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Le retour de la vengeance du « changement »

Bluff en Grande-Bretagne

vendredi 30 avril 2010

Tel est le panorama de ces élections britanniques du 6 mai prochain : une lutte non pas entre rivaux, mais parents idéologiques. Ni Cameron ni Clegg ne représentent aucun changement sérieux. Et celui qui attend le contraire ne gagnera qu’une nouvelle désillusion.

L’homme est le seul âne qui bute deux fois sur la même pierre. Les libéraux sont des hommes. Et comme tous les hommes, ces derniers ont la mauvaise habitude de projeter leurs illusions sur les politiciens, aux dépens de la réalité. Sarkozy va sortir la France de sa sclérose socialiste. Merkel va être la Thatcher teutonne. Cameron ou Clegg sont l’espoir d’un « changement ». Ouvrons les yeux. Ce ne sont là que des mirages.

Surtout en Grande-Bretagne. Il n’est plus besoin de s’étendre sur le funeste programme de continuité de Brown. La « Grande société » de Cameron ne peut que nous inciter au scepticisme. Et Clegg n’est certainement qu’une bulle qui éclatera. Le Times se lamente que les candidats fuient le seul et vrai débat : à savoir, plus ou moins d’État. Le Daily Telegraph leur reproche de passer allègrement au-dessus des coupes budgétaires nécessaires pour contenir le déficit public. Les débats télévisés ont été distrayants à la surface et décevants sur le fond.

Vu de l’autre côté de la Manche, pour qui voterions-nous ? Des trois candidats britanniques, Cameron représente le moindre mal en économie ; mais la différence est minime et son absence de principes est si irritante qu’il ne mériterait en fait aucun soutien. L’abstention serait une alternative raisonnable : une manière d’exprimer son rejet face à cette farce et de se démarquer des politiques (presque sûrement antilibérales) du prochain gouvernement de sa Majesté. Car, enfin, lorsqu’on entre dans un magasin et que nous n’y voyons rien qui nous plaise, nous ne sommes pas obligés d’acheter. Le problème est que l’on ne peut sortir du magasin de la social-démocratie : les autres clients nous font payer le produit qu’ils désirent. Dans cette situation, ne serait-il pas préférable de pencher en faveur de la moins nuisible des options disponibles ? Se décider pour le moindre mal (en se bouchant le nez) est un choix parfaitement respectable, mais, décidément, on ne peut s’empêcher de préférer l’abstention ou le choix de partis tiers, plus radicaux, comme le UK Independence Party ou le Libertarian Party.

L’UKIP est le parti euro-sceptique étoile. Sa proposition fondatrice est de sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne en maintenant le libre commerce. Bien qu’il soit le second parti britannique à Bruxelles (avec 13 eurodéputés et 16,5% des votes), il est difficile qu’il obtienne le moindre député aux élections nationales. L’UKIP parle clairement et directement : il veut jeter à la rue deux millions de fonctionnaires et réduire les dépenses publiques, réduire l’impôt sur les bénéfices et appliquer une flat tax de 31% avec un généreux minimum d’exemption, introduire un système de chèque dans la santé et l’éducation, augmenter les dépenses dans la défense, construire plus de prisons et durcir les peines, développer l’énergie nucléaire et établir une commission qui enquête sur la réalité du « changement climatique », congeler l’immigration, liquider la carte d’identité, autoriser des zones pour fumeurs dans les pubs, décentraliser les compétences, rendre férié le jour de la Saint George. Ils présentent pas mal de contradictions, mais leur programme comporte également de très nombreux points sympathiques. Et il serait amusant de voir Nigel Farage, la terreur des bureaucrates européens, siéger aux Communes.

Le Libertarian Party est plus puriste, mais amateur et anecdotique. Il n’est pas sûr, dès lors, que voter pour eux puisse transmettre un message audible. Contrairement aux États-Unis, où voter pour le Libertarian Party local ou Ron Paul sert au moins à faire de la publicité en faveur de l’antiétatisme pur et dur et à éduquer les électeurs.

Tel est le panorama de ces élections britanniques du 6 mai prochain : une lutte non pas entre rivaux, mais parents idéologiques. Ni Cameron ni Clegg ne représentent aucun changement sérieux. Et celui qui attend le contraire ne gagnera qu’une nouvelle désillusion.

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