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Réunion Écofin

À l’écoute des « spéculateurs »

mardi 11 mai 2010

S’il n’existe que deux façons - inflation ou sauvetage aux dépens de l’Allemagne - pour que l’euro survive aux politiciens grecs ou espagnols, c’est bien le signe que la devise européenne est morte et ne convient pas à des sociétés qui se préoccuperaient plus du futur que de vivre au-dessus de ses moyens sur le compte des voisins.

Peut-être quelqu’un s’est posé la question de savoir d’où sortait le chiffre de 750 milliards d’euros du « plan de secours » sur lequel les ministres de l’économie et des finances européens viennent de s’accorder pour, selon eux, protéger l’euro et combattre la « meute de loups » des spéculateurs. Certains penseront qu’il s’agit d’une manière de s’assurer du complet sauvetage de la Grèce et d’écarter définitivement le moindre doute sur le remboursement de sa dette. Mais, ce faisant, ils feraient preuve d’une naïveté certaine, parce que les chiffres, eux, ne laissent la place à aucun doute.

En effet, on s’attend à ce qu’à la fin de l’année la dette totale de la Grèce atteigne les quelques 330 milliards d’euros et celle du Portugal, 140 milliards. La différence entre 470 milliards et 750 est de 280 milliards. Ce chiffre ne vous suggère-t-il rien ? Souvenez-vous, c’est exactement la quantité d’argent que, selon les « rumeurs malveillantes » qui courraient la semaine dernière, l’Espagne devrait solliciter au FMI pour refinancer les échéances de sa dette pour cette année.

Ce qui pourrait signifier deux choses : d’abord que le président du gouvernement espagnol, Rodríguez Zapatero, aurait bien menti comme un arracheur de dents lorsqu’il assurait qu’il était « absolument faux » que l’Espagne puisse nécessiter et soit en train de négocier un prêt extraordinaire ; ensuite, que les « spéculateurs » – qui, depuis que les bourses mondiales remontent, sont redevenus des « investisseurs » – auraient visé juste. Au final, Zapatero avait raison : l’Espagne, avec ses arythmies et ses infarctus, se trouve bien au cœur de l’Europe. Bien entendu, l’excuse officielle pour approuver ce méga-plan de sauvetage de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne ne s’est pas fondé sur la reconnaissance que ces deux derniers pays se trouvent réellement dans une situation proche de l’hellénique, mais sur la dénonciation de ce que les « spéculateurs » auraient tellement déstabilisé les marchés qu’il était devenu impossible pour les « petits » pays de trouver du crédit suffisamment bon marché. Bref, le cas d’école de la prophétie auto-réalisatrice : on murmurait tellement qu’il fallait un sauvetage qu’à la fin il a bien fallu le réaliser.

Redevenons sérieux, maintenant. Un plan de sauvetage de 750 milliards d’euros ne se monte pas ainsi simplement parce que le financement de la dette est devenu 100 points plus cher pour l’Espagne. Non, ce plan a été élaboré parce que c’est maintenant une certitude : l’économie espagnole, comme la grecque, connaît de très sérieux problèmes pour trouver tout le financement nécessaire pour cette année, avec ou sans « spéculateurs ». Mais surtout, ce plan de sauvetage signifie le point final du rêve européen d’union monétaire. On le reconnaîtra ou pas, mais s’il n’existe que deux façons – inflation ou sauvetage aux dépens de l’Allemagne – pour que l’euro survive aux politiciens grecs ou espagnols, c’est bien le signe que la devise européenne est morte et ne convient pas à des sociétés qui se préoccuperaient plus du futur que de vivre au-dessus de leurs moyens sur le compte des voisins.

Alors que l’on ne se trompe pas : les remontées spectaculaires des bourses européennes de ce lundi à l’annonce du plan de secours européen concocté par les ministres réunis à Bruxelles sont tout sauf une bonne nouvelle. Qu’est-ce qui motivait les « spéculateurs » à fuir les marchés grecs, portugais et espagnols ? La prévision que ces pays auraient les plus grandes difficultés pour faire face à leurs dettes. Qu’est-ce qui fait maintenant revenir les « investisseurs » ? La constatation que l’Europe sauvera la tête de ces pays aux dépens des contribuables européens. Et surtout le fait que les banques centrales se montrent disposées à acheter les titres de la dette souveraine de ces pays. On appelle cela monétiser la dette. Et cette seule expression devrait faire dresser les cheveux de quiconque ayant quelques notions d’histoire économique. Car il s’agit là d’une des causes les plus directes de l’inflation et a toujours été associée dans le passé à l’augmentation généralisée des prix et à la corruption de la monnaie. La Banque centrale européenne pense pouvoir contrôler cela. Que le ciel fasse qu’il en soit ainsi. Mais une inflation modérée ne serait d’aucune aide pour les pays endettés ; et une fois sur la pente de l’inflation, il est très difficile et coûteux de faire face aux autres effets pernicieux et difficilement appréciables qui apparaissent immanquablement.

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