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La bioéthique
jeudi 1er novembre 2007
La bioéthique
Posté le Vendredi 27 septembre 2002 @ 10:36:58 par Catallaxia
Culture générale : :
Les progrès de la science et de la médecine posent le problème de la nécessité de déterminer ce qui est légitime ou non de faire.
Les biotechnologies ont des répercussions importantes sur la vie et la nature de l’homme. Concernant la reproduction en premier lieu, elles posent le problème des dons de sperme et d’ovule, des transferts et congélations d’organes, des mises en réserve. La greffe des tissus ovariens (prélevés sur des foetus morts) pourrait vaincre la stérilité de certaines femmes.
Selon l’article L 671-2 du code civil, seul un couple (homme et femme), en âge de procréer, peut avoir accès à la PMA (procréation médicalement assistée). Dans un article intitulé "Désirer un enfant", des théologiens (Bernard Quelquejeu, Jérôme Regnier, Paul Valadier), des intellectuels chrétiens (Jean Delumeau, Monique Hébrard), et des médecins chrétiens (Pierre Cornu, Alain Gougeon, Roger Henrion, Charles Sureau, ...) se sont prononcés en faveur de la PMA.
La PMA se distingue nettement de la fécondation assistée : ce n’est qu’une série de micro-techniques favorisant la pénétration d’un spermatozoïde dans l’ovule (l’ICSI). Cette technique n’est efficace que dans la mesure où elle créent de 30 à 50 % d’embryons supplémentaires.
Un point majeur, rappelé par le professeur Claude Jasmin, dans L’Homme futur en question (1995), est la distinction entre la FIVETE (fécondation in vitro et transfert d’embryons) qui vise à compenser la stérilité (bien qu’elle ne soit pas toujours pathologique), et la pilule ou la PMA par lesquelles on ne s’attaque pas à une maladie, mais à un événement naturel. Les risques d’excès ne sont alors pas à exclure.
Mais l’affaire la plus connue reste celle de la "vierge de Birmingham" (une jeune femme vierge inséminée artificiellement).
Fallait-il rendre le don d’organes obligatoire (par une loi de 1994) ? Il existe un RNA (registre national automatique) qui consigne les oppositions au prélèvement d’organes, de tissus, de cellules du corps humain. Ce refus peut être révoqué à tout moment. Le nombre de cadavres prélevés est en constante diminution, de plus de 1000 par an dans les années 1980 à 800 environ de nos jours. Le taux des oppositions familiales augmente dans le même temps, de 45 à 65 % en quinze ans.
Peut-on envisager de rémunérer le don d’organes ? Peut-on constituer des banques d’organes à partir d’embryons ?
Il existe également nombre de problèmes liés à l’expérimentation sur l’homme : est-ce moral ? Peut-on faire des expériences sur un être humain, en particulier sans qu’il le sache, ce qui est parfois indispensable ? Peut-on rémunérer ces expériences ? Peut-on en faire sur un coma dépassé ?
Il y a bien sûr également les problèmes liés à la reconnaissance de l’IVG en France et à l’étranger : la loi Veil de 1975 est ainsi ouvertement remise en cause par les catholiques français de tendance dure. Le problème est international : le 7 avril 1991, à Dublin, le gouvernement irlandais à pris la décision de recourir à un référendum sur la question de l’avortement. Par un arrêt de mai 1993, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a annulé la libéralisation de l’avortement en Allemagne.
Il y a enfin tous les problèmes liés à la maîtrise de la vie et de la mort : peut-on s’autoriser à provoquer la mort dans certaines conditions ? Faut-il donner à chacun la possibilité de mourir librement ? Pour la législation néerlandaise, l’euthanasie, l’aide médicalisée au suicide et l’abrègement des jours des patients ne pouvant pas exprimer leur volonté de mourir, sont interdits, mais leur pratique exceptionnelle est reconnue comme faisant partie de la réalité médicale et encadrée dans des conditions strictes définies par les tribunaux. Ainsi lors de l’abrègement de la vie d’un malade incapable d’exprimer sa volonté, des poursuites judiciaires sont obligatoirement engagées afin d’élaborer une jurisprudence.
