et concis que possible, mais qui est malheureusement moins percutante que la brillante prestation de David Cameron.
La manière d’évaluer les politiques publiques est actuellement basée sur la taille du budget : plus un budget est élevé, et plus les politiques expliquent aux citoyens que telle ou telle action étatique est la bonne, la plus efficace, etc. C’est la fameuse antienne de "plus de moyens" qu’on entend à longueur de journée. Au passage, on rétorquera certainement que l’Etat français n’est plus dans ce cas depuis que Sarkozy a lancéles Révisions Générales des Politiques Publiques, mais c’est aseez faux : puisque ses objectifs, timides, ne prennent pas en compte suffisamment d’indicateurs de performance du service rendu aux citoyens.
A ce propos, David Cameron explique que la nouvelle ère qui s’ouvre va obliger les Etats à changer de logique, puisque de toute façon « there is no money anymore » : les dettes des Etats sont désormais à un niveau très élevé, les deficits budgétaires aussi, donc nécessairement toute augmentation de quelque budget que ce soit est une décision de gestion extrêmement périlleuse pour ne pas dire plus.
David Cameron estime que nous sommes entrés dans l’ère post-bureaucratique, et que la première ére pré-bureaucratique (contrôle local des affaires publiques) et l’ère bureaucratique (celle de l’ère industriel, au contrôle centralisé) sont révolues. Cette nouvelle ère, celle de la révolution de l’information, sera celle qui rendra possible la réattribution du pouvoir aux citoyens.
Rendre le pouvoir au citoyen passe deux défis :
une transparence totale, à l’euro ou à la livre près, de toutes les dépenses de l’Etat : c’est désormais possible de le faire, et un Etat américain l’a même fait dans le cadre d’un portail internet. Ainsi, il sera possible pour les citoyens de vérifier l’efficacité de l’Etat, en examinant dépenses, contrats, mise en oeuvre, etc. et également de choisir son prestataire public de manière éclairée pour telle ou telle opération médicale par exemple,
une responsabilisation accrue des services de l’Etat ; David Cameron prend l’exemple de la ville de Chicago, qui publie sur une carte les crimes et délits commis dans la ville, qui permet de mesurer l’efficacité de la police.
La compréhension du comportement humain, étudié par la science etla praxéologie en particulier, a considérablement progressé ces dernières décennies sans que les pouvoirs publics en tiennent compte, ceux-ci accusant donc un certain retard en la matière. L’exemple pris est celui des politiques encourageant l’efficacité énergétique, sujet sur lequel pratiquement tout le monde est d’accord sur le constat (coûts inutiles, etc.). A l’heure actuelle, seules existent des communications des services de l’Etat expliquant qu’il faut éteindre la lumière en sortant d’une pièce, chauffer à tant de degrés maximum, etc.
David Cameron propose tout simplement d’envoyer chaque année à chaque anglais un bilan de ce qu’il a consommé, mais surtout d’ajouter une comparaison avec celle de ses voisins, habitant tout près de chez lui et ayant une résidence aux besoins énergétiques comparables. Cette mise en perspective utile permettra bien évidemment de consommer en tout connaissance de cause.
Au final, la vidéo vaut le coup d’être vue, et permet d’entrevoir le gouffre qui sépare reste à franchir en France avant d’arriver au stade où ne serait-ce qu’on prenne conscience de l’archaïsme avec lequel l’Etat français est géré.
Image : David Cameron lors du forum de Davos. Photographie du World Economic Forum, sous licence Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic.