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Volcans, transports collectifs et services publics

dimanche 18 avril 2010

Collision de l’actualité ou facétie du hasard ? Toujours est-il qu’actuellement, en France, se déplacer devient une gageure : alors que les avions sont cloués au sol, les trains continuent de patiner lamentablement.

C’était écrit. Ce mois d’avril devait être maudit pour les voyageurs.

Il y eut, tout d’abord, la grève SNCF, mélange improbable de revendications toutes aussi obscures les unes que les autres (qui les a entendues ?) et se résumant au sempiternel « On Veut Des Sous », véritable mantra institutionnel de tout agent encarté des transports collectifs.

Rapidement, d’ailleurs, le mouvement, aussi finement organisé qu’une campagne électorale du NPA, s’est essoufflé au point qu’à un moment, on ne savait plus exactement qui faisait grève ou pas.

Heureusement, la SNCF peut s’enorgueillir de toujours compter dans ses rangs quelques syndiqués, abrutis plus compacts même que les militants du parti trotskyste, qui se sont fait forts de relancer le bastringue pour une durée indéterminée, et en se cantonnant à une vaste région (le sud).

Pendant ce temps, le volcan Truc (son vrai nom est Eyjafjöll, mais on va l’appeler Truc pour éviter un froissement des manducateurs) s’est réveillé. D’abord agréablement paré de jolies couleurs pourpres et lumineuses, ce con a chopé une sale toux bien grasse et s’est mis à débiter du nuage opaque comme pas deux.

Les associations écologiques se sont scandalisées du rejet de CO2 que tout ceci provoquait et demandé une mise au ban du méchant volcan.

Non, je plaisante.

Les associations écologiques, comme de juste, se sont empressées de serrer les mâchoires en regardant ailleurs. Des communiqués ambigus sont venus émailler l’actualité volcanique. On découvre ainsi que, pour Patrick Allard, les volutes du volcan Truc sont :

« l’inverse de l’effet de serre : ça fait baisser la température au sol et ça réchauffe la haute atmosphère. Les grandes éruptions volcaniques contrarient le réchauffement climatique. De ce point de vue, elles sont bénéfiques.« 

Les gras sont de moi. Et donc c’est chouette : on va pouvoir respirer (enfin pas trop fort, ça contient du soufre, ce nuage) ! On gagne des jours, des années même de réchauffement avec tout ça, non ?

Bah non car il rajoute un peu plus loin, guilleret :

« Après la chute des températures et les mauvaises récoltes dues à l’éruption du Laki [au 18ème siècle, ndh16], des famines monstrueuses ont eu lieu en Islande, tuant 10.000 personnes. Cette éruption était très importante et a duré huit mois. Honnêtement, on ne peut pas exclure que l’éruption actuelle devienne très grosse. « 

Donc c’est bénéfique, mais ça fait un peu mourir des gens. Ou c’est bénéfique parce que ça fait un peu mourir des gens ? Ecologiquement parlant, Gaïa tout ça et youpi youpi, on ne sait plus trop sur quel pied danser.

Toujours est-il que, principe de précaution oblige, on a imposé aux avions de rester au sol, en attendant que les rots de Truc se calment.

Et là, tout se complique exponentiellement pour les gens qui, naïfs, avaient reposés leurs espoirs sur les transports en commun pour traverser le sud de la France : plus d’avions, plus de train.

Il faut dire que parier sur la capacité d’organisation d’une entité publique comme la SNCF, c’est plutôt sévèrement burné comme défi.

Prendre le train alors que des préavis de grève courent, et alors que la panique continue de ne pas s’organiser, c’est risqué. Certains ont essayé, ils ont eu des problèmes.
D’autres, plus prosaïquement, en sont arrivés à la conclusion – que j’ai maintes fois établie ici – que les petits anus frétillants qui utilisent l’arme de la grève dans les transports ferrés le font pour pressurer tant qu’ils le peuvent leur direction, et par là, le contribuable, tant et si bien qu’on se demande dans quelle mesure ils n’en souhaitent pas activement la disparition pure et simple du service public correspondant.

Reconnaissons-leur un certain succès dans la réalisation du rêve humide de beaucoup de libéraux : faire disparaître le monopole public ridicule de la SNCF sur le rail en France, ainsi que le maritime entre le continent et la Corse. La SNCM, sabotée par des années de vicieux et fourbes sévices des syndicats jusqu’au-boutistes, se fait maintenant largement tailler des croupières par d’autres compagnies, privées, éventuellement basées dans des ports plus sûrs que celui de Marseille (dont les dockers sont réputés pour leur sympathie et leur ouverture d’esprit façonnée à coups vigoureux de clef à molette). Il y a fort à parier que les prochaines années verront disparaître cette entreprise dont la perte ne sera pleurée par personne.

