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Un haut dirigeant clé de BP trop occupé à bâcler l’enquête sur le Cimategate pour surveiller les opérations du Golfe du Mexique

BP et le Climategate

lundi 24 mai 2010

Vice Président, Développements Eaux Profondes dans le Golfe du Mexique. Les opérations de BP dans les eaux profondes du Golfe du Mexique sont ce qui en faite le plus gros producteur aux USA. Un poste de grande ampleur et de grande importance, pour ne pas dire plus. Mais alors, que fait notre David à décortiquer des petits email de la Climate Research Unit de l’Université d’East Anglia ?

Il y a quatre semaines, combien d’entre vous saviez que BP est le plus gros producteur de pétrole et de gaz aux USA, plus grand que ExxonMobil ? Personne ? Moi non plus.

Combien d’entre vous aviez vu les pubs vertes de BP, « beyond petroleum au-delà du pétrole » , les éoliennes qui tournent paresseusement dans une brise d’été, comme une espèce de version grandes entreprises de batifoler dans les prés au ralenti ? Tout le monde ? Je pensais bien.

Les évènements récents ont de toute évidence placé BP dans l’œil du public et on se pose des questions sur son lobbying vert.

Qu’est ce que cela a à voir avec les enquêtes sur le Climategate ?

Dabid Eyton, Vice Président Groupe de BP en Recherche et Technologie, est un membre du comité d’enquête Muir Russell. Une seule soumission (la mienne) a critiqué sa présence dans ce comité. Il y a eu silence radio complet des scientifiques du climat. Pourquoi cette communauté si perpétuellement outragée a-t-elle gardé le silence ? On en reparlera plus loin.

La biographie d’Eyton est particulièrement intéressante dans les circonstances présentes :

David a rejoint BP en 1982 avec un diplôme d’ingénieur de Cambridge. Durant ses premières années de carrière il a eu un grand nombre de postes en ingénierie pétrolière, en commercial et en management. En 1996, il a été nommé DG des intérêts de BP sur le plateau continental du Nord-Ouest de l’Australie. David a ensuite dirigé le champ pétrolier de Wytch Farm au Royaume Uni puis la division Gaz à Trinidad. En 2001, il devenu l’assistant exécutif du CEO de l’époque, John Browne, au siège social de l’entreprise à Londres. Suite à cette mission, a été Vice Président des développements en eaux profondes dans le Golf du Mexique et, avant son poste actuel, a été Vice Président pour la technologie de BP Exploration et Production.

Vous avez bien lu, Vice Président, Développements Eaux Profondes dans le Golfe du Mexique. Les opérations de BP dans les eaux profondes du Golfe du Mexique sont ce qui en faite le plus gros producteur aux USA. Un poste de grande ampleur et de grande importance, pour ne pas dire plus. Mais alors, que fait notre David à décortiquer des petits email de la Climate Research Unit de l’Université d’East Anglia pour le compte du comité Muir Russell ? Voyez les minutes ici. Il y a définitivement de quoi creuser.

Il est intéressant de réexaminer les publications précédentes d’Eyton dans le contexte de l’explosion du puit de BP et de l’enquête Muir Russell sur le Climategate.

En 2005, Eyton a publié la route vers les opérations en eaux profondes, que j’ai mis en ligne ici. Les réflexions d’Eyton montrent une conscience claire des problèmes techniques nouveaux et difficiles des opérations en mer profonde et ultra profonde :

Le Golfe du Mexique Eaux Profondes pourrait bien être un des bassins les plus prolifiques du monde, mais ça reste une province frontalière. … De plus, nous avons à faire à des environnements naturels extrêmes, « l’ultra profond » en termes de réservoirs et de profondeur d’eau, des géotechniques complexes des fonds marins, des conditions océaniques sévères sous formes de boucles de courants marins et du passage d’ouragans.

Ce sont là de nouveaux défis pour l’industrie, et des défis auxquels nous sommes confrontés à un rythme qui s’accélère sans cesse. Nous nous retrouvons à mettre au point des systèmes flottants pour des profondeurs de 3.000 mètres avant d’avoir pleinement appris les leçons de travailler à 1.800 mètres de profondeur. Et ces nouveaux défis ne sont pas juste liés à la profondeur. Les mécanismes de pannes ou de rupture, comme la fatigue des matériaux entrainée par des vibrations dues à des vortex et les mouvements du vaisseau flottant, dépendent de la durée et peuvent prendre des années à se révéler. On peut dire le même chose de la fiabilité des équipements. Nous savons que le surcoût associé à la fiabilité du matériel est élevé, mais à ce stade, les opérateurs ne disposent que d’une base de données limitée pour prévoir le niveau requis dans des environnements de plus en plus profonds et de plus en plus éloignés.

La recommandation d’Eyton :

En particulier, soyez rigoureux sur la charge initiale et très clair quant à l’échelle et la nature du « prochain pas » que vous vous apprêtez à faire. Reconnaissez que ce qui peut au premier abord apparaitre comme un changement marginal peut en fait se révéler être beaucoup plus profond que ça. Développez des plans de rechange multiples. Et soyez préparés à travailler main dans la main avec vos fournisseurs pour augmenter la fiabilité et réduire le risque.

La présentation d’Eyton est mentionnée dans une conférence presque contemporaine en juillet 2005. Le paragraphe qui suit immédiatement la présentation d’Eyton décrit un défaut de conception remontant à 1628 et résultant de la main gauche qui n’a pas parlé à la droite :

Le vaisseau de guerre Suédois Vasa, doté d’une quille rapide et des meilleurs canons, a souffert de changements de conception qui ont provoqué son naufrage et l’ont fait couler à un mille nautique du départ de son premier voyage en 1628. Des modifications de dernière minute ordonnées pas le Roi sans consultation avec des partenaires experts ont fait que le coûteux vaisseau a coulé. Le modérateur du panel Sandeep Khurana, Spécialiste Sénior chez J.P. Kenny Inc., a invité les opérateurs et les sous traitants à examiner la collaboration dans l’industrie du pétrole et du gaz avec des lunettes teintées de la même couleur. Les champs en eaux profondes sont en train de devenir plus complexes et plus difficiles et la taille moyenne de chaque champ est en légère régression, et il y a donc un réel besoin d’innovation en sous traitance pour amener les projets jusqu’au succès. « Les investissements sont élevés et l’échec n’est pas une option, donc comment pouvons nous collaborer ? » a demandé Khurana. « Un arrangement commercial est-il le meilleur chemin vers une collaboration parfaite ? Y-a-t-il des conflits inhérents à la façon dont nous percevons nos rôles et récompenses ? Comment les objectifs des opérateurs et des sous traitants s’imbriquent-ils ? »

Des questions qui arrivent à point nommé alors que BP, Transocean et Halliburton et essaient de se renvoyer la faute à la figure. L’auteur de cette analogie, Don Vardeman, Président de l’Ingénierie Marine chez Kerr-McGee, a souligné que les mêmes barrières à la collaboration sur des grands projets de développement existent encore aujourd’hui comme ils existaient en 1628, et a émis une liste des obstacles à une telle collaboration couronnée de succès :

L’imitation à la place d’une vraie compréhension des idées

La confusion sur les buts

Une obsession de la vitesse

Ne pas incorporer d’essais de feedback

Des barrières à la communication

Une mauvaise mémoire de l’organisation ou un mauvais transfert de connaissances

De l’ingérence de la part des hauts dirigeants

En 2008, comme nous l’avons déjà noté, Eyton a été nommé Vice Président Groupe, Recherche et Technologie.

Il a assisté à la première réunion de l’enquête Muir Russell (sur le Climategate) le 4 février 2010.

Quelques jours plus tard, à la neuvième réunion annuelle de l’Initiative sur la Réduction du Carbone à Princeton –un programme sponsorisé par BP- où il a présenté la revue d’activité de BP pour 2009. Michael Oppenheimer, face à qui j’ai débattu sur CNN dans l’émission de Campbell Brown, apparait comme une figure de proue de cette initiative. Une flopée de dirigeants exécutifs de BP ont aussi assisté à cette conférence ; tout comme Daniel Schrag, Directeur du Centre Pour l’Environnement de l’Université de Harvard, Steven Hamburg, scientifique en chef du Fond de Défense de l’Environnement et nombre d’autres notables.

Du fait d’engagements préalables, Eyton a raté la conférence de presse dévoilant le comité Muir Russell le 11 février. Sa participation à la réunion Muir Russell du 25 février est notée, de paire avec le fait que l’Université d’East Anglia n’a pas reçu d’argent de BP ces dernières années (mais a contribué généreusement à la Royal Society d’Edimbourg de Geoffrey Boulton, qui menait cette enquête).

A la réunion du 20 mars, il est dit qu’Eyton a présenté une analyse des emails du Climategate –qui sera publiée au terme de l’enquête. Je ne sais pas comment quelqu’un avec un job aussi gros qu’Eyton serait capable de la réaliser avec toute la méticulosité qu’il serait en droit d’attendre d’un ingénieur de plateforme d’exploration offhsore BP. Eyton a pris part à la téléconférence du 1er avril de Muir Russell, où David Walker apparait dans l’effectif pour la première fois (rejoignant Mike Granatt de Luther Pendragon Communications et William Hardy de la Royal Society d’Edimbourg).

Le 19 avril Eyton s’apprêtait à donner un speech sur la gouvernance à Stanford mais il a été coincé par la cendre Islandaise. Le speech est en ligne ici.

Le discours d’Eyton sur la gouvernance distillait quelques leçons importances provenant des opérations de BP dont Muir Russell et Eyton lui-même ont fait fi dans leur conduite de l’enquête sur le Climategate. Eyton a discuté du problème de la résolution des disputes dans une communauté en concluant que : à moins que les citoyens ne ressentent une forme ou une autre d’appartenance dans le projet, vous n’aurez pas de succès.

Dans certains cas, les défis sont si grands que nous formons des comités consultatifs indépendants, qu’on appelle aussi panels « rubans bleus ».

Par exemple, pour l’Azerbaïdjan, nous avons du construire un pipeline via Tbilissi à travers la Géorgie et la Turquie, à un moment où il y avait pas mal de tensions dans la région. Nous avons écouté et appris de la part de d’un large éventail de participants internationaux, nationaux et locaux. Le panel indépendant, sous la direction de Jan Leschly, nous a conseillé sur des choses qui ne nous seraient pas forcément directement venues à l’esprit, y compris les effets sur la communauté locale et les conditions politiques, économiques et sociales. Nous avons également cherché l’avis de scientifiques ayant une connaissance intime de la géologie du pays. Aujourd’hui le pipeline transporte un million de barils par jour en direction de la Méditerranée.

La même chose s’est produite en Papouasie Occidentale, où nous avons dû déménager un village afin de pouvoir construire notre installation. C’est une chose très difficile à faire bien. Cette fois ci, le panel indépendant été dirigé par l’ancien sénateur Américain George Mitchell et incluait les chefs de la communauté locale. Toutes les parties ont travaillé ensemble pas seulement pour déménager une partie du village mais aussi pour la reconstruire en mieux. Le projet est maintenant opérationnel et les résidents sont heureux du résultat.

La leçon est : à moins que les citoyens ne ressentent une forme ou une autre d’appartenance dans le projet, vous n’aurez pas de succès.

A moins que les citoyens ne ressentent une forme ou une autre d’appartenance …

Malgré ces mots de sagesse au sujet de la gouvernance, le comité Muir Russell sur le Climategate a fait exactement l’inverse. En dépit de l’engagement de Muir Russell d’exclure les panelistes ayant des liens avec l’Université ou avec le débat sur la science du climat, Geoffrey Boulton a été nommé. Graham Stringer a signalé le manque d’équilibre du panel, mais Muir Russell a répudié ce point. Stringer a observé : « je pense que vous pourriez trouver plus de crédibilité pour votre rapport si vous avez des scientifiques réputés en provenance des deux côtés ? C’est une question politique, en fait. » L’avis de Stringer ici est le même avis qu’Eyton a émis précédemment, mais ignoré en sa qualité de paneliste Muir Russell.

Le manque de représentation est empiré par l’incapacité de l’enquête Muir Russell (et d’autres enquêtes similaires) à faire le moindre effort pour parler à des critiques clés et à des cibles visées par les emails du Climategate. L’enquête « Oxburgh » était encore pire, enfreignant toutes règles de gouvernances décrites dans le speech d’Eyton.

Etant donné qu’Eyton est Vice Président Groupe pour la Recherche et la Technologie –et de plus qu’il a une expérience préalable directe dans le Golfe du Mexique en eaux profondes, on pourrait s’attendre à ce qu’il se montre dans le cadre de la controverse en cours su la marée noire. Mais je n’ai vu qu’une mention de lui jusqu’à présent, Platts communiquant une déclaration d’Eyton du 17 mai à une conférence en Australie (je suppose qu’il faisait une pause dans l’analyse des emails du Climategate).

Dans ma soumission de juillet, je m’étais opposé à la présence d’Eyton dans le comité d’enquête Muir Russell sur le Climategate précisément à cause de ses connections dans le pétrole. Maintenant j’attends avec impatience de voir la position de BP au sujet « d’utiliser un truc pour cacher la baisse ». Si des expressions du même acabit sortaient de la correspondance de BP au sujet des eaux profondes du Golfe du Mexique, je doute que les législateurs Américains se montreraient tout à fait aussi blasés que les scientifiques du climat.

Un article de Steve McIntyre pour Climate Audit.

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