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Bulle à hauts risques en Chine
vendredi 26 mars 2010
L’année dernière, les autorités chinoises ont impressionné les dirigeants occidentaux en inversant la tendance de la chute du taux de croissance grâce à des programmes de relance visant à stimuler l’investissement intérieur. Toutefois, comme cette relance monétaire massive de la Chine a conduit à une forte augmentation des prêts bancaires et à une croissance rapide des prix des actifs, les responsables de Pékin ressentent la nécessité de freiner le boom. La perspective d’un ralentissement de l’économie chinoise ou pire encore, un véritable crash, fait craindre que la reprise économique mondiale ne soit en fait pas durable.
Les avis sont partagés quant à l’interprétation des récents développements en Chine. Comme le rapporte le Financial Times :
« Alors que certains considèrent qu’en investissant dans les infrastructures et l’urbanisme la Chine a jeté les bases d’un nouveau boom de croissance, d’autres craignent que la reprise de l’an dernier ne soit qu’un mirage fondé sur une bulle d’investissement. C’est aussi une question cruciale pour une économie mondiale toujours fragile. Si le rebond de la Chine devait finir en fiasco, il pourrait facilement entrainer le reste du monde dans un deuxième creux de récession. »
Jim Chanos, un gestionnaire de hedge fund, célèbre pour son anticipation de l’effondrement d’Enron , fait partie des pessimistes. Selon lui, les autorités chinoises ont créé « une bulle sans précédent ». La Chine a tous les symptômes d’une bulle d’investissement. L’investissement est proche de 50 % du PIB, et dans certaines villes les prix de l’immobilier ont augmenté de plus de 200 % en un an.
Selon Standard Chartered, une banque internationale basée en Grande-Bretagne, le prix moyen des terrains en Chine a augmenté de 106 % l’an dernier, y compris une augmentation, de plus de 200 % à Shanghai, près de 400 % à Guangzhou et de 876 % à Wenzhou, ce qui pousse la banque à penser que le programme de relance chinois a créé une bulle, en particulier dans les grandes villes.
D’autres localités, telles que la ville nouvellement construite de Chenggong, sont totalement désertes, avec des rues vides et sans vie, symbole d’un boom d’investissement qui a mal tourné.
Voilà un parallèle inquiétant avec des expériences de booms immobiliers et d’investissement antérieurs dans d’autres pays d’Asie orientale. Le Financial Times note que « même avant les hausses de l’an dernier [...] le ratio investissement/PIB en Chine était le même que celui-là Thaïlande à la veille de la crise financière asiatique de 1997-98, ou de celui du Japon à son apogée au cours des années 1960, caractérisées par une phase d’investissement élevée ».
Ces comparaisons historiques ont conduit plusieurs investisseurs et observateurs à anticiper un crash chinois imminent cette année. Dans un rapport récent, le hedge fund Pivot Capital Management avertit que « les cycles de croissance tirés par l’investissement ont tendance à s’envoler et finissent de manière dévastatrice » et que « le boom des dépenses en capital en Chine ne sera pas durable aux taux actuels. [...] Un atterrissage brutal de l’économie est de plus en plus probable ».
Si cela se produit, l’économie mondiale pourrait connaître un nouveau déclin, et dans le pire des scénarios, cela pourrait représenter, selon Pivot, « un retournement pour les marchés mondiaux, semblable à celui du boom de l’immobilier américain et de la crise des subprimes. »
Jim Chanos est encore plus pessimiste, affirmant que la Chine représente « 1000 fois Dubaï voir pire encore ». En dehors des similitudes apparentes avec le petit Émirat arabe, comme le projet de construction mégalomaniaque chinois dénommé « Le Monde », le fait le plus alarmant concernant la Chine, est la rapide expansion du crédit qu’elle a connue l’an passé. Cela est particulièrement inquiétant parce que, comme le souligne Chanos : « les bulles sont mieux identifiées par des excès de crédit que par des excès de valorisation. Et le plus important excès de crédit est en Chine. »
L’assouplissement du crédit faisait partie du programme de relance chinois, mais il est maintenant clair qu’il est totalement hors de contrôle, ce qui explique pourquoi les autorités chinoises font pression sur les banques pour qu’elles ralentissent le boom des prêts. Mais c’est un exercice d’équilibre délicat. Si les banques resserrent l’étau trop vite, cela pourrait déclencher un crash, comme cela a été le cas aux États unis après 2006 où la hausse des taux d’intérêts fît éclater la bulle des subprimes. Si elles resserent trop lentement, l’expansion du crédit pourrait continuer pendant un certain temps, ce qui pourrait prolonger le mal-investissement et rendra la chute potentielle et les corrections nécessaires encore plus sévères.
L’instrument privilégié de l’État pour durcir sa politique monétaire est l’augmentation des réserves obligatoires des banques, qui contracte lentement le crédit. Plus les réserves obligatoires sont élevées, moins les banques peuvent prêter, ce qui ralentira le rythme d’expansion du crédit. Les autorités chinoises doivent être familières avec ce genre de manœuvre, qui a été utilisé lors de précédentes occasions. Les autorités monétaires américaines ont essayé d’accroître les réserves obligatoires dans les années 1930, ce qui a conduit à un second crash et une « dépression dans la dépression » en 1937-38. Les autorités chinoises semblent cependant, avoir retenu les leçons de l’histoire. Alors qu’en 1936 la Fed avait resserré sa politique brutalement, en doublant les réserves obligatoires du jour au lendemain, les autorités monétaires chinoises agissent par petites étapes successives, espérant par là laisser l’air de la bulle de crédit s’échapper doucement.
L’expérience de relance monétaire de la Chine devrait être un rappel des dangers du crédit et des bulles d’actifs. Le Financial Times a encore écrit :
« S’il y a une grande idée retenir de la crise financière, c’est que les autorités monétaires devraient tenter d’anticiper les bulles de prix d’actifs, notamment immobiliers. La Chine est désormais un exemple type pour la théorie, donnant de fortes indications que le marché immobilier se rapproche de la zone bullaire. »
Les récents développements en la Chine et ailleurs devraient également nous rendre plus prudents quant aux pièges potentiels des programmes de relance. Les États semblent penser que la dette et le mal-investissement accrus pendant les booms de crédit sont réparés par une dette et un mal-investissement supplémentaire dans la récession qui suit. Ce n’est pas une vraie solution à nos maux économiques. Ce qu’il nous faut pour une croissance économique mondiale durable de long terme, c’est exactement l’inverse : une politique monétaire restrictive pour éviter les bulles de crédit et d’actifs, des politiques budgétaires prudentes pour éviter le gonflement de secteurs publics qui ne fera qu’étouffer l’investissement privé et l’activité économique, et une économie mondiale plus équilibrée dans laquelle les États-Unis économiseraient plus et la Chine contrôlerait ses booms d’investissement.
Voir en ligne : Chine : une bulle
Texte repris avec l’aimable autorisation d’Emmanuel Martin d’Un monde libre. Image : couloirs vides dans le New South China Mall de Dongguan, illustration de la bulle immobili