Quant au rail, chaque nouvelle grève est un coup de scie supplémentaire dans la poutre déjà vermoulue sur laquelle les cheminot sont assis, très haut au-dessus de la masse grouillante et de plus en plus acrimonieuse de leurs clients usagers. Le jour où ces derniers déboulonneront les rails pour les leur foutre dans la tronche, excédés une fois de trop d’avoir à renoncer à un job, une entreprise ou un trajet cruciaux à cause des revendications de plus en plus décalées de ces certaines catégories de personnel indépendantes de notre volonté, je serai loin d’être le premier à pleurer la situation.

En attendant, et alors que la SNCF constate une baisse de fréquentation de ses wagons à bestiaux, les voyageurs du rails ressemblent de plus en plus à des automobilistes. A tel point que l’Hérétique, un peu goguenard devant les mésaventures encourues par nos confrères blogueurs dans le Sud, en vient à se demander si, finalement, la voiture n’est pas ce moyen de transport simple, peu cher et universel que tout le monde s’entête à vouloir trouver ailleurs.

La réponse est évidente : oui.

Si l’État n’ensevelissait pas ce magnifique engin sous les taxes (sur le carburant, sur son existence même, sur sa vente, etc …) il serait même imbattable pour les trajets courts et moyens – à vue de nez, je dirais 500 km environ. Il est déjà présent dans toutes les couches de population, dans toutes les strates sociales, et disponible pour tous les types de consommateur.

On trouve des voitures, des camions même dans les endroits les plus pauvres et les plus reculés et ce moyen aura permis de désenclaver de façon rapide et économique des milliers de zones difficiles et des dizaines de millions d’humains.

Il est, réellement, le moyen de transport le plus à même de servir les pauvres.

On comprend dès lors que, pour toute clique prétendument humaniste mais réellement élitiste, cela ne puisse durer ! On comprend aussi qu’un tel succès pour un tel progrès ne puisse se traduire, pour cette clique, que par une volonté de mortification en faisant tout pour s’en passer : obtenir tant avec si peu, c’est culpabilisant, que voulez-vous !

Brandissant les menaces fumeuses et quasi-religieuses que feraient peser l’engin sur Gaïa, la mère Nâââture, la clique enjoint donc tous ces pauvres d’aller à pied, à dos d’âne ou de prendre les trains. Ceux qui font grève, notamment. Et quand ça ne passera pas par un « C’est aussi pour les gens du privé qu’ils font grève«  , on utilisera l’argument ad verdum « C’est pour diminuer la facture carbone des consommateurs, pardi !«  .

Dans le même temps, dans un pied de nez magnifique, la vraie Nature, celle qui a tué tout un monde de gros dinosaures bien dodus il y a 65 millions d’années, nous montre justement à quel point nous ne sommes que peu de choses et que nos petites autos et nos petits avions pourraient rapidement être balayés par les forces de l’univers dans un petit clignement d’œil et ce, sans même que la course de notre monde n’en soit altéré. Ce qui rend au passage d’autant plus futile les petites agitations purement cosmétiques et engluée autant de moraline que de culpabilité à l’idée que nous puissions, enfin, arriver à dompter, un peu, une partie de notre environnement (qui se moque de nous, donc) : eh oui, la nature n’est pas contrôlable.

Mais si la nature n’est pas contrôlable, a contrario, l’ « individualisme » forcené d’une micro-catégorie de nano-travailleurs, lui, est parfaitement maîtrisable. Ainsi, les grévistes de la SNCF, – qui ont pour eux, je le rappelle, la sécurité de l’emploi – peuvent se targuer d’emmerder un nombre conséquent (probablement des centaines de milliers) de personnes qui se seraient bien rabattues sur le train pour pallier leurs problèmes d’avion. Cependant, même si leur pouvoir de nuisance est réel, tout comme l’enfant qui criait au loup, la crédibilité des couinements de ces personnels diminue à mesure qu’ils réitèrent trop souvent leurs opérations pétanque / merguez.

Gageons en tout cas que la « solidarité » dont ils ont fait preuve devant les problèmes aériens de leurs ex-passagers sera naturellement portée à leur crédit.


Voir en ligne : Volcans, transports collectifs et services publics


Article repris avec l’aimable autorisation de l’auteur.

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