Comme le souligne Maurice Abiven, dans Une Ethique pour la mort (1995), jusqu’à des temps très récents, les médecins guérissaient peu ; leur rôle essentiel, c’était de soulager. Aujourd’hui, ils guérissent souvent grâce aux avancées de la science, ce qui ne va pas sans poser de problèmes éthiques. Les médecins, ayant appris à guérir, déclarent forfait devant des cas incurables pour lesquels ils estiment que tout traitement est inutile. Mais Abiven rappelle à juste titre que cela ne dispense pas de pratiquer des soins palliatifs qui soulagent les symptômes d’une maladie sans prétendre en changer le cours. Ces soins visent à lutter contre la douleur, et à assister psychologiquement le malade et son entourage. Car la mort est dans la nature : elle implique d’autres règles que la pratique médicale habituelle.
Plus généralement, l’avancée scientifique décuple nos capacités de prédiction. Nous maîtrisons bien mieux le vivant. Par exemple, un test diagnostic prénatal, simple et rapide (à partir d’un simple prélèvement de sang), permet de traquer le syndrôme de l’X fragile, qui est une anomalie génétique spécifique (le principal retard mental héréditaire). De même, au début des années 1980, les scientifiques ont établi un lien entre une anomalie chromosomique et un cancer de la rétine. Nous savons aujourd’hui que plusieurs catégories de gênes sont impliqués dans l’apparition des tumeurs. Citons aussi la maladie de Huntington (des troubles neurologiques qui provoquent une mort certaine à l’âge de 35-40 ans). Un "mariage génial" ou mariage à la carte génétique permet de l’éviter. Un tel procédé est déjà utilisé à Chypre pour combattre la thalassémie.
Les médias se sont emparés de toutes ces interrogations : ceci exprime un intérêt en même temps qu’une crainte vis-à-vis de tout ce qui concerne la reproduction de l’homme. On cite bien sûr autant Le Meilleur des monde d’Aldous Huxley que Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley Wollestonecraft.
Avec la biotechnologie cetaines lois naturelles sont remises en cause : celle liant la sexualité à la reproduction ; celle unissant la procréation à la filiation (par la fécondation in vitro), et celle commandant la transmission du patrimoine. La pratique des mères porteuses transforme l’acte de vie en un acte commercial ; l’avortement pose le problème du statut de l’embryon. Aussi, plus qu’un problème de déontologie médicale, c’est l’identité humaine elle-même qui est au centre du débat. Pour définir un droit du vivant, il faut se baser sur une éthique.
Une première réponse est celle fournie par l’Eglise. Jean-Paul II, dans son encyclique Angelium Vitae, de 1995, affirme que les logiques perverties ont conduit à la normalisation de l’avortement et de l’euthanasie. Or la loi civile, de portée restreinte, doit être soumise à la loi morale : il existe donc des limites morales à la société démocratique. Le devoir des médecins, selon le pape, est alors de réfuser de participer à la perpétuation d’une injustice ; et le devoir des parlementaires chrétiens, est de ne pas sacrifier leurs convictions personnelles à la loi de la majorité. Plus tôt ; dans son instruction Domnum Vitae de 1987, le pape défendait l’idée d’une loi morale explicite, indépendante des circonstances et de leurs effets.
Ce point de vue ne saurait être considéré comme une règle pour tous à partir du moment où l’Etat est laïc, donc dégagé de tout lien organique à la religion.
Une seconde réponse, aussi ancienne sinon plus que l’intervention de l’Eglise, est la tentation eugéniste. Elle apparaît en 1853 avec l’Essai sur l’inégalité des races humaines de Gobineau. Quels sont ses postulats ? Tout d’abord, il affirme que tout ce qui existe peut se ramener à un seul principe : la matière. Par ailleurs, tous les phénomènes peuvent être décomposés en unités de plus en plus simples (réductionnisme). Enfin, comme tout darwinisme social, le déterminisme occupe une place de choix. C’est un déterminisme d’inégalité (les individus sont généralement inégaux), d’hérédité (les traits physiques et mentaux innés et/ou acquis se transmettent par voie de reproduction, des parents à leurs descendants), et enfin de sélection (l’évolution des espèces et des sociétés procède par sélections par la mort et par la fécondité différentielle). On passe d’un darwinisme plutôt libéral de 1853 à 1883 à un darwinisme socialiste et dirigiste entre 1884 et 1904. Après 1905, ce courant de pensée inspirera des applications légales.
C’est ce darwinisme qui déboucha sur l’"eugénique" de Francis Galton, que ce dernier définissait comme la science de l’amélioration des qualités héréditaires.
Gustave Le Bon, dans Lois psychologiques de l’évolution des peuples, insiste sur le fait que selon lui, l’hérédité détermine le caractère et l’intelligence. La modification concomitante du patrimoine héréditaire, du caractère et de l’intelligence passe donc par une transformation de la race, c’est-à-dire de cette strate profonde, occulte et relativement stable qui détermine les strates plus superficielles et variables. Et G. Vacher de Lapouge affirme au surplus que les "dysgéniques" submergent progressivement les "eugéniques" par le truchement de nombreuses sélections sociales (la guerre qui élimine les plus vaillants, le célibat sacerdotal, l’interdiction de la polygamie, la ploutocratie qui détruit l’élite intellectuelle, etc.). Seule la sélection systématique peut alors permettre la refonte de la nature humaine. (1)
Puis l’eugénisme se perdit dans les tourments d’une science nouvelle, la géopolitique de Halford Mackinder (2), qui propose de considérer la terre comme un système unifié dont toutes les parties interagissent. Mais avec Friedrich Ratzel, Rudolf Kjellen, et Karl Haushofer, la géopolitique s’intéresse plus à la puissance des Etats qu’à la reproduction différentielle des individus, des groupes et races.
L’eugénisme a des applications concrètes, dont la plus célèbre reste l’examen prénuptial (3). D’ailleurs, aujourd’hui l’eugénisme peut prendre différentes formes : le choix qui intervient avant la fécondation, le diagnostic sur l’embyon, ou le dépistage postnatal des enfants porteurs de maladies génétiques. Ainsi en est-il également de la thérapie génique, dont l’objectif est de remplacer, au coeur des cellules, le gène défectueux responsable d’une maladie. Le risque qu’elle soit appliquée aux cellules germinales (spermatozoïde et ovule) est celui d’une modification directe de l’espèce humaine. On peut douter par conséquent, à l’instar de Claude Jasmin, d’une éthique basée sur le biologique.
Il semble bien plus préférable de se fixer sur un principe de responsabilité, sur ce que Lévinas nomme la responsabilité médicale de l’homme. Ainsi la justice a-t-elle pris un certain nombre de décisions au cas par cas, sur l’insémination post-mortem (4), les mères porteuses (5), sur le désaveu de paternité en cas d’insémination avec donneur (IAD) (6). La justice applique donc et interprète les textes existants qui n’ont pas été établis spécialement pour ces questions.
Or il est vrai que la tradition française n’accord pas aux cours de justice un rôle de décision dans les grands problèmes de société.
La nécessité de l’intervention d’une législation spécifique se fait alors sentir. Ainsi Franck Magnard et Nicolas Tenzer, dans Le spermatozoïde hors la loi. De la bioéthique à la biopolitique, pensent que seulent une législation issue d’un vrai débat public est à même de préparer une décision légitime sur ces questions. Il est vrai que dans une démocratie l’expression de la société se forme d’abord dans le débat et la décision politique. Et ce débat se situe très exactement à l’articulation des fins morales et de la volonté politique.
Encore faut-il savoir quels contours donne-t-on à ces fins morales. Gilles Lipovetski souligne dans Le Crépuscule du devoir que l’éthique connaît trois moments successifs : la morale religieuse traditionnelle tout d’abord, puis la laïcisation qui implique la morale du devoir (une dette infinie) ; et enfin, aujourd’hui, on observe la dissolution du devoir dans un bien-être généralisé, une morale du bien-être.
Or il faut bien plus revenir à Kant, qui disait (7) que la finalité de l’action politique ne doit pas être la recherche du bien-être et du bonheur des individus, mais une recherche de principes a priori. On peut, selon Kant, chercher des principes universels, rationnels et non empiriques, tâtonnants et fluctuants au gré des expériences, qui fondent le droit politique, droit faisant se rejoindre théorie et pratique, raison et expérience, plutôt que de s’abandonner à la recherche empirique du bonheur qui se moque de toute théorie, qui laisse de côté les principes de la raison pourvu qu’on soit satisfait de ce que l’on a.
1 : G. Vacher de Lapouge, L’Aryen, 1899.
2 : H. Mackinder, The Geographical Pivot in History, 1904.
3 : Loi du 16 d
Messages
1. La bio, 27 avril 2010, 11:36, par koffi joel
Bonjour, Doctorant en Sciences Politiques,