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La Grèce s’effondre, les politiciens français ronflent

mercredi 28 avril 2010

Ambiance étrange. Alors que la situation grecque se fait de plus en plus préoccupante à chaque heure qui passe, les politiciens continuent leur manège sans trop s’émouvoir. L’anxiété, c’est mauvais pour leur cholestérol, de toute façon.

D’un côté, la Grèce.

A mesure que la banqueroute se fait de plus en plus évidente, ses dirigeants deviennent de plus en plus forcés dans leurs derniers retranchements. Les hésitations allemandes ont ainsi achevé l’optimisme béat pourtant affiché par Papandreou jusqu’à récemment.

Maintenant, on est en effet plutôt dans la phase « J’ai un mauvais pressentiment« , qui précède celle, moins rigolote encore, du Sang et des Larmes que pourtant on ne voit plus très bien comment éviter ; Papandreou est effectivement arrivé à la conclusion qu’à présent, pour rendre l’économie grecque à nouveau viable, « il faut tout changer« .

Pour contrebalancer une telle pilule, il enchaîne tout de suite sur un petit « Mais le gouvernement a besoin pour cela de temps et de sérénité« , expliquant ainsi les démarches frénétiques pour aller faire le tour des popotes et récupérer quelques milliards siouplait.

Eh oui : ça commence, en Grèce, à cogiter un peu sur le problème et à se dire qu’effectivement, si on veut vraiment sortir le pays de l’ornière, il va falloir faire des choses assez sensibles et profondes. Pour le moment, et jusqu’un peu avant le 19 mai, date à laquelle la prochaine échéance financière devra être honorée, on pourra se contenter de prendre un air sérieux et réfléchir violemment sur ces changements. Si l’argent de l’aide ne tombe pas d’ici là, en revanche, l’air sérieux passera à soucieux puis à paniqué et … on commencera effectivement à tailler dans les dépenses.

Ce sera trop tard, probablement, mais au moins, l’action prévaudra.

De l’autre, la France.

On y est encore au tout début d’une telle prise de conscience.

Tel une petite odeur rance qui flotterait dans l’hémicycle et incommoderait un peu les parlementaires, personne ne l’évoque vraiment, et, en réalité, une fois qu’on est confortablement installé depuis des années dans les lambris, la petite odeur ne se remarque plus.

Et c’est donc dans une parfaite adéquation tant avec cette odeur de moisi qu’avec le calme soporifique, compassé voire ennuyeux qu’on trouve actuellement dans le monde politique français que le PS présente son « nouveau modèle économique, social et écologique ».

L’auteur, Moscovici, se sera donc fendu d’un texte de 23 pages, entre deux longs et humides bâillements, pour nous dévoiler le ronronnement tranquille d’un parti qui sort ses griffes moufles pour 2012.

Pétillant d’innovations ultimes, ce projet nous évoque des valeurs, comme le Progrès, la Justice, avec un peu de prêt-à-consommer (moyennant 30′ de micro-onde pour réchauffer un peu) : du « bien-être plutôt que du tout-avoir« , en combo-box pratique avec « les biens publics et la solidarité plutôt que l’individualisme » ; c’est pas trop trop violent, la sortie de léthargie doit se faire sur le long-terme, calmement, en pensant un peu au petit thé au jasmin qu’on va siroter, doucement, sous la tonnelle en réfléchissant, un peu, à la mutation écologique tranquille du PS.

Furieusement rock’n’roll, Pierre nous invite, par le détour de ces petites phrases chantantes comme des flûtes à champagne vide qu’on frotte d’un doigt mouillé lors de repas familiaux vraiment trop longs, à comprendre qu’ »à politique budgétaire, monétaire, commerciale et fiscale inchangée », les difficultés que traverse le pays sont « insolubles ». Et dans son œil encore un peu humide d’un sommeil tout juste fini, on décèle la malice du vieux sage qui sait que derrière ces mots apaisants et tranquilles se cache une petite burette de vaseline et une solide ponction fiscale, toute en douceur.

Pour cela, on pourra réintroduire un peu de TVA-sociale, qu’on travestira d’un appendice éco-modulable, pour passer inaperçu. Mais gentiment, hein. C’est le PS, dont on parle ici. Pas de violence ! Du vivre-ensemble, de l’amour gentil et des siestes paisibles au frais des platanes du jardin.

Pierre reprend une gorgée de thé. Il fait beau, le vent berce les arbres lentement. Un pépiement d’oiseau, au loin, se fait entendre. C’est le printemps, les oisillons sortent des œufs.

Il manque de s’assoupir. Mais, d’une inspiration rapide, remplit ses petits poumons d’un oxygène chargé de senteurs sucrée d’un printemps naissant. Parlons salaires !

On va refaire les grilles des entreprises dans lesquelles l’état est actionnaire. Et puis on va donner des crédits formations aux Français. Et puis on va bloquer les loyers. Et puis on va faire un impôt progressif prélevé à la source. Et puis la taxe Tobin. Et puis et puis et puis… Soupir.

Toute l’énergie du thé au jasmin a été claquée en quelques secondes. Pierre dodeline de la tête. Il lutte contre un nouvel accès de sommeil.

La crise grecque, le nécessaire équilibre du budget de l’état, les retraites ?

Tout ça est très loin, là-bas, par delà la verte colline où ondoient de riantes herbes.

Pierre, avant de sombrer dans un sommeil qu’il n’aurait, à la réflexion, jamais du quitter, sait bien, finalement, que tout ceci, c’est une longue resucée de choses qui ont déjà été écrites, dites et pensées longtemps avant lui, de la même façon, il y a déjà bien des années. Il sait, au plus profond de lui, alors que déjà ses ondes alphas s’aplatissent et qu’un doux engourdissement le gagne, que ce programme n’a aucun intérêt et qu’il n’est que l’aboutissement logique d’une calcification douillette d’un parti qui n’en peut plus de ressasser les mêmes recettes éculées.

Mais il sait aussi que toute autre proposition aurait nui à son sommeil.

Il sait aussi que là-bas, au loin, les séismes financiers grondent et se rapprochent, mais là encore, s’en occuper serait nuisible à son repos.

Pierre, le PS et tout le reste, finalement, de la classe politique française, s’enfonce donc douillettement dans le coton moelleux du déni pur et simple de réalité. On bricole un peu, on fait un buzz ramdam un peu répétitif sur des questions annexes, on s’occupe.

Et pendant ce temps, l’état s’endette, prête de l’argent qu’il n’a pas, ne se réforme pas.

Allons. Tout va bien.

Rendormons-nous.


Voir en ligne : La Gr


Article repris avec l’aimable autorisation de l’auteur.

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