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Au pied du mur ?

mercredi 26 mai 2010

Les choses bougent. Oooh, timidement, pour sûr. On est encore très très loin d’un mouvement d’ensemble, ou même d’une résolution concertée vers une quelconque prise de conscience. Non, décidément, ici, on est surtout dans le tâtonnement, l’essai, la tentative histoire de voir : certains dogmes tombent…

Peut-être les effluves de la crise commencent-elles à remonter lentement vers les élites qui nous gouvernent, perchées du haut de leur tour d’ivoire politique où le cadre moyen gagne 5000 euros par mois, les augmentations de salaires de 172% sont monnaie courante, et où les Rolex et les cartes Centurion se distribuent généreusement et en toute décontraction ?

Peut-être et tout simplement, les politiciens ayant été littéralement sélectionnés pour sentir les changements de sens du vent, se mettent-ils à tourner, lentement au début, dans une direction plus à même de leur permettre de passer la bourrasque qui s’annonce ?

Allez savoir.

En tout cas, les premiers micro-changements apparaissent, timides, mais notables.

Il y a, tout d’abord, le gros morceau qu’on consent à lâcher, parce que tout autre position deviendrait par trop inconfortable : la retraite à 60 ans, c’est fini. Ben oui : tout le reste de l’Europe a fini par abandonner ce principe. C’était ça ou laisser tomber la répartition. Et abandonner trop vite un système qui, s’il foire, a permis d’enfumer des dizaines de millions de personnes en enrichissant les politiciens de tous bords, ce serait se priver de quelques bons repas aux frais de la princesse. Trop tôt.

On devra donc aménager la lente agonie de la Retraite à la Franchouille. Va pour 63 ans. Ça évitera peut-être aux agences de notations de passer le doigt sur la détente. Au moins pour les deux ou trois prochains mois, en tout cas. Et puis c’est très avantageux politiquement puisque cela permet d’écorner un peu un des docteurs du dogme, l’ayatollah Mitterrand lui-même ; ce que s’empresse de faire Sarkozy avec la classe et le panache qui le caractérisent.

Bref : un dogme de moins, quelques années de plus pour les salariés, et quelques mois avant la cessation de paiement. Tout sursis est bon à prendre !

Autre fissure notable : on évoque, sans rire, une baisse du salaire des ministres.

Evidemment, pour le moment, c’est le mode Pignouf de Compétition qui prédomine avec des remarques idiotes à la « Oui mais bon faudrait aussi baisser le salaires de tous les autres fonctionnaires aussi, hein » qui permettent de louvoyer en se croyant très fin et très malin. Sauf que les ministres sont totalement hors cadre et qu’ils peuvent donc voir leurs indemnités et salaires revues quasiment ad notum.

Je suis tout à fait d’accord pour admettre qu’une baisse substantielle de leurs émoluments serait parfaitement démagogique et n’entraînerait absolument aucune amélioration des finances du pays, mais elle aurait une force symbolique tout à fait à propos dans ces temps difficiles. Pour le moment, on constate, dans ce bal d’hypocrites et de petits faiseurs, que personne ou à peu près ne veut faire le premier pas : la soupe est trop bonne et l’intérêt collectif, notamment celui de donner l’exemple, est vite oublié.

Et quand on se rappelle que personne n’ose évoquer que les députés et sénateurs pourraient, eux aussi, voir leurs traitements rabotés un bon coups, pour montrer l’exemple, on comprend qu’en réalité, cette question des salaires a été un tabou tellement soigné en République Française que l’arrivée d’un débat sur ces questions est rien moins que stupéfiant.

On ne peut donc qu’encourager les uns et les autres à parler du projet : oui, ces bouffons et ces clowns, principaux responsables des merdes et des calamités passées et à venir, doivent sentir, eux aussi, la crise peser sur leurs finances. Ce sont ces gens qui, par leurs actions et leurs omissions nous ont plongé dans un caca de plus en plus noir : il ne serait que justice qu’ils se retrouvent, eux aussi, à devoir faire de gros et sensibles efforts pour remettre le pays d’équerre. Et ça commence par l’exemple, trop souvent oublié.

(Notons au passage que si l’on devait les payer à leur juste valeur, la plupart d’entre eux subiraient une baisse de salaire de 90 à 95%, ce qui, au passage, écrèmerait notoirement les ministères et les rangs des assemblées de tous les parasites divers qui n’y viennent que pour y faire acte de présence. Ne resteraient que ceux qui y sont pour le pouvoir, la gloire ou le désir d’aider son prochain, ce qui mettrait un peu les choses au clair.)

Dans la même catégorie de petites fissures, on retrouve l’arlésienne du non-cumul des mandats.

On écartera l’hypothèse par trop improbable que l’idée ait germé dans le terreau stérile de la tête d’Aubry, mais il n’en reste pas moins qu’elle propose sans rire d’imposer cette proposition aux prochaines sénatoriales ; évidemment, l’idée angoisse les socialistes de gauche et réjouit les socialistes de droite.

L’idée, cependant, est bonne : je suis pour le non-cumul strict des mandats. Tous les mandats. Et pour imposer un nombre maximum de mandats successifs, deux me semblant un bon début (zéro étant une lubie personnelle, mais passons). On éviterait ainsi l’encroûtement de certains caciques.

Dans un autre registre, il semble que l’Etat, à cours de fonds, écarquille un peu les yeux sur les aménagements fort coûteux et économiquement plus que maladroits qui ont provoqué, notamment, la bulle immobilière en France.

Alors que la loi Robien, favorisant l’accès à la propriété d’immobilier locatif, avait rapidement entraîné la construction d’immeubles en carton un peu partout en France et au milieu de nulle part, avec une offre trop abondante au point de mettre certains propriétaires dans des situations délicates, l’Etat avait rapidement modifié l’environnement fiscal (il adore ça, modifier les tubulures chromées de son aspirateur à richesses) avec la loi Scellier.

Manque de pot ou sort chafouin ? Incompétence des zéconomistes à la petite semaine ou des fiscalistes bidouilleurs d’un Etat dopé à l’interventionnite ? Toujours est-il que les mêmes causes produisant les mêmes effets, repaf, les constructions Scellier se sont multipliées avec, à nouveau, des problèmes pour les propriétaires et des problèmes pour l’Etat lui-même : encore un zut et flûte de crotte de manque à gagner fiscal.

Après petits calculs, le dogme de l’intervention éclairée de l’état dans l’immobilier semble donc tomber.

C’est qu’il n’y a plus un rond, ma brav’dame, et qu’on ne peut plus trop favoriser tout et n’importe quoi !

Bref et pas de doute : on voit bien que le gouvernement, et les politiciens en général, tentent des aménagements dans leur façon de concevoir leur rapport au peuple qu’ils pressurent.

La tempête approche. Alors, ankylosé par des années d’immobilisme, ces petits riens semblent leur coûter fort cher. Symptomatiques, elles montrent bien, cependant, que le vent tourne, que ce qui était vrai, coulé dans le bronze, gravé dans le marbre et en béton armé n’est plus si solide à présent que nous abordons les territoires inconnus de la catastrophe monétaire…

Mais ces agitations, au pied du mur, tout près, me semblent très insuffisantes : ce pays est foutu.


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