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La crise de la dette

Un PIG de l’autre côté de la Manche

mercredi 12 mai 2010

Si la Grande-Bretagne ne se trouve pas dans la même situation que la Grèce, c’est bien seulement grâce au calendrier. En effet, Athènes s’est vue forcée de refinancer d’un coup 20 milliards d’euros, alors que Londres ne devra honorer ses principales échéances que bien plus tard, dans 14 ans.

Alors que tout le monde a les yeux fixés sur la Grèce et les autres « PIGS », le Royaume-Uni, inventeur du terme – quand, au milieu des années ’90, ce pays était celui qui prospérait le plus et le mieux au sein de l’Union européenne et regardait avec dédain les folkloriques pays méditerranéens –, souffre un véritable calvaire économique qui passe relativement inaperçu depuis la zone euro. De fait, sa dette et son déficit public n’ont absolument rien à envier à ceux de la Grèce, même si le gouvernement de Sa Majesté arrive à escamoter ses problèmes derrière la Manche.

Le Royaume-Uni traîne le plus grand des déficits publics du G-20, de l’ordre de 12%, supérieur à celui de l’Espagne, de la Grèce, de l’Irlande ou de n’importe lequel des pays sérieusement endettés de la zone euro. La dette publique, quant à elle, tourne autour de 100% du PIB, le double de l’Espagne. Si ce pays ne se trouve pas dans la même situation que la Grèce, c’est bien seulement grâce au calendrier. En effet, Athènes s’est vue forcée de refinancer d’un coup 20 milliards d’euros, alors que Londres ne devra honorer ses principales échéances que bien plus tard, dans 14 ans. L’ économie britannique – il est bon de le rappeler – est gigantesque, une des plus grandes, totalement impossible à sauver. Si le gouvernement de ce pays devait jamais suspendre ses paiements, le monde plongerait immédiatement dans une crise sans précédent.

Cela pour ce qui concerne le secteur public. Car de l’autre côté, l’endettement privé est également des plus hauts. En moyenne, chaque Britannique doit aux banques 170% de ses revenus annuels. Les foyers anglais sont même plus endettés que les ménages américains. Les taux d’intérêts maintenus artificiellement bas par la Banque d’Angleterre tentent en vain de regonfler la bulle du crédit. Une des tâches les plus urgente du nouveau locataire du 10 Downing Street, le conservateur David Cameron, va être obligé de réinventer une politique monétaire depuis le début. Dès que les taux remonteront, ce qui ne peut manquer d’arriver tôt ou tard, l’argent trouvera à nouveau un prix plus en accord avec les marchés ; ils emporteront avec eux une multitude d’entreprises et de familles endettées.

En attendant, l’État doit continuer à quémander de l’argent car il dépense tant qu’il n’assume plus. Il y a au Royaume-Uni 6,1 millions de fonctionnaires, ce qui n’est pas rien pour un pays de 62 millions d’habitants et une population active de 30 millions. Durant le règne des travaillistes, la fonction publique a augmenté de manière exponentielle. Près d’un million en un peu plus de dix ans. Ces fonctionnaires sont bien payés, souvent même mieux que les travailleurs du secteur privé et leurs salaires augmentent plus rapidement. Ainsi les Britanniques qui travaillent pour l’État gagnent en moyenne 462£ par semaine contre 451£ pour ceux qui travaillent dans le privé. Les premiers ont bénéficié d’une augmentation de 3,7% l’année dernière contre 1,8% pour les seconds. En résumé, pour quatre salariés du privé il y a un fonctionnaire.

Comme ailleurs, le secteur privé se serre la ceinture tandis que l’État dépense plus. Le chômage atteint les 8% et ce sont déjà 2,5 millions de personnes qui font la queue. Un chiffre vraiment alarmant dans un pays où le chômage avait virtuellement disparu la dernière décennie. En revanche, l’État doit dépenser de très importantes sommes tous les mois pour subsidier la population non active, majoritairement des étudiants, qui totalisent le chiffre impressionnant de 8 millions de personnes. Le panorama est bien peu reluisant avec chaque fois moins de gens qui travaillent et chaque fois plus de fonctionnaires, ainsi qu’une liste qui ne cesse de s’allonger d’ayants droit aux diverses allocations publiques.

Pour beaucoup, un des avantages de ne pas appartenir à la zone euro serait que le gouvernement britannique pourrait jouer à loisir avec la monnaie en la laissant flotter sur les marchés ou en la dévaluant directement pour récupérer la compétitivité perdue à cause des hauts salaires et l’antérieure solidité de la livre sterling. Et c’est bien ce qui s’est passé : la livre a dévalué d’environ 30% par rapport à l’euro durant les deux dernières années. Les conséquences de cette dépréciation furent également immédiates. Les réserves du pays furent drainées et les sujets de Sa Majesté devinrent plus pauvres, spécialement ceux qui résident à l’étranger. Ainsi ce sont déjà des milliers d’expatriés et de pensionnés qui ont dû quitter l’Espagne, incapables de supporter la hausse relative du coût de la vie par rapport à leurs revenus dévalués. Une pension britannique aujourd’hui à la Costa del Sol n’a plus rien à voir avec celle de 2007.

Aujourd’hui, personne ne se fie à la livre car le gouvernement dépense sans compter et parce que la Banque d’Angleterre a acheté d’énormes quantités de la dette publique ; c’est-à-dire qu’elle a monétisé cette dette, la transformant en livres sterling nouvellement créées qui directement furent employées à payer les programmes gouvernementaux. Exactement ce que prétend faire maintenant la Banque central européenne avec la dette publique des pays lourdement endettés de la zone euro. Ces livres contaminèrent rapidement le tissu productif, ouvrant grande la porte à l’affreux de service de toute crise économique : l’inflation et son corolaire, la hausse des prix. Tandis que dans la zone euro l’inflation a été contenue du fait de l’atonie de la demande et grâce au fait que la BCE s’est abstenue de faire des sottises, au Royaume-Uni – déjà soumis à des pressions inflationnistes en pleine phase d’euphorie – l’inflation dépasse largement les 3% et atteignit presque les 6% en 2008. Si cette inflation ne s’est pas envolée, c’est seulement parce que la consommation a diminué et que l’épargne a augmenté. Et de toute cette nouvelle masse d’argent mise en circulation par la Banque d’Angleterre, une grande partie reste pour l’instant dans la poche des gens. Mais cela ne durera pas éternellement.

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