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Rigueur et austérité, oouuh les vilains mots !

lundi 7 juin 2010

Rigueur et austérité : deux termes bannis du vocabulaire de campagne. A peine peut-on lire, ici et là, quelques allusions à l’inévitable scénario d’après-13 juin. Sur ce point-là, Elio Di Rupo joue sans doute le plus la carte de la franchise. Ce matin encore dans la DH, le président du PS répète son credo : “Autant je suis favorable à la rigueur, autant je suis opposé à l’austérité libérale : il n’est pas question de payer une deuxième fois la crise“. Elio Di Rupo reste cohérent avec les propos qu’il a tenus lors du grand débat organisé sur RTL TVI. Mais l’électeur qui devra se prononcer dimanche prochain reste dans le flou le plus total sur les intentions des partis francophones quant aux sacrifices qu’il faudra réaliser.

Austérité, rigueur. Rigueur, austérité. J’ignore quelle véritable nuance il faut apporter à ces termes, sachant que la réalité économique ne ment pas. La Belgique devra réaliser un effort de 22 milliards d’euros pour atteindre les mesures d’équilibre du Pacte de stabilité en 2015. C’est de la rigueur ou de l’austérité, ça ? Avec une dette qui va dépasser les 100% du PIB, un taux de chômage aux alentours de 13%, une fiscalité pesante et une fonction publique pléthorique, la Belgique n’a pas le choix. Au lendemain des élections, elle devra suivre le rythme enclenché, avec plus ou moins de succès, dans les autres pays européens. Sous peine de se retrouver dans le collimateur des marchés, qui guettent les faux pas des dettes souveraines.

Seulement voilà : qu’on les qualifie de rigueur ou d’austérité, ces mesures feront mal. Au Portugal, le gouvernement a décidé de fermer 900 écoles d’ici la fin de l’année scolaire. En Espagne, la récession et la bulle immobilière ont poussé le gouvernement à tailler dans les dépenses sociales, alors que le chômage est en passe d’atteindre les 20%. En Italie, le plan d’austérité prévoit 24 milliards d’euros d’économie. Berlin vient d’annoncer 30 milliards d’économies d’ici à 2013. Quant au Royaume-Uni, il va lui aussi entrer dans une “ère d’austérité”, selon les termes du Secrétaire d’Etat au Trésor David Laws.

Et en Belgique ? C’est la campagne, alors on rase gratis. Untel promet une pension minimale de 1.000 euros. Le lendemain, Telautre promet une pension à 1.150 euros. Sur le fond, on parle beaucoup des priorités socio-économiques, mais qui ose avancer des chiffres, des mesures, des projets ? A l’exception de l’Open VLD, timidement suivi par les autres partis flamands obligés de se positionner, je n’ai pas trouvé trace de programme de rigueur digne de ce nom. Côté francophone, en tout cas, on n’avance aucun programme chiffré. Faudrait pas faire peur à l’électeur, à l’heure où chacun y va de son cahier de revendications…

L’Itinera Institute, lui, a effectué une partie du travail, dans une étude intitulée “Le bon sens et le réalisme doivent arrêter la culture de promesses” (téléchargez le pdf ici). Le constat est interpellant : les quatre partis francophones proposent ensemble 173 mesures impliquant de nouvelles dépenses, contre seulement 16 mesures d’austérité. Et seules 9 (!) nouvelles sources de financement sont prévues pour réaliser ces 173 promesses. Pour économiser 22 milliards, c’est mal parti.

Habitué aux avalanches de promesses, l’électeur est-il dupe ? Les candidats ont encore une semaine pour s’affirmer sur le terrain socio-économique. Avant l’entrée en vigueur effective des premières mesures d’économies (de rigueur, d’austérité, biffez la mention inutile…), il faudra encore patienter plusieurs semaines. Le temps qu’un gouvernement voie le jour.

Dans une interview publiée en début de semaine, un journaliste du Monde demandait à Valéry Giscard d’Estaing pourquoi le mot “rigueur” était tabou en France. L’ancien président a répondu franchement :

« Pour des raisons électoralistes et parce que les Français croient qu’il existe quelque part une caisse noire où les gouvernements peuvent puiser ! »

La Belgique est en campagne, et c’est le communautaire qui domine les débats. Figurez-vous que, chez nos voisins du Nord, on vote aussi. Les Néerlandais se rendent aux urnes le 9 juin et là, miracle, c’est le socio-économique qui a dominé la campagne. Là-bas, l’imminence des élections n’a pas paralysé les décideurs. Le gouvernement néerlandais a décidé de réduire les dépenses publiques de 20% pour économiser 40 milliards d’euros. C’est de la rigueur ou de l’austérité ?

Peut-être simplement de la prévoyance.

Illustration : affiche de campagne de Tania Derveaux, ancienne (et éphémère) candidate du parti NEE au Sénat, durant la campagne des législatives 2007.


Voir en ligne : Oouuh les vilaints mots !

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