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La révolution décentralisatrice anglaise

jeudi 1er février 2001

Vingt ans de thatchérisme avaient attisé le nationalisme

Dans leurs rêves les plus fous, les Ecossais n’auraient jamais pu imaginer qu’ils en seraient à se chicaner sur l’appellation de leur nouvel exécutif, tant les fondations centralisatrices de l’Etat britannique paraissaient immuables. Aujourd’hui, le Royaume-Uni, l’un des derniers bastions du jacobinisme européen avec la France, s’invente un nouveau visage. Le modèle unique de jadis a cédé la place à un pays patchwork.

Première réforme : Londres, la capitale dont l’agglomération compte presque autant d’habitants que l’Ecosse et le pays de Galles réunis, a retrouvé son autonomie et vient de se doter d’un maire, Ken Livingstone - très à gauche -, élu par les Londoniens. Surtout, Tony Blair a lancé à son arrivée aux affaires le processus de dévolution : référendum en Ecosse et au pays de Galles en septembre 1997 et élection de l’Assemblée de Cardiff et du Parlement d’Edimbourg en mai 1999.

Il s’agissait alors de parer à une urgence : endiguer le nationalisme écossais, attisé par près de vingt ans de thatchérisme. Le résultat a donné un système hybride. Les Gallois ont timidement approuvé la mise en place d’une Assemblée dotée d’une faible autonomie, tandis que les Ecossais ont plébiscité un Parlement doté de pouvoirs fiscaux, compétent en matière de santé, d’éducation et d’équipements publics. Pour James Kennedy, politologue à l’université d’Edimbourg, « c’était une approche pragmatique typiquement britannique : accorder aux régions les pouvoirs qu’elles voulaient, plutôt que d’imposer un système unique sur tout le territoire ».

Deux constats au moins s’imposent après les premiers pas de cette dévolution à la carte. D’abord, le royaume semble plus consolidé que divisé. Après une percée initiale, la progression des nationalistes en Ecosse et au pays de Galles a marqué le pas. Même l’influent Sunday Telegraph, adversaire de l’autonomie régionale, a reconnu avec fair-play, l’été dernier, avoir « eu tort », la décentralisation ayant freiné, et non encouragé, le séparatisme. Ensuite, la dévolution a favorisé les gouvernements de coalition, inédits en Grande-Bretagne. Travaillistes et libéraux-démocrates sont aux commandes à Edimbourg et à Cardiff. Même en Irlande du Nord, où le processus de paix trébuche, catholiques et protestants tentent de cohabiter dans le même exécutif.

Prochaine étape : la fin de la Chambre des lords ?

Les réformes institutionnelles de Blair demeurent toutefois inachevées. Les revendications celtes ont révélé au grand jour la pièce manquante du puzzle : une représentation pour les Anglais, qui constituent plus de 80 % de la population britannique mais sont dépourvus d’une représentation propre. Des voix s’élèvent chez les tories pour interdire de vote les députés écossais et gallois (tous travaillistes) à Westminster lors des débats sur des questions anglaises... Pour compenser ce déficit, lord Wakeham, chargé d’un rapport sur la réforme de la Chambre des lords, a proposé de transformer cette haute assemblée en une sorte de Bundesrat, représentant les différentes régions britanniques. Une proposition pour l’heure restée sans suite.

La dévolution lancée par Blair a en tout cas ouvert un intense débat sur l’identité anglaise et sur l’avenir du royaume : dévolution, fédération ou indépendance ? La presse s’en est fait largement l’écho, et les livres sur le sujet foisonnent. Avec le dossier corse, Lionel Jospin a, lui aussi, lancé le débat de ce côté-ci du Channel. Mais Tony Blair ne s’est pas contenté de paroles.

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