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En toute rigueur, ce n’est pas une politique de rigueur

lundi 17 mai 2010

Il est des mots impro­non­ça­bles dans ce beau pays qu’est la France. Il y a libé­ra­lisme, bien sûr, mais éga­le­ment le mot rigueur. Tout par­ti­cu­liè­re­ment lorsqu’il s’agit du bud­get de l’État. Car, voyez-vous, il ne sau­rait être ques­tion de tenir les comp­tes publics avec rigueur (si tant est que cela soit pos­si­ble), non ! L’argent public, c’est bien connu, est uni­que­ment fait pour être dila­pidé et, en plus, c’est sans dan­ger aucun – n’est-ce pas ?

Alors voici le gro­tes­que mic­mac dans lequel nous nous trou­vons. Fran­çois Fillon, en une molle réac­tion à la crise, annonce le gel des dépen­ses publi­ques sur 3 ans. Or voilà que cette micro­sco­pi­que mesu­rette déclen­che une tor­nade de com­men­tai­res et de dis­pu­tes quant à savoir s’il s’agit bel et bien d’un bud­get de rigueur ou pas et, au cas très hypo­thé­ti­que où il le serait, si c’est là une bonne solu­tion.

Com­men­çons par nous gaus­ser de ce gou­ver­ne­ment dont les couilles sont aussi mol­les que cel­les d’un tau­reau ava­chi par l’âge. Car pour­quoi ne pas nom­mer sim­ple­ment un chat un chat ? D’ailleurs les Fran­çais ne sont pas dupes, puis­que 64% d’entre eux ont « le sen­ti­ment que la poli­ti­que menée par le gou­ver­ne­ment est une poli­ti­que de rigueur »…

Bref, il reste tout de même dif­fi­cile de pren­dre les gens pour des truf­fes. Bien que l’on puisse s’esclaf­fer de la légè­reté du plan de rigueur gou­ver­ne­men­tal. D’ailleurs, à ce pro­pos, la lec­ture de cetour d’hori­zon des plans de rigueurs euro­péens est à se tor­dre de rire. Lisez les titres ! Par­tout on se sert la cein­ture, on annonce des cou­pes clai­res et des éco­no­mies, Espa­gne, Grèce, Ita­lie, Rou­ma­nie… par­tout et en toute bonne fran­chise, sans bar­gui­gner sur la réa­lité. Puis arrive le tour de la France, et le jour­na­liste doit bien titrer : « FRANCE : OFFI­CIEL­LE­MENT, PAS DE RIGUEUR ». À mou­rir de rire dans tous les sens car non seu­le­ment le gou­ver­ne­ment est effec­ti­ve­ment dans une logi­que de rigueur, offi­cieu­se­ment bien entendu, mais en plus ce qu’il fait n’est pas suf­fi­sant si bien qu’en toute rigueur, compte-tenu des enjeux, on peut dire… qu’il n’y a pas de rigueur…

Reste l’autre grande inter­ro­ga­tion : la rigueur est-elle une bonne idée, ne ris­que-t-on pas de voir l’éco­no­mie plon­ger plus gra­ve­ment encore ?

Parce que, voyez-vous, com­ment l’éco­no­mie fonc­tion­ne­rait-elle sans les dépen­ses publi­ques !? C’est bien connu que, d’aussi loin que remonte la nuit des temps, le mar­ché a tou­jours eu besoin d’un État super dépen­sier et omni-inter­ve­nant pour exis­ter… C’est à se deman­der com­ment on fai­sait, à la fin du XIXème siè­cle, lors­que les États ne repré­sen­taient pas le quart du PIB natio­nal ! La dro­gue key­né­sienne est une dro­gue puis­sante, on ne sait plus com­ment sur­vi­vre sans elle…

Ces pré­ven­tions con­tre la réduc­tion salu­taire de la voi­lure éta­ti­que par ces temps de bour­ras­ques révè­lent néan­moins un trait par­ti­cu­lier. Les anti­li­bé­raux n’ont de cesse d’accu­ser les libé­raux de s’aveu­gler dans la foi d’un mar­ché par­fait. Or, à ce que je sache, les libé­raux ne disent pas que le mar­ché est par­fait. Pour eux, l’idée qu’il y ait des cri­ses et plein de défauts ici et là est natu­relle, car com­ment pour­rait-on ima­gi­ner un monde sans crise aucune, jamais, et par­fait qui plus est, sans tom­ber dans une sorte de mes­sia­nisme déli­rant ? Or, n’est-ce pas l’uto­pie d’un monde débar­rassé de ses sou­bre­sauts que pour­chas­sent ceux qui croient que l’État peut et doit dépen­ser sans comp­ter pour sou­te­nir l’acti­vité éco­no­mi­que ? Il ne leur vien­drait pas à l’esprit que ce qu’ils appel­lent avec effroi et dégout rigueur, et qui n’est rien d’autre que du bon sens, soit la pre­mière étape vers le réta­blis­se­ment. Tout comme le sevrage d’une dro­gue n’est que la pre­mière étape dif­fi­cile vers la gué­ri­son. Ils accu­sent les mar­chés de cor­rup­tion, mais eux-mêmes sont cor­rom­pus par une faci­lité illu­soire.

Comme avait dit Jos­pin, l’État ne peut pas tout. Je serais même tenté de dire qu’il ne peut pas grand chose, hor­mis aggra­ver la situa­tion. Et c’est pré­ci­sé­ment ce que s’empres­sent de faire tous ces prin­ces qui nous gou­ver­nent : impli­quer un maxi­mum l’État, his­toire que, si les ris­ques pris devaient se réa­li­ser, le plus grand nom­bre mor­fle bien un bon coup.


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