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Mortal Kombat / EdNat vs Cour D Compte

vendredi 14 mai 2010

C’est la GuErRRRe ! Le conflit ouvert est déclaré, les deux factions en présence ont déjà commencé le pilonnage de l’adversaire à l’artillerie lourde. Mais l’offensive initiale de Cour D Compte sur les territoires de EdNat aura fait, d’emblée, beaucoup de dégâts…

Seguin est parti et a quelque peu laissé l’institution de la Cour des Comptes orpheline d’une certaine prestance. Mais très manifestement, elle s’est rapidement remise de sa disparition avec la publication d’un rapport sur l’Éducation Nationale qui remet certaines pendules à l’heure.

Et question low-kicks, coup de pieds giflés, grosses tatanes et mandales de fou, on trouve de tout dans son analyse de plusieurs centaines de pages du système d’éducation français.

En substance, le rapport pointe surtout que le système français produit surtout un écart de plus en plus important entre les élèves favorisés et ceux issus des classes les plus modestes. Autrement dit, l’éducation nationale, égalitaire et unique, outil rêvé des constructivistes pour aplanir les différences à grand coup d’idéologie et de beaux principes inculqués dès le plus jeune âge, ce système mirifique qui donne la possibilité de conscientiser le citoyen à son devoir antidiscriminatoire et durable du téton au bachot n’arrive pas du tout à produire cet Homme Nouveau, ce citoyen civilisé et éco-friendly qu’on réclame bruyamment à longueur de débats politiques sur de lumineux plateaux télé.

Mieux : le niveau stagne, l’alphabétisation marque le pas, et les dépenses explosent…

Évidemment, devant le constat qu’on peut sans détour qualifier de catastrophique établit par ce rapport, on peut parier que les usual suspects de l’action syndicale éducative spéciale, les groupuscules d’intervention parentale semi-armés et les phalanges d’activistes autonomes de l’enseignement grogneront immédiatement à l’invalidité des études menées : les chiffres sont faux, les interprétations farfelues, ce sont rien que des méchants de droite qui écrivent ça, et de toute façon on vous l’avait bien dit parce qu’on mankdeumoien.

Cependant, sachant que pour la triste conclusion de la Cour des Comptes, celle-ci se sera fendu de deux ans d’auditions des meilleurs spécialistes du système éducatif, ainsi que d’une enquête de terrain dans 60 établissements de six académies et trois pays étrangers, l’argument de la faiblesse des sources et des données ne devrait pas tenir longtemps.

Il restera l’atermoiement sur les moyens – qui manquent -, les salaires – trop faibles -, le nombre de profs – pas assez élevé -, les infrastructures – toutes pourrites – et tout un tas de problèmes qu’on aurait largement pu résoudre si on avait pas eu ce fichu manque de moyens.

Mais voilà : le budget de l’Éducation Nationale, c’est tout de même le premier du budget de l’Etat Français, et il est en constante augmentation depuis des années. Autrement dit, c’est un budget qui est tout … sauf moyen, justement.

Au détour, on s’attardera à l’amusante analyse de l’analyse menée par l’inénarrable Meirieu, spécialiste de l’edutainment français – et qui cumule cette fonction avec un poste verdôcrate à la région Rhône-Alpes. Avalanche de constats d’évidences et ton compassé emballé dans les termes habituels du camouflage de banalités, il nous apprend que, je cite :

« Il y a un manque de cohérence dans l’espace et le temps en matière de politique éducative : on assiste à une succession de réformes qui se font à vitesse grand V, de façon pyramidale et verticale. »

Comme on peut le constater, ça parle directement de vitesse, d’espace-temps, de réformes pyramidales et verticales (en même temps, si si). Rien qu’à conceptualiser, on frôle le pétage de klaxibule. Il réitère un peu plus loin, toujours dans les évidences :

« Le corps enseignant est un peu découragé car il a le sentiment d’être dévalorisé et pas entendu. Un état dépressionnaire pèse sur l’école actuellement. »

Bref. Les jeunes, pour ainsi dire, se bousculent aux portes de l’Education Nationale pour devenir profs, mais sont rapidement découragés devant le peu de valorisation d’un travail que personne ne veut faire. On frise le paradoxe aux petits fers.

Les solutions au niveau du rapport de la Cour des Comptes concernent par exemple la plus grande liberté donnée aux chefs d’établissements, et la nécessité d’une évaluation plus poussée des politiques menées. Même si on peut admettre que ce genre de choses soit, en final, une nécessité, on se doute aussi que ça ne peut constituer une réponse ultime aux plaies qui s’étendent sur le système scolaire français dans son ensemble.

Côté Meirieu, ça continue sur le crin-crin habituel. Utilisant sa vitesse V de tout à l’heure, le petit bonhomme s’est satellisé en dehors de toute contingence du réel, et le voilà parti à l’assaut du méta-espace des réalités alternatives :

« Mais il faut relativiser le problème de niveau des élèves. Il baisse dans un domaine, la maîtrise de la langue écrite, mais pas tant que ça dans les autres matières. Par ailleurs, le déficit des élèves français est moins sur le plan de la maîtrise des compétences que sur celui de l’autonomie et de la confiance en soi. La faute à des évaluations trop systématiques et suspicieuses. »

En somme, il est d’accord avec le constat de la Cour des Comptes, mais pas tout à fait puisque le niveau des élèves n’est pas si mauvais, voire qu’il est même bon dans « les autres matières » (poterie, macramé, et le reste). D’accord, mais pas d’accord. Quant aux évaluations, elles froissent l’égo des élèves, et leur renvoie à la face leur médiocrité dans les matières bourgeoises comme l’orthographe ou les mathématiques, donc bof.

Tout ceci laisse un peu sur sa faim. Le constat dressé par la Cour des Comptes est, effectivement, accablant. Mais les propositions font preuve d’une indolence assez caractéristique avec le discours trop diplomatique toujours employé dans ce genre de rapports et pour ce genre de cas : on n’ose pas dire clairement qu’il y a des réformes profondes à mener, comme l’abandon pur et simple du collège unique, comme la remise en question de l’obligation de scolarité jusqu’à 16 ans. En réalité, il y a beaucoup à dire, et beaucoup à proposer.

Et du côté des thuriféraires du Tout à l’État, on a bien compris qu’attaquer de front ce rapport ne rapporterait pas grand crédit. Alors on louvoie, on emballe, on ellipsifie densément dans des méta-analyses plus ou moins ridicules qui, essentiellement, visent à remettre une couche de ce qui a déjà prouvé son étonnante capacité corrosive.

Une autre question mérite qu’on se demande pourquoi diable la Cour des Comptes s’est-elle intéressée à l’Education Nationale, alors que son mandat est beaucoup plus proche de la bonne utilisation des deniers de la République et pas tant des programmes scolaires… La publication de cette étude doit beaucoup à la nomination à la tête de la Cour d’un socialiste notoirement opposé au gouvernement, sans doute.

On ne peut s’empêcher de penser aussi qu’il s’agit d’un autre de ces étranges petits mouvements, ou soubresauts post-mortem, qui masquent les problèmes bien plus graves, aigus et actuels de la société française et de son système politique.

Il est clair qu’un rapport de la Cour des Comptes sur la dette française, aujourd’hui, provoquerai une onde de choc dont les conséquences seraient autrement plus graves que les petits atermoiements qu’on observe pour l’Education Nationale.

Ou peut-être me fais-je des idées ?


Image : Lyc